Son rêve était de devenir gardien au parc national de Nairobi où il a passé une partie de son enfance. Son destin l’a plutôt conduit vers les sciences et la défense de l’environnement. Kevin Lunzalu, 30 ans, est à la COP15, à Montréal, pour faire entendre la voix des jeunes, trop souvent ignorés dans les grandes rencontres internationales.

« Les COP font très bien quand c’est le moment de fixer des objectifs, mais on ne fait pas grand-chose pour atteindre ces objectifs. Il y a une déconnexion. On est très bons pour dire : nous devons aller dans cette direction. Mais 10 ans plus tard, nous n’y sommes toujours pas. »

Malgré le constat, dur, Kevin Lunzalu ne baisse pas les bras. Il travaille sans relâche pour faire entendre la voix des jeunes auprès des décideurs.

« Les jeunes sont encore généralement mis de côté dans plusieurs discussions, dit-il en entrevue avec La Presse. C’est comme si on nous disait : on sait que vous êtes là, mais laissez-nous nous en occuper. Nous sommes les conducteurs et vous êtes les passagers. »

Et Kevin Lunzalu en a marre d’être un passager.

Il a eu la piqûre pour la nature et les animaux pendant ses premières vacances scolaires, où il allait régulièrement au parc national de Nairobi.

Voir tous ces animaux, la vie sauvage, je trouvais ça incroyable. Personne ne pouvait s’approcher de près des animaux comme les gardiens du parc [rangers] le faisaient. Comme petit garçon, je rêvais de devenir l’un d’eux, pour être proche des animaux moi aussi.

Kevin Lunzalu

Dans sa tête d’enfant, son avenir était tout tracé : il allait devenir gardien au parc national de Nairobi.

Kevin Lunzalu est aujourd’hui biologiste. Il a terminé un baccalauréat à l’Université Egerton, au Kenya, en 2015. Pendant ses études, il a aussi milité dans de nombreuses organisations environnementales. En 2017, il a fondé le Kenya Youth Biodiversity Network, un organisme dirigé par des jeunes qui s’intéresse à des jeunes.

Il s’apprête aujourd’hui à terminer une maîtrise en science et politiques côtières à l’Université de Californie. Il s’intéresse entre autres aux effets de la pollution plastique sur les tortues marines.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Kevin Lunzalu

« Je ne suis pas devenu gardien de parc, mais à un moment donné, j’ai été stagiaire au parc national de Nairobi grâce à l’Université Kenyatta. Ç’a été l’un des plus beaux moments de ma vie. Je me rappelais mes rêves d’enfance. »

La crise environnementale « bien réelle » au Kenya

Au Kenya, les problèmes environnementaux frappent durement la population. « On vient d’avoir les plus longues et les plus sévères sécheresses qu’on a vues en 40 ans, rappelle Kevin Lunzalu. Il y a 5 millions de Kényans qui souffrent de la sécheresse. La crise environnementale est bien réelle ici. »

Mais la liste ne s’arrête pas là. Le lac Victoria est menacé. Les déchets plastiques, la pollution et les engrais chimiques compromettent la survie du deuxième plus grand lac d’eau douce au monde, pour la superficie, qui s’étend au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie.

La biodiversité est compromise. Le problème des déchets plastiques touche aussi l’océan Indien. « Il y a beaucoup de plastique, beaucoup de pollution, et ça menace déjà des espèces, comme les tortues des mers », souligne le jeune scientifique.

Kevin Lunzalu participe à sa 2e COP. Il était à Charm el-Cheikh, en Égypte, en 2018, où s’est déroulée la COP14. Malgré les déceptions, il garde espoir.

Que pense-t-il de ces grandes rencontres internationales qui sont de plus en plus critiquées ?

« Il y a beaucoup de discussions, c’est vrai, mais certaines sont nécessaires. On parle beaucoup de l’importance des peuples autochtones, c’est très important. Un autre exemple : les jeunes n’étaient pas très présents à la COP10. Ils le sont plus maintenant. C’est le résultat de discussions qui étaient nécessaires. Mais je concède que parfois, on parle seulement pour parler. »

Kevin Lunzalu persiste et signe : il faut écouter les jeunes, plus que jamais, surtout sur le continent africain. « En Afrique, les jeunes représentent 70 % de la population. Imaginez, si vous ignorez les jeunes, ça veut dire que vous ignorez 70 % de la population. Et ce sont eux qui vont hériter de tous les problèmes : les changements climatiques, le déclin de la biodiversité. C’est en train de se produire. Il faut qu’on s’occupe de ça. »

Les délégués des 196 pays arriveront-ils à s’entendre sur un nouveau cadre mondial pour la biodiversité ?

« Je suis persuadé que nous allons avoir un nouvel accord. Et nous allons célébrer. Définir les objectifs, c’est important, mais pas tant que ça. Ce qui compte, c’est de les réaliser. »

« Nous avons besoin d’ambition, mais il faut aussi qu’on se donne des moyens. Et ça prend de l’action. Beaucoup plus d’action. »

En savoir plus
  • 55,8 millions
    Nombres d’habitants du Kenya
    Source : CIA World Factbook
  • 40 %
    Proportion de la population du Kenya âgée de 15 ans ou moins
    Source : CIA World Factbook