Le Canada reproche au Brésil de ne pas négocier « de bonne foi » à la COP15, après que des délégués de pays en développement ont claqué la porte d’une réunion de négociation, dans la nuit de mardi à mercredi, mécontents de ce qui s’y dessinait.

Une réunion sur la mobilisation des ressources financières nécessaires à la réalisation du nouveau cadre mondial pour la nature a pris fin abruptement, dans la nuit de mardi à mercredi, à la 15conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15), quand des délégués de pays en développement ont claqué la porte.

« Ce départ-là s’est fait à l’initiative du Brésil, [dont la délégation] ne négocie pas de bonne foi, ici », a réagi dans la matinée le ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault.

« Elle fonctionne encore avec les instructions du gouvernement Bolsonaro, alors que le gouvernement de Lula [élu le 30 octobre, mais qui n’entrera en poste que le 1er janvier] a déjà envoyé des signaux beaucoup plus progressistes sur ce qu’il voulait faire », a-t-il ajouté.

Il qualifie de « contre-productive » la demande du Brésil de ne calculer que le financement public, alors qu’il est admis que les deniers publics ne suffiront pas.

« On a besoin de fonds de toutes les sources, du secteur privé, de la philanthropie, des institutions multilatérales ; c’est clair pour le changement climatique, ça devrait l’être aussi pour la biodiversité », a déclaré le ministre.

M. Guilbeault doit rencontrer un représentant de l’équipe de transition du président désigné Luiz Inácio Lula da Silva, a-t-il indiqué.

On va essayer de voir comment, même si le gouvernement n’est pas encore en place, on peut travailler ensemble pour que l’ancienne équipe ne vienne pas court-circuiter les négociations.

Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

Ce serait une erreur d’attribuer uniquement au Brésil l’interruption de la réunion de mercredi, estime Eddy Pérez, directeur de la diplomatie climatique internationale au Réseau action climat Canada.

« Tous les pays en développement ont suivi, souligne-t-il. Il y a un gouvernement plus progressiste en Colombie et la Colombie a suivi. »

Les pays en développement « partagent tous une frustration » face à la réponse que les pays développés offrent à leurs demandes, explique M. Pérez.

Il faut que les parties se réveillent ; on est sur le point d’adopter un cadre mondial [sur la biodiversité post-2020], mais les décisions sur le financement ne suivent pas.

Eddy Pérez, du Réseau action climat Canada

Steven Guilbeault reconnaît que « les pays africains et plusieurs pays du Sud ont besoin d’être rassurés » et promet d’envoyer rapidement des « signaux forts » en ce sens.

« Les pays comme le Canada, qui veulent de l’ambition ici à Montréal, doivent être prêts à travailler sur la mobilisation des ressources, parce que l’un va avec l’autre », a déclaré le ministre.

Inversement, les pays qui veulent qu’il y ait plus de mobilisation financière doivent accepter le fait que l’ambition doit aussi être rehaussée, ajoute-t-il.

Accord imminent

Une nouvelle rencontre sur la mobilisation des ressources dans la journée de mercredi a permis des avancées significatives, a indiqué M. Guilbeault, en fin d’après-midi.

« Les gens sont revenus à la table et ont travaillé de manière constructive », a-t-il déclaré, ajoutant que les pays donateurs préparaient « une annonce très importante » sur le sujet, ce jeudi.

La mobilisation des ressources financières nécessaires à l’atteinte des objectifs de protection de la biodiversité est un élément central des négociations en cours à la COP15, a souligné mercredi le coprésident du groupe de travail sur le cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020, l’Ougandais Francis Ogwal.

L’échec du plan précédent, arrivé à échéance en 2020, est notamment attribuable au fait que les objectifs ont été adoptés d’abord, puis que les discussions sur les moyens de les réaliser se sont étirées sur des années, a-t-il illustré.

« Cette fois, le cadre mondial post-2020 doit être un ensemble, a déclaré M. Ogwal. Tout doit être fait en même temps, de sorte qu’on ne perde pas de temps à mobiliser des ressources alors qu’on devrait le mettre en œuvre. »

« Ce n’est pas seulement à propos des montants, des chiffres, c’est aussi à propos d’où c’est le plus nécessaire, de la façon la plus efficace d’intervenir », a déclaré Innocent Maloba, chef des affaires multilatérales du Fonds mondial pour la nature (WWF).

« Toutes les parties doivent rehausser leur ambition », a-t-il affirmé.