Le Canada s’oppose à un projet de réglementation de l’Union européenne (UE) visant à empêcher la vente de produits qui contribuent à la destruction des forêts dont ils sont issus. Et ce, au moment où Montréal accueille la conférence des Nations unies sur la protection de la biodiversité.

La viande, le cacao, le café, l’huile de palme, le caoutchouc, le soja, le maïs, le bois ou encore les papiers imprimés vendus dans les pays de l’UE ne devraient pas provenir de terres déboisées ou dégradées, en vertu de la réglementation proposée.

Le texte indispose cependant Ottawa, qui a transmis en novembre ses « inquiétudes et propositions » à différents représentants européens, dans une lettre signée par l’ambassadrice du Canada auprès de l’UE, Ailish Campbell.

Nous sommes très inquiets de certains éléments de l’ébauche de réglementation de l’Union européenne sur les produits sans déforestation, qui engendreront des barrières commerciales significatives pour les entreprises canadiennes exportant dans l’Union européenne.

Ailish Campbell, ambassadrice du Canada auprès de l’Union européenne, dans une lettre à l’UE

La réglementation proposée entraînerait des frais supplémentaires et des « exigences de traçabilité pénibles » pour les entreprises canadiennes, déplore l’ambassadrice, qui souligne que les exportations canadiennes de produits forestiers et agricoles vers l’UE ont dépassé en 2021 le milliard de dollars.

Ottawa s’oppose notamment à la proposition d’exiger des entreprises qu’elles fournissent à des fins de vérification les coordonnées de géolocalisation indiquant la provenance d’un produit, et propose plutôt qu’il soit seulement requis d’indiquer la région d’origine du produit.

Mme Campbell demande également dans sa lettre que la réglementation soit appliquée graduellement sur plusieurs années, en commençant par un nombre limité de produits avec des chaînes d’approvisionnement simples.

Elle réclame aussi que l’UE retarde l’entrée en vigueur des exigences concernant spécifiquement la dégradation des forêts, arguant qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de définition internationalement reconnue à ce sujet.

Arguments « ridicules »

L’ambassadrice Ailish Campbell écrit dans sa lettre que le Canada soutient les objectifs que l’UE poursuit et partage sa volonté de prévenir la déforestation, ajoutant que le Canada est un « leader mondial » en matière de gestion des forêts, avec un taux de déforestation inférieur à 0,02 %.

« C’est l’une des choses les plus ridicules que j’aie jamais entendues », s’exclame Shane Moffatt, responsable de la campagne nature et alimentation chez Greenpeace Canada.

« C’est la dégradation, le problème, pas la déforestation », dit-il, affirmant que « tout le monde qui connaît le sujet sait que le Canada a un problème de dégradation des forêts, qui perdent leurs fonctions écologiques essentielles ».

Le déclin du caribou en raison de la dégradation de son habitat en est un parfait exemple, selon M. Moffatt, qui estime que si le Canada était un modèle comme il le prétend, il voudrait le montrer au monde et ne s’opposerait pas à l’exigence de géolocaliser la provenance de ses produits.

Si le gouvernement était vraiment convaincu que le Canada est un leader mondial, ce qu’il n’est pas, il devrait promouvoir la transparence.

Shane Moffatt, Greenpeace Canada

La demande de retarder l’entrée en vigueur de la réglementation est « complètement injustifiée », poursuit l’écologiste.

« Pourquoi demander une action plus lente ? C’est exactement le contraire dont nous avons besoin », dit M. Moffatt.

« Ça semble suggérer que certains pays pauvres doivent faire des efforts alors que le Canada peut continuer de bûcher comme d’habitude », lance-t-il, estimant que le Canada se montre « vraiment hypocrite » avec cette prise de position, au moment où il accueille la conférence des Nations unies sur la protection de la biodiversité.

Une dernière journée de négociations sur la réglementation proposée doit se tenir lundi entre le Parlement européen, composé des députés, et le Conseil de l’UE, composé des ministres des gouvernements des pays membres, après quoi les deux organes devraient adopter la réglementation chacun de leur côté, dans les prochains mois, a précisé à La Presse Thomas Haahr, attaché de presse du Parlement européen.

Le cabinet de la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, n’a pas rappelé La Presse.

En savoir plus
  • 10 %
    Part de la déforestation mondiale attribuable à la consommation européenne
    Source : Parlement européen