Un nouveau déversement de produits chimiques provenant d’un terrain de l’aéroport Montréal-Trudeau dans un ruisseau se jetant dans le fleuve Saint-Laurent exaspère le maire de Dorval, qui appelle le gouvernement fédéral à intervenir.

Inquiet de la couleur anormale de l’eau du ruisseau Bouchard, un citoyen a alerté les autorités municipales et aéroportuaires, le 6 décembre dernier, soupçonnant un déversement de glycol, un produit chimique de la famille de l’alcool utilisé comme dégivrant pour les avions en raison de ses propriétés antigel.

Quinze minutes après l’appel du citoyen, l’eau du ruisseau avait retrouvé sa couleur normale, a indiqué à La Presse le maire de Dorval, Marc Doret, qui déplore que les évènements du genre soient récurrents.

Son administration a signalé la situation au Service de l’environnement de la Ville de Montréal, responsable de ces questions pour l’ensemble des municipalités de l’île.

PHOTO FOURNIE PAR LA VILLE DE DORVAL

Le ruisseau Bouchard, le 6 décembre dernier

« Après investigation, le Service a conclu qu’il s’agit d’une présence d’hydrocarbures et non de glycol », a déclaré à La Presse Kim Nantais, porte-parole de la Ville de Montréal.

« À la demande du Service de l’environnement de la Ville de Montréal, l’Aéroport a activement mis en place les infrastructures pour contenir et ramasser la contamination dans les zones concernées », a ajouté Mme Nantais.

Aéroports de Montréal (ADM) dit avoir été « avisée d’un déversement d’hydrocarbures de moins d’un litre » sur un terrain lui appartenant hors de la zone réglementée et loué à un « partenaire », ce jour-là.

« Comme il pleuvait, l’eau de pluie s’est mélangée au litre d’hydrocarbures, ce qui a occasionné qu’ils se retrouvent dans l’égout pluvial par le drain et ainsi une quantité aurait pu se déverser en partie dans un cours d’eau du site aéroportuaire », a expliqué à La Presse Eric Forest, porte-parole d’ADM.

« Il n’y avait pas de glycol en cause dans l’incident », a-t-il assuré.

Des responsables de l’environnement et de l’entretien des terrains d’ADM se sont rendues sur place pour « [aider] le locataire à contenir l’épanchement » et une surveillance accrue du cours d’eau a été effectuée au cours des jours suivants par mesure de précaution, a précisé M. Forest.

Le maire s’impatiente

Les explications d’ADM ne satisfont pas le maire Doret.

« On est découragés, parce qu’il y a tout le temps une excuse », lance-t-il.

« L’Aéroport essaie de se vendre comme une business assez écologique, ce qui n’est pas vraiment le cas ; c’est l’un des plus grands pollueurs dans l’ouest de Montréal », enchaîne le maire.

« C’est le temps que le fédéral mette un peu de pression sur l’Aéroport pour qu’ils aient une réflexion un peu plus [approfondie] sur l’environnement », estime-t-il.

On a besoin d’un aéroport à Montréal, on accepte l’aéroport, mais ça ne leur donne pas le droit de faire n’importe quoi, ils doivent mieux faire pour l’environnement, ils peuvent faire mieux.

Marc Doret, maire de Dorval

Les évènements comme celui du 6 décembre minent selon lui les efforts faits depuis de nombreuses années pour redonner une santé au ruisseau Bouchard – le petit cours d’eau prend sa source au nord de l’aéroport, qu’il traverse dans une canalisation enfouie avant de refaire surface au sud-est des pistes, et parcourt la ville de Dorval pour finalement se jeter dans le fleuve à la hauteur du parc du Millénaire.

PHOTO FOURNIE PAR LA VILLE DE DORVAL

Le ruisseau Bouchard, le 6 décembre dernier

Dorval projette d’ailleurs d’orienter le site vers les activités aquatiques, ce que l’amélioration de la qualité de l’eau pourrait permettre, mais craint que les déversements qui continuent de survenir soient un obstacle, explique le maire.

Station de filtration réclamée

La Ville de Dorval et l’arrondissement montréalais de Lachine réclament qu’ADM construise « une mini station de filtration » pour empêcher les rejets de polluants provenant de l’aéroport dans le ruisseau Bouchard, rappelle le maire Marc Doret.

ADM souligne que le réseau de drainage souterrain de l’aéroport Montréal-Trudeau est doté de capteurs d’hydrocarbures et que son centre de dégivrage inauguré en 2014 récupère le glycol par un système de conduites souterraines.

Un programme de suivi de la qualité des eaux pluviales, sanitaires et souterraines est par ailleurs en place pour assurer la protection des cours d’eau qui traversent le site, ajoute le porte-parole Eric Forest.

« Plus de 500 analyses sont réalisées annuellement sur des échantillons d’eaux pluviales prélevés aux différents exutoires des aéroports Montréal-Trudeau et Montréal-Mirabel », précise-t-il, ajoutant que le respect des normes municipales relatives à la qualité des eaux est vérifié par des inspections régulières.

En savoir plus
  • 20,3 millions
    Nombre annuel de voyageurs à l’aéroport Montréal-Trudeau en 2019, avant la pandémie
    Source : Aéroports de Montréal