Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, le GIEC, dévoilera lundi son 6e rapport d’évaluation. Celui-ci sera une synthèse de six rapports publiés depuis 2018. À quoi doit-on s’attendre ? Explications.

Un rapport qui fait la synthèse de plusieurs publications, ça commence à faire pas mal de rapports, non ?

Il y en a beaucoup, en effet. Ces six rapports totalisent plus de 10 000 pages sur différents enjeux ayant un dénominateur commun : les changements climatiques. Chacun de ces rapports, préparés par des centaines de scientifiques, aborde un thème particulier. Signalons que le GIEC est composé de trois groupes de travail : le premier s’intéresse à la science des changements climatiques, le deuxième traite des impacts du réchauffement et le troisième a pour mission d’aborder les solutions à mettre en œuvre.

Ça semble bien compliqué, tout ça. J’ai l’impression de lire un texte qui décortique en détail les chances du Canadien de repêcher Connor Bedard en juin prochain.

PHOTO MICHAEL PROBST, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Les inondations, comme les meurtrières qu’a connues l’Allemagne en 2021, sont en hausse dans de nombreuses régions du monde.

On ne saurait vous répondre sur la possibilité de voir la Sainte Flanelle accueillir dans ses rangs un jeune hockeyeur surdoué, d’autant que c’est une loterie qui déterminera l’équipe gagnante, en vertu des règles de la Ligue nationale de hockey. Une chose est sûre, cependant, plusieurs constats du GIEC (hausse des sécheresses, inondations, etc.) sont déjà une réalité dans de nombreuses régions du monde. On ne peut en dire autant de la présence du jeune Bedard sur le même trio que Suzuki et Caufield au prochain camp d’entraînement.

On peut bien rêver, non ? OK, vous avez toute mon attention maintenant…

Le prochain rapport du GIEC sera composé de deux documents. Le premier, d’une cinquantaine de pages, résumera les rapports publiés depuis 2018. On y abordera les preuves accumulées à ce jour au sujet du réchauffement planétaire, on traitera aussi de ses impacts et des mesures d’atténuation nécessaires. Il sera également question des conséquences d’un réchauffement supérieur à 1,5 °C et 2 °C, ainsi que des impacts sur les océans et la cryosphère (les surfaces glacées). Sans oublier les effets de la surexploitation des superficies terrestres sur le climat.

Méchant programme ! Mais dites-moi si je fais erreur : j’ai l’impression que ce n’est pas ce texte qui va donner des maux de tête aux 195 membres du GIEC.

Vous êtes perspicace ! Résumer les constats de six rapports dans un document de 50 pages représente tout de même un immense défi. Mais la vraie difficulté sera de s’entendre sur le deuxième texte, un résumé pour les décideurs. Chaque mot, chaque ligne de ce texte d’une dizaine de pages doit être approuvé par les 195 pays membres du GIEC. La raison est fort simple : si le premier texte repose sur des constats scientifiques, le deuxième a une portée un peu plus politique.

Mais n’y a-t-il pas consensus de la science au sujet des changements climatiques ? Pourquoi débattre du choix des mots ?

PHOTO ADAM BERRY, ARCHIVES BLOOMBERG NEWS

Certains pays producteurs de pétrole privilégient le captage de carbone plutôt qu’un abandon des énergies fossiles pour contrer le réchauffement climatique.

Vous avez raison. Les discussions ne portent pas sur l’existence des changements climatiques ou encore sur l’influence des activités humaines sur le réchauffement planétaire. Tous s’entendent à ce sujet. Ce qu’il faut comprendre, c’est que le sommaire pour les décideurs contient les messages clés pour orienter la lutte contre le dérèglement climatique. Mais il n’y a pas consensus sur les solutions à mettre en œuvre. Selon Caroline Brouillette, directrice du Réseau action-climat Canada, l’Arabie saoudite, par exemple, souhaite que le document favorise l’adoption de solutions technologiques, comme le captage du carbone, plutôt qu’une sortie des énergies fossiles. Ce pays du Moyen-Orient, rappelons-le, est l’un des plus importants producteurs de pétrole au monde.

Il ne faut pas faire les deux ?

Bien sûr, mais les deux solutions n’ont pas la même importance. Selon le GIEC, les technologies de séquestration du carbone ne doivent en aucun cas servir de prétexte pour ne pas réduire le recours aux énergies fossiles. C’est d’autant plus crucial que ces technologies sont loin d’avoir fait leurs preuves jusqu’à présent. Pour espérer limiter le réchauffement à 1,5 °C, voire 2 °C, il faut inévitablement réduire notre utilisation des sources d’énergies polluantes.

J’ai comme l’impression qu’il y a plus de chances de voir Connor Bedard repêché par le CH…

La joute climatique ne sera pas facile, vous l’avez bien deviné. Dans son dernier rapport dévoilé en avril 2022, le GIEC indiquait que nos émissions de gaz à effet de serre devaient plafonner au plus tard en 2025 pour ensuite diminuer de 43 % d’ici 2030, afin de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C.

C’est foutu, non ?

Comme le rappelle régulièrement le climatologue américain Zeke Hausfather, « le climat est finalement une question de degrés plutôt que de seuils ». Même si nous ne limitons pas le réchauffement à 1,5 °C, la partie n’est pas terminée. Chaque dixième de degré compte, souligne-t-il. La cible de 1,5 °C semble de plus en plus hors de portée, mais il est toujours possible de ne pas dépasser les 2 °C, indiquent les experts. Selon le GIEC, si la tendance actuelle se maintient, le monde se dirige vers un réchauffement mondial de 3,2 °C d’ici la fin du siècle.

Les changements climatiques en quelques chiffres

3 millions de tonnes

PHOTO RAJESH JANTILAL, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Avec un réchauffement de 2 °C, les prises annuelles de poisson pourraient être réduites de 3 millions de tonnes à l’échelle mondiale.

Avec un réchauffement de 2 °C, le GIEC estime que les prises annuelles de poisson diminueront de 3 millions de tonnes à l’échelle mondiale. Cette réduction serait de 1,5 million de tonnes si le réchauffement était limité à 1,5 °C.

10 ans

Le seuil de réchauffement de 1,5 °C serait atteint d’ici 10 ans, selon une étude récente publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.

3,6 milliards

Entre 3,3 et 3,6 milliards de personnes sur Terre vivent déjà dans des conditions « hautement vulnérables » aux changements climatiques, selon le GIEC.

1,1 °C

Depuis environ 1880, la température moyenne à l’échelle planétaire a augmenté d’au moins 1,1 °C, selon la NASA.

Sources : GIEC, NASA et Proceedings of the National Academy of Sciences

En savoir plus
  • 421,10
    Concentration de CO2 dans l’atmosphère mesurée en parties par million (ppm) lors du relevé effectué le 13 mars dernier. Selon le GIEC, la quantité de CO2 dans l’atmosphère ne doit pas dépasser 350 ppm afin de limiter le réchauffement à 1,5 °C d’ici la fin du siècle.
    Source : National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA)
    19 tonnes
    Les habitants de l’Amérique du Nord émettent en moyenne 19 tonnes d’équivalent CO2 par année, loin devant toutes les autres régions du monde.
    Source : GIEC