Au moins 12 des 26 espèces de plantes en péril que le gouvernement du Québec refuse de protéger à ce jour en dépit des recommandations de ses experts sont menacées par des activités humaines, d’après des documents obtenus par La Presse.

Drainage des terres, exploitation de carrières, étalement urbain et piétinement font partie des activités humaines qui menacent ces plantes rares et sans protection, indique un sommaire des recommandations du Comité aviseur sur la flore menacée ou vulnérable fourni par le ministère de l’Environnement.

La semaine dernière, La Presse a révélé que 24 espèces de plantes rares étaient « en attente » d’un statut de protection conforme aux recommandations du Comité.

Lisez l’article « Flore menacée ou vulnérable : Québec ignore 24 plantes en péril »

Mais au moins deux autres espèces — l’hélianthème du Canada (Crocanthemum canadense) et le jonc longistyle (Juncus longistylis) – avaient été omises par erreur des tableaux transmis à ce moment par le ministère de l’Environnement après une demande d’accès aux documents des organismes publics, pour un total de 26 recommandations en attente.

Le Comité a recommandé un statut d’espèce « menacée » en vertu de la Loi sur les espèces menacées et vulnérables pour 9 des 12 espèces mises en danger par des activités humaines. Les espèces qui font l’objet d’une telle recommandation sont celles « dont la disparition est appréhendée », précise le Comité.

Les trois autres espèces devraient être désignées « vulnérables », c’est-à-dire que leur « survie est précaire même si la disparition n’est pas appréhendée », selon le Comité.

Les espèces en question

L’hélianthème est menacé par « l’aménagement forestier et potentiellement par l’exploitation de sablières » alors que le jonc est potentiellement menacé « par diverses activités humaines », selon le sommaire des recommandations du Comité.

PHOTO TIRÉE DE WIKIPEDIA COMMONS

L’élyme velu (Elymus villosus)

La viorne litigieuse (Viburnum recognitum) est menacée « par le développement industriel et domiciliaire » tandis que l’élyme velu (Elymus villosus) est menacé « par le piétinement, l’aménagement de parcs urbains, l’expansion urbaine ».

L’oxytrope à folioles nombreuses (Oxytropis deflexa subsp. foliolosa) est « très sensible à d’éventuels travaux de voirie liés à la route 132 », en Gaspésie, et l’aster de Pringle (Symphyotrichum pilosum var. pringlei) pourrait être menacé par l’exploitation du calcaire en Montérégie.

Le Comité a recommandé dès 2010 que ces six espèces soient désignées comme menacées.

Le carex dense (Carex cumulata) est menacé par le « drainage des terrains périphériques » et « potentiellement par l’exploitation du substrat rocheux ». Le Comité a recommandé en 2011 qu’il soit désigné comme menacé.

Ses proches parents, le carex à feuilles capillaires (Carex atlantica subsp. capillacea), aussi menacé par le drainage, et le carex épineux (Carex echinodes), menacé par les activités de gestion d’un bois montréalais où se trouve la seule population connue au Québec, devraient aussi être désignés comme menacés, selon des recommandations du Comité faites en 2019.

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Le céanothe d’Amérique (Ceanothus americanus)

Le céanothe d’Amérique (Ceanothus americanus) est potentiellement menacé par des activités humaines non spécifiées et le Comité a recommandé en 2010 qu’il soit désigné comme vulnérable.

Enfin, deux espèces — la drave à petits pétales (Draba micropetala) et la drave subcapitée (Draba subcapitata) — ont des populations sur des « territoires visés par des titres miniers actifs et où des mines sont en exploitation à proximité » et le Comité a recommandé en 2014 qu’elles soient désignées comme vulnérables.

Certaines espèces font face à d’autres menaces, comme le broutage des cerfs de Virginie ou la compétition d’espèces invasives.

Modernisation de la loi

« Il faut moderniser la Loi sur les espèces menacées et vulnérables et on souhaite que le gouvernement du Québec profite de la venue de la COP15 [sur la biodiversité] à Montréal pour annoncer son intention » de le faire, réclame Alain Branchaud, directeur général de la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec), face à ces nouvelles révélations.

Pas moins de 17 des 26 recommandations du Comité sont en attente depuis plus de 11 ans. Les plus récentes datent de novembre 2019.

Une modernisation de la Loi « permettrait de faire en sorte qu’on ait un processus d’évaluation et d’inscription à la loi qui soit transparent », selon M. Branchaud, et d’ainsi éviter qu’on laisse « traîner pendant 10 ans des espèces comme ça dans des consultations interministérielles qui n’en finissent plus ».

La Presse a demandé au ministère de l’Environnement les raisons expliquant les délais dans la mise en œuvre des recommandations visant chacune des espèces menacées par des activités humaines. Le Ministère n’a pas répondu à cette question.

La décision, prise par le Conseil des ministres, « prend notamment en considération les incidences sur les citoyens de même que sur les dimensions sociales, économiques, environnementales, territoriales et de gouvernance », explique cependant la porte-parole du Ministère, Caroline Cloutier.

« Il est préoccupant de constater que les enjeux de protection de l’environnement et de préservation de la biodiversité ne sont que des éléments parmi d’autres », réagit MAnne-Sophie Doré, avocate au Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE).

Mme Cloutier, du Ministère, rappelle que le gouvernement a désigné 11 nouvelles espèces menacées ou vulnérables par règlement plus tôt cette année à la suite des recommandations du Comité. Certaines faisaient face à des menaces imminentes de développement, précise-t-elle.

Lisez un communiqué du ministère de l’Environnement