La pandémie a provoqué un vent de changement dans les règles de construction résidentielle de plusieurs grandes villes. La cible : multiplier les balcons, terrasses, coins pelouse et espaces verts.

Conscients de l’impact du confinement sur la santé de ses citoyens, les élus de Rennes, en France, ont réussi le tour de force d’obliger les architectes à inclure des balcons à leurs dessins. Une mesure s’alignant avec la nouvelle réalité du télétravail.

Dorénavant, il est obligatoire de prévoir pour toute nouvelle construction un « espace extérieur privatif » d’au moins 4 m². Les logements pour personnes âgées et ceux pour étudiants sont particulièrement visés. Une mesure qualifiée d’« inédite », selon l’administration municipale de Rennes, dont la taille de la population se compare à celle de la ville de Québec.

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Les élus de Rennes, en France, ont réussi le tour de force d’obliger les architectes à inclure des balcons à leurs plans.

« Le contexte sanitaire, le confinement, a joué dans notre décision, mais aussi le développement de modes de vie un peu différents, comme le télétravail », a résumé Laurence Besserve, vice-présidente de Rennes métropole responsable de l’aménagement et de l’habitat. À l’hôtel de ville, le responsable du service de presse, Lucas Auffret, ajoute que les prévisions démographiques ne sont pas étrangères à ce virage.

Selon les plus récentes données de Rennes, présentées lors d’une vaste consultation publique sur l’adoption d’un Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), la population va passer de 460 000 à 533 000 résidants d’ici 2035, ce qui nécessitera la création de 65 000 nouveaux logements.

Gym en plein air

En plein hiver, à l’angle des rues Robert-Bourassa et Ottawa, il est difficile d’imaginer à quoi ressemblera l’ambitieux complexe immobilier Odea Montréal, s’inspirant de la nature. S’inspirant de la forêt.

Mais au printemps prochain, les plans de construction avec des choix de finition « boréal, laurentienne ou taïga » commenceront à prendre forme. Mathieu Millette, architecte et vice-président du groupe Cogir, estime que le balcon a toujours été une exigence au Québec, ironiquement même auprès des gens qui ne l’utilisent pas.

Le balcon, c’est culturel. Mais toute une réflexion s’est amorcée avec la pandémie, le confinement, avec les résidences pour personnes âgées où les entrées et sorties ont été contrôlées. Ça va jusqu’aux choix de matériaux antibactériens.

Mathieu Millette, architecte et vice-président du groupe Cogir

« Et il y a une plus grande sensibilité aux espaces extérieurs communs. On peut imaginer que des gyms extérieurs seront aménagés dans des types d’immeubles où l’on ne voyait que des gyms intérieurs », ajoute-t-il.

Plan d’urbanisme

Dans cette mouvance, les élus de la Ville de Montréal ont adopté un document intitulé Projet de ville : vers un plan d’urbanisme et de mobilité. L’ébauche servira à dépoussiérer le plan d’urbanisme actuel, datant de 2004, pour définir l’avenir bâti de Montréal jusqu’en 2050. Les balcons feront partie de la réflexion, assure-t-on.

Responsable de l’urbanisme et membre de l’exécutif, Robert Beaudry explique que la population montréalaise souhaite plus que jamais des milieux de vie complets, avec espaces verts, parcs, commerces de proximité. Elle veut des logements abordables de qualité, adaptés aux différents besoins.

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Robert Beaudry, responsable de l’urbanisme et membre de l’exécutif de la Ville de Montréal

« On a tiré énormément de leçons de la pandémie, dit-il. On s’est rapprochés, on a vu un fort retour du sentiment de communauté, de partage, plus que jamais, la vie de quartier est devenue essentielle. On a vu la force de la mixité des usages en ville, comme le centre-ville habité qui nous a permis de remonter la pente beaucoup plus rapidement que d’autres grandes métropoles. Tout ça a eu pour effet d’exacerber plein de besoins qui existaient avant la pandémie, mais qui sont devenus indispensables pour les citoyens. »

Montréal « balconville »

Passionné par l’environnement urbain, Philippe Lupien, architecte et professeur de l’École de design de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), fait remarquer que Montréal a longtemps été surnommé « balconville ». C’est surtout en référence aux nombreux plex conçus avec un petit escalier en colimaçon menant à un balcon, précise-t-il.

Le spécialiste croit que Montréal est en train de passer à un autre niveau en matière de balcons et d’aménagement. On s’inspire de plus en plus de projets grandioses, comme le Bosco, à Milan, reconnu mondialement pour ses tours d’habitation entièrement végétalisées.

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Le Bosco, à Milan

« On voit de plus en plus de loggias [balcons en partie couverts et encastrés], surtout en hauteur. Dans les nouveaux complexes, on installe de plus en plus de conduites de gaz naturel pour les relier au barbecue. Je crois qu’on verra de plus en plus de toitures en pente, des verrières, des écosystèmes intégrés aux immeubles », explique M. Lupien.

À Montréal, plus de la moitié (58 %) de la population vit dans des habitations de type logement, ajoute la directrice générale du Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM), Véronique Fournier. La dirigeante a justement assisté aux Rencontres européennes de la participation publique, qui se tenaient dans la ville de Rennes, l’automne dernier.

Elle estime que la construction de nouveaux immeubles doit être axée sur des milieux de vie favorables à la santé. Il ne faut pas négliger les initiatives pour combattre les îlots de chaleur.

« Il est impératif pour Montréal de voir plus large que le balcon, avec l’aménagement urbain et l’accès à des espaces verts, à des parcs, à une vie de quartier. On n’a pas un cadre bâti comparable à Rennes. Avec la pandémie, on a appris, on a ouvert des pistes cyclables, des parcs, des rues sont devenues piétonnes. Pourquoi ne pas élargir la réflexion pour atteindre 30 % d’espaces verts ? », demande-t-elle.

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