Le plus gros lieu d’enfouissement du Québec souhaite prolonger ses activités pendant 30 ans et ainsi recevoir 44,5 millions de mètres cubes de déchets supplémentaires, de quoi remplir 24 fois le Stade olympique de Montréal.

Le projet d’agrandissement du lieu d’enfouissement technique (LET) de Lachenaie, à Terrebonne, a été déposé au Registre des évaluations environnementales du Québec le 7 mars, confirmant les intentions déjà exprimées dans le passé de son propriétaire, la filiale canadienne de la multinationale états-unienne Waste Connections.

Ce lieu d’enfouissement est le seul sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), et sa capacité autorisée devrait être atteinte en 2027, prévoit maintenant l’entreprise, qui évoquait auparavant l’année 20291.

Waste Connections souhaite « y enfouir des matières résiduelles pendant 30 années supplémentaires, c’est-à-dire jusqu’en 2057 », au rythme actuel de 1,5 million de mètres cubes par année, écrit-elle dans le document déposé au Registre.

L’entreprise a fait dans les dernières années l’acquisition des terrains nécessaires à l’agrandissement ; elle estime avoir besoin d’une « période minimale de 48 mois » pour le réaliser.

« Un projet des années 1990 »

Un tel agrandissement serait contraire à ce qu’il faut faire, estime le directeur général du Front québécois pour une gestion écologique des déchets, Karel Ménard.

« Je trouve ça pathétique, c’est un projet des années 1990 », à l’époque où sont apparus les mégasites d’enfouissement, dit-il.

Ces sites reçoivent un volume de déchets si élevé qu’ils peuvent « défier toute concurrence » et offrir des prix qui rendent l’enfouissement des déchets beaucoup plus attrayant que n’importe quelle autre solution, déplore M. Ménard.

On a des modes d’élimination qui sont incompatibles avec les modes de gestion qui visent la réduction.

Karel Ménard, directeur général du Front québécois pour une gestion écologique des déchets

Il est incohérent que les municipalités doivent planifier la gestion des déchets, mais que leur enfouissement soit confié à des entreprises privées qui font « tout pour avoir le plus de poubelles possible », relève-t-il.

Le gouvernement est « pris en otage » par un oligopole d’entreprises du secteur « qui dictent l’agenda de l’élimination au Québec », accuse Karel Ménard.

« Il y a cinq sites au Québec qui gèrent plus de 75 % des poubelles, et ils appartiennent à trois compagnies », souligne-t-il.

Karel Ménard plaide pour des lieux d’enfouissement plus petits, recevant les déchets de leur milieu environnant, afin de « sensibiliser les générateurs ».

Encore besoin d’enfouir

Waste Connections fait valoir que le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) indiquait dans son rapport sur la gestion des « résidus ultimes », en janvier 2022, que de nouveaux lieux d’élimination ou des agrandissements de lieux existants seront nécessaires au cours des 20 prochaines années.

« C’est évident qu’on va devoir avoir de nouvelles autorisations, on n’atteindra pas le zéro déchet demain matin, répond Karel Ménard, mais [Waste Connections] alimente la problématique de la surproduction de déchets. »

Le rapport du BAPE pointait aussi que le Québec devait prioriser la réduction à la source et cesser de miser sur le recyclage pour réduire la quantité de déchets qu’il génère2.

On a un problème d’enfouissement parce que les efforts nécessaires n’ont pas été mis en amont.

Joseph Zayed, président de la commission d’enquête du BAPE

Bruit, GES et lixiviat

L’agrandissement du site de Lachenaie entraînerait différents impacts durant la phase d’aménagement, dont l’émission de poussières et de gaz d’échappement, du bruit, de la circulation et la perte de milieux naturels, indique l’entreprise, précisant que les résidences les plus proches se trouvent à 750 mètres du site, qui est l’une des composantes du Complexe Enviro Connexions, constitué également d’une usine de production de biométhane, d’un centre de tri et d’un centre de compostage.

L’exploitation entraînerait quant à elle des odeurs et des émissions de biogaz, dont du méthane, un puissant gaz à effet de serre (GES).

« La mise en place progressive du système de captage actif des biogaz [permettra] de limiter de façon très importante ces impacts sur l’environnement », affirme Waste Connections, ce qui fait bondir Karel Ménard.

« S’il y a du biogaz qui sort des cellules, c’est un constat d’échec, ça veut dire qu’on a enfoui des matières organiques qui ne devraient pas être là », dit-il.

Un important rejet de méthane avait d’ailleurs été détecté par satellite3, en novembre, au site de Lachenaie, que Waste Connections avait attribué à une opération de maintenance.

Les nouvelles cellules d’enfouissement seront dotées d’un système de captage du lixiviat, qui passera par l’usine de prétraitement qui se trouve déjà sur le site avant d’être pompé vers l’usine d’épuration municipale de Mascouche-Terrebonne.

Le projet pourrait être soumis à un examen du BAPE, a indiqué à La Presse le cabinet du ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette.

« Les demandes d’agrandissement des sites d’enfouissement nous démontrent qu’il est essentiel de réduire au maximum le recours à l’enfouissement », ce à quoi s’est attelé le gouvernement Legault avec la modernisation de la consigne et de la collecte sélective et la stratégie pour favoriser le compostage des matières organiques, a en outre déclaré l’attachée de presse du ministre, Mélina Jalbert.

(1) Lisez le texte « La plus grosse poubelle du Québec bientôt pleine » (2) Lisez le texte « Le recyclage ne suffit plus, dit le BAPE » (3) Lisez le texte « Un rejet de méthane détecté par satellite »
En savoir plus
  • 2,61 km⁠2
    Superficie de l’agrandissement projeté du lieu d’enfouissement technique de Lachenaie
    Source : Complexe Enviro Connexions