Le Complexe Desjardins a mis sur pied une solution inédite pour améliorer la gestion de ses matières résiduelles.

Les bacs de récupération des matières compostables et recyclables ont disparu de l’aire de restauration du Complexe Desjardins, à Montréal, et les taux de récupération ont conséquemment… augmenté.

L’établissement situé au centre-ville de Montréal a repensé la gestion des matières résiduelles, pour la confier à une équipe de trieurs.

« Quand le public trie, c’est toujours contaminé », résume Sylvain Gauthier, conseiller à l’entretien des bâtiments du Complexe Desjardins depuis 15 ans.

Les « trios » de poubelles – matières recyclables, matières organiques et déchets ultimes – qui parsemaient l’aire de restauration ont ainsi été remplacés il y a un an par des bacs où tout est jeté pêle-mêle.

« Vous jetez, nous trions », dit l’affiche expliquant le fonctionnement du nouveau système au public.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Petit mot d’encouragement aux utilisateurs

Les poubelles sont ensuite transportées au « mini-centre de tri » aménagé dans un ancien local d’entreposage, au sous-sol, où des employés vêtus de longs gants et de tabliers vident leur contenu devant eux pour en retirer les déchets et les matières recyclables.

Restes de table, serviettes en papier et autres matières organiques sont pour leur part acheminés jusqu’à un triturateur, puis mis dans un conteneur et envoyés dans un centre de compostage près de Berthierville.

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Sylvain Gauthier a imaginé le nouveau système de gestion des matières résiduelles de l’établissement du centre-ville de Montréal.

Le centre de tri a été conçu pour la récupération des matières compostables.

Sylvain Gauthier, conseiller à l’entretien des bâtiments du Complexe Desjardins

Les employés du centre de tri, au nombre d’un à quatre selon les périodes de la journée, récupèrent aussi les matières recyclables, notamment les contenants consignés, qui sont remis à la coopérative de solidarité Les Valoristes.

« Tout ce qu’on récupère ici, avant, c’était jeté aux déchets », souligne Sylvain Gauthier, précisant que la quantité de matières organiques ainsi récupérées oscille entre 7 et 8 tonnes par semaine, alors que le Complexe Desjardins n’est occupé qu’au tiers de sa capacité en cette période postpandémique.

Ce système de tri présente un avantage collatéral : il permet de récupérer les cabarets qui atterrissaient parfois aux poubelles, plus souvent qu’on pourrait le croire.

« On perdait 2000 $ de cabarets par année », s’exclame Sylvain Gauthier.

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Restes de table, serviettes en papier et autres matières organiques sont acheminés jusqu’à un triturateur, puis mis dans un conteneur et envoyés dans un centre de compostage à Berthierville.

Bond du taux de récupération

Le taux de récupération des matières valorisables était de 10 % quand Sylvain Gauthier a commencé à travailler au Complexe Desjardins, en 2007, et n’atteignait que 47 % avant la pandémie.

« On savait que la foire alimentaire générait beaucoup de déchets, qu’il y avait peu de récupération », dit-il.

La pandémie a été l’occasion pour le Complexe Desjardins de rénover son aire de restauration et d’en modifier la gestion des matières résiduelles.

Le système imaginé par Sylvain Gauthier, conçu sur mesure, a fait passer le taux de récupération des matières recyclables et compostables à 68 % en 2022, et à 95 % dans l’aire de restauration spécifiquement.

Le projet de 600 000 $ a bénéficié d’une subvention de 293 000 $ de la Société québécoise de récupération et de recyclage (Recyc-Québec).

Son coût de fonctionnement, composé de salaires ainsi que du nettoyage et de l’entretien des équipements, s’élève à 50 000 $ par mois, soit 1,74 $ par kilogramme de matière récupérée.

« Il faut travailler à réduire ça », affirme sans détour M. Gauthier, pour qui la solution passe notamment par la participation des restaurants qui louent un espace au Complexe Desjardins et qui assument ces coûts par l’entremise des frais de gestion qu’ils paient.

Plus ils vont collaborer, plus leurs coûts vont baisser.

Sylvain Gauthier, conseiller à l’entretien des bâtiments du Complexe Desjardins

La tige métallique d’un contenant de nouilles d’une chaîne bien connue donnait d’ailleurs du fil à retordre à Pascal Olinga, lors du passage de La Presse au centre de tri.

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Pascal Olinga s’efforce de retirer la tige métallique d’un contenant de nouilles d’une chaîne bien connue pour ne pas qu’elle abîme l’équipement de récupération des matières organiques du Complexe Desjardins.

« Ce serait plus simple, plus rapide [s’il n’y en avait pas] », confie-t-il, expliquant devoir la retirer pour ne pas qu’elle abîme l’équipement.

Autres options écartées

L’utilisation de vraie vaisselle avait aussi été envisagée, mais écartée en raison du manque d’espace nécessaire, de l’affluence énorme lors des festivals estivaux et du fait que quelque 15 000 personnes travaillent en temps normal dans les différents immeubles du Complexe Desjardins, dont un bon nombre « remontent sur les étages avec leur repas », explique Sylvain Gauthier.

D’autres options, comme doter l’aire de restauration de comptoirs avec du personnel qui reçoit les cabarets, ont aussi été écartées.

L’innovation du Complexe Desjardins suscite déjà l’intérêt d’autres établissements montréalais, souligne M. Gauthier.

Le système permet de détourner beaucoup plus de matières valorisables de l’enfouissement, mais il ne coûte pas moins cher que l’ancienne façon de faire, les prévient-il toutefois.

« Il faudrait que la redevance à l’enfouissement soit plus élevée au Québec, dit-il. Mais on ne le fait pas pour les économies, on le fait pour l’environnement. »

Une version précédente de ce texte indiquait que le centre de compostage où sont envoyées les matières organiques du Complexe Desjardins est à Berthierville. Or, il est dans la municipalité voisine de Saint-Thomas ; ce sont les bureaux de l’entreprise qui sont situés à Berthierville.

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En savoir plus
  • 50 000
    Nombre de sacs de poubelle économisés par année par le Complexe Desjardins, un avantage collatéral de son nouveau système de gestion des déchets
    Source : Complexe Desjardins
    60 %
    Proportion des matières organiques du Complexe Desjardins qui proviennent de l’aire de restauration, le reste provient du supermarché, de l’hôtel et des restaurants du Complexe qui donnent sur la rue Sainte-Catherine et qui ont leur propre salle à manger
    Source : Complexe Desjardins