(Saint-Norbert) Qui sème récolte. Près de deux ans après le lancement de la stratégie de croissance des serres, le volume de production de fruits et légumes a déjà presque doublé au Québec, a appris La Presse. Et ce sont 347 nouvelles serres qui ont poussé dans la province.

Régis soulève des plants de basilic et les dépose sur un tapis roulant. Les pots avancent, puis tombent dans un sac. Sa cadence de travail : 2800 plants de fines herbes emballées à l’heure. Régis – l’employé le plus productif des serres Gourma – est un robot.

C’est dans cette entreprise serricole de Lanaudière, considérée comme la plus avancée en matière d’automatisation et de robotisation au Québec, que le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, a donné rendez-vous à La Presse pour faire le bilan de la stratégie de croissance des serres du Québec.

Afin d’accroître l’autonomie alimentaire de la province, Québec a annoncé, en novembre 2020, son projet visant à doubler la superficie des serres d’ici 2025. Le but était, en toute logique, de doubler le volume des aliments produits en serre.

« Une des belles surprises, c’est qu’au moment où on a 56 % des superficies atteintes, on est au-dessus de 85 % au niveau du volume », s’est réjoui le ministre en entrevue.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

André Lamontagne, ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation

Jusqu’à présent, 66 hectares ont été ajoutés au parc serricole. À terme, l’objectif est de faire passer les surfaces d’aliments cultivés en serre de 123 hectares à 246 hectares.

Au moment du lancement de la stratégie, le Québec produisait annuellement environ 41 500 tonnes de fruits et légumes en serre.

Si on double les superficies, on se dit que théoriquement, on va s’en aller à 82 000 tonnes. Mais on a déjà 36 000 tonnes de plus ! On est rendu à plus de 77 000 tonnes de production !

André Lamontagne, ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation

« Ultimement, ce n’est pas des superficies que le monde mange », ajoute le ministre Lamontagne.

Cette croissance inattendue est attribuable à la modernisation du parc serricole et à la mise en place d’approches qui favorisent la productivité, estime M. Lamontagne.

« C’est comme plein d’étoiles qui s’alignent toutes à la même place. L’idée de la stratégie des serres, c’est sûr, c’est d’augmenter les volumes et les superficies, mais en arrière de ça, ce que l’on voulait, c’est moderniser la filière. On voulait créer un écosystème, on voulait qu’il y ait de l’innovation. »

De toutes les tailles

Petites, moyennes, grosses : depuis le lancement de la stratégie, 347 nouvelles serres ont vu le jour grâce à divers programmes de subvention du gouvernement du Québec.

Jusqu’à présent, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) a accepté 237 projets de serres de petite taille et de « grands tunnels ».

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Les « grands tunnels » permettent aux petites fermes d’allonger leur saison de culture. Les légumes y poussent à même le sol avec un chauffage minimal.

« Ces petites entreprises peuvent cultiver plus longtemps. Elles sont en mesure d’en offrir davantage à leur clientèle. Ce sont de petites entreprises qui sont moins petites et plus prospères sur le territoire, et ça, c’était super important », explique le ministre.

Du côté des serres de taille moyenne, 101 entreprises ont pu construire ou agrandir et moderniser leurs installations.

Enfin, 22 nouvelles serres de grande taille – celles qui alimentent les grandes enseignes – ont vu le jour grâce à la mise en place d’un tarif d’hydroélectricité préférentiel pour le chauffage ou l’éclairage.

« On en a encore plusieurs en vue, mais ce sont de plus gros projets, donc plus compliqués à attacher », souligne M. Lamontagne.

Au Québec, seulement 32 % des dépenses de chauffage des serres sont allouées au gaz naturel, contre 72 % en Ontario, qui possède une importante industrie serricole.

Fait intéressant, 15 projets de fermes intérieures ont aussi bénéficié de subventions. Toutes utilisent des lampes à éclairage DEL pour la croissance de leurs plantes.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

L’entreprise Ferme d’hiver fait pousser des fraises à l’intérieur grâce à un système de culture vertical alimenté par des lampes à éclairage DEL.

« Ce sont des superficies qui sont restreintes, mais avec des augmentations de productivité qui sont incroyables », décrit-il.

Maintenant ou jamais

Au début de la pandémie de COVID-19, le premier ministre François Legault avait indiqué que son gouvernement miserait sur l’accroissement de l’autonomie alimentaire comme moteur de relance économique.

En 2021, le MAPAQ a fait l’exercice de calculer la capacité d’« autoapprovisionnement potentiel » du Québec, c’est-à-dire la capacité de combler la consommation de différents aliments si les frontières fermaient au Québec.

Serres : autoapprovisionnement potentiel du Québec par aliments

  • Tomates : 71 %
  • Concombres : 64 %
  • Poivrons : 9 %
  • Laitue : 128 %
  • Aubergines : 14 %
  • Fraises : 53 %

Le ministre pense que les investissements dans les serres continueront de faire bouger l’aiguille encore davantage. « Quelqu’un qui veut faire des serres, s’il n’en fait pas aujourd’hui, il n’en fera pas de sa vie, parce que tout est en place. »

En savoir plus
  • 676
    Nombre d’entreprises au Québec qui possèdent au moins une serre en culture de fruits et légumes
    Source : ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec
    95
    Au total, 95 serres au Québec (appartenant à 70 entreprises) bénéficient d’un tarif d’hydroélectricité préférentiel. Elles ont droit au prix avantageux de 5,59 cents le kilowattheure.
    Source : ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec