La protection du territoire doit être compatible avec une exploitation « responsable » des ressources, estime le premier ministre Justin Trudeau, qui a annoncé mercredi un soutien financier de 800 millions de dollars à des projets de conservation autochtones.

« Quand on protège de vastes pans du territoire, on peut avoir des distinctions à l’intérieur de ça », a-t-il affirmé lors d’une table ronde avec une poignée de journalistes, au Jardin botanique de Montréal.

Le Canada s’est engagé à protéger 25 % du territoire d’ici 2025, puis 30 % d’ici 2030, ce qui équivaut à la superficie des 27 pays de l’Union européenne, a souligné le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, à ses côtés.

L’Union internationale pour la conservation de la nature prévoit différents niveaux de protection, dont certains permettent « certains niveaux de développement », a-t-il rappelé.

Il est donc possible d’envisager sur un territoire protégé, à certains endroits précis, une certaine activité d’exploitation minière, d’exploitation forestière ou de chasse, « si c’est bien fait et responsable », estime le premier ministre.

« Si on ne le fait pas, la Chine et d’autres [pays] qui ne suivront aucune des restrictions environnementales que nous allons mettre en place vont exporter du lithium dans le monde », a-t-il illustré.

Les ressources naturelles exploitées de manière responsable sont certes « plus dispendieuses », mais elles sont tout de même recherchées, assure M. Trudeau, qui a souligné la montée du Canada dans ce secteur.

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Le premier ministre du Canada Justin Trudeau discute avec un petit groupe de journalistes présents au Centre sur la biodiversité de l'Université de Montréal, au Jardin botanique de Montréal

Il y a un marché pour ça, parce qu’on ne veut pas dépendre des pays autoritaires pour nos ressources.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Il est indispensable d’inclure les Premières Nations dans la protection du territoire tout comme dans l’exploitation responsable des ressources, insiste le premier ministre.

Les « raccourcis » pour les éviter se traduiront inévitablement en projets avortés, a-t-il prévenu, soulignant que ce type d’approche est régulièrement taillé en pièces par les tribunaux.

« Les Premières Nations doivent beaucoup plus être assises dans le siège du conducteur », estime M. Trudeau, qui a parlé d’un nécessaire « changement de paradigme ».

C’est pourquoi son gouvernement s’efforce de mettre en place « un nouveau modèle de conservation » qui implique les communautés autochtones, a-t-il dit.

Protection d’un million de kilomètres carrés

Ottawa déboursera d’ailleurs jusqu’à 800 millions de dollars pour soutenir quatre projets de conservation dirigés par les peuples autochtones à travers le pays, couvrant près d’un million de kilomètres carrés.

« Il va y avoir un projet de conservation dans la zone marine du Grand Ours dans l’Ouest, un autre dans le nord de l’Ontario – le projet de conservation des Omushkego –, un projet dans la région de Qikiqtani, au Nunavut, et un dernier projet dans les Territoires du Nord-Ouest », a annoncé Justin Trudeau, lors d’une conférence de presse tenue plus tôt dans la journée à la Biosphère, sur l’île Sainte-Hélène.

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Justin Trudeau et Steven Guilbeault

« Chaque projet est unique en son genre [et vise] autant à assurer le bien-être des communautés qu’à protéger la nature », a poursuivi le premier ministre.

« C’est un moment extrêmement important pour le Canada, mais un exemple aussi pour le monde », a-t-il fait valoir.

« On sait que pour créer des emplois et favoriser une économie forte, il faut absolument lutter contre les changements climatiques », a-t-il aussi relevé.

La plupart des zones de conservation impliqueront plusieurs communautés. La zone marine du Grand Ours, par exemple, regroupe 17 Premières Nations.

Le projet dans les Territoires du Nord-Ouest sera géré en partenariat par 30 gouvernements autochtones.

Ce sont les peuples autochtones « qui vont faire partie de la discussion » pour déterminer « où on devrait plus protéger et où il y aurait de la place pour plus de développement, et à quelles conditions », a aussi soutenu M. Trudeau.

« C’est une nouvelle approche, mais les détails vont être à regarder et à négocier au fur et à mesure qu’on développe ces aires protégées », a-t-il expliqué.

Le premier ministre a profité de l’occasion pour appeler tous les États réunis à Montréal pour la 15conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15) à « passer à l’action ».

« Le monde entier doit en faire plus pour protéger la nature, mais on doit aussi bien le faire, a-t-il dit. On a beaucoup à faire pour protéger la nature et on a beaucoup à faire pour avancer sur le chemin de la réconciliation. »

Passez de la parole aux actes, disent les Innus de Pessamit

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Jean-Luc Kanapé, Jérôme Bacon-St-Onge et Michael Ross

Les Innus de Pessamit dénoncent l’absence d’adoption de mesures concrètes de protection du caribou pendant la COP15, alors que Québec et Ottawa y ont réitéré leur intention de créer de nouvelles aires protégées. « L’heure n’est plus aux paroles, mais à l’action », a déclaré à La Presse Jérôme Bacon-St-Onge, vice-chef du Conseil des Innus de Pessamit, de passage à la conférence. « On demande l’inscription immédiate de l’aire protégée Pipmuakan », proposée par sa communauté pour préserver la harde de caribous qui vit sur son territoire. « Ça ne va jamais assez vite pour moi non plus », a déclaré le ministre Steven Guilbeault, faisant cependant valoir que l’entente conclue entre Ottawa et Québec a amené le gouvernement Legault à reconnaître « pour la première fois qu’il faut protéger au moins 65 % de l’habitat du caribou [et à] négocier une entente avec les peuples autochtones » afin de présenter une stratégie de rétablissement du caribou d’ici juin 2023.

Guilbeault assure que le monarque sera protégé

Questionné pour savoir pourquoi Ottawa avait rejeté une pétition demandant la création d’un parc urbain sur le territoire du Technoparc, à Montréal, le ministre Steven Guilbeault a répondu mercredi qu’il « est de bonne guerre pour un parti de l’opposition de lancer une pétition, et de dire au gouvernement : si vous n’êtes pas d’accord avec une pétition, vous n’êtes pas d’accord avec le projet ». « Ce n’est évidemment pas le cas. Nous travaillons activement avec Aéroports de Montréal (ADM), avec les groupes locaux, avec la Ville. Et nous allons lancer des consultations pour inscrire le papillon monarque sur la liste des espèces en péril, ce qui va nous donner des pouvoirs supplémentaires pour protéger l’habitat du papillon sur toutes les terres fédérales, incluant les terres sous l’administration d’ADM », a-t-il assuré.