Mauvaise nouvelle pour les amateurs de la saison froide : la neige a tendance à se faire de plus en plus attendre. Selon une compilation réalisée par La Presse, depuis 1975, la première neige est arrivée en moyenne une quinzaine de jours plus tard pour les villes de Montréal et de Québec ; un phénomène attribué aux changements climatiques.

Même si elle disparaît souvent aussi vite qu’elle arrive, la première neige marque pour plusieurs l’arrivée imminente des sports d’hiver. « C’est formidable si l’on peut avoir un jour blanc au sol au début de décembre. Ça donne le momentum de la saison de la neige », explique Michel Couture, président de Ski Saint-Bruno.

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Michel Couture, président de Ski Saint-Bruno

Sur les versants du mont Saint-Bruno, Michel Couture, à défaut de se soumettre aux aléas météorologiques, produit la neige à l’aide de machines. Des canons pour remplacer les nuages. « Il n’y a jamais assez de neige naturelle », précise-t-il. Pourtant, « la neige au sol change énormément les revenus d’entreprises, notamment pour les stations de ski, car elle crée un engouement vers le sport », poursuit-il.

La neige tarde cependant à arriver. Les premiers flocons sont en effet différés d’une quinzaine de jours depuis 1975. Un bilan qui ne devrait que se confirmer dans les prochaines années.

Québec aussi est touché

La tendance est évidente. Alors que la neige tombait vers la fin du mois d’octobre en 1975, c’est vers le 15 novembre qu’elle apparaît désormais pour la ville de Montréal, révèle une analyse des données d’Environnement Canada de 1955 à 2021 faite par La Presse.

Même bilan pour la ville de Québec, avec une première neige tombée en moyenne le 23 octobre dans les années 1970 et une première neige tombée en moyenne le 11 novembre dans les dernières années.

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Le responsable de ces retards fait consensus dans le milieu scientifique. « Avec le réchauffement climatique, toutes les températures sont décalées vers le haut, explique Florent Dominé, professeur associé à l’Université Laval, spécialiste de la neige. Pour qu’il neige, il faut qu’il fasse suffisamment froid, et il fait froid plus tard. On le suit partout sur la planète. Des chercheurs chinois écrivaient [récemment] dans un article que sur le plateau tibétain, la neige arrive aussi de plus en plus tard. »

Le retard des premières neiges illustre un phénomène plus large. La neige ne tombe pas que plus tard, elle fond aussi plus tôt.

Les neiges vont arriver de plus en plus tard, les neiges vont partir de plus en plus tôt et il va faire de plus en plus chaud. Les tendances en hiver vont être très marquées. C’est absolument certain.

Florent Dominé, professeur associé à l’Université Laval, spécialiste de la neige

« À Montréal, si l’on regarde la tendance depuis 20 ans, c’est flagrant. Il y a beaucoup moins de neige qu’avant », assure Florent Dominé. Les villes de Québec et de Montréal sont en effet des preuves flagrantes du phénomène. On y attend traditionnellement une grosse quantité de neige. Par année, les précipitations atteignent en moyenne, ces 10 dernières années, 204 cm à Montréal et 282 cm à Québec.

Accélération de la tendance

C’est aussi le bilan que font les spécialistes du climat d’Elizabeth Bush et Donald Lemmens dans leur Rapport sur le climat changeant du Canada publié en 2019. Selon leurs résultats, depuis 1981, la fraction du manteau neigeux — la proportion de journées où la neige est présente au sol – aurait diminué de 5 à 10 % sur l’ensemble du territoire canadien. Cette diminution devrait se poursuivre au cours des 50 prochaines années à un rythme quatre fois plus rapide, de 5 à 10 % perdus par décennie.

Les conséquences sont nombreuses : assèchement partiel des sources d’eau douce en hiver, terres agricoles moins fertiles, effondrement de l’économie des sports d’hiver... La liste est longue et déterminante tant pour le secteur primaire que tertiaire.

Car la première neige n’est pas seulement un évènement météorologique significatif, elle est aussi l’emblème de la saison du ski, des glissades, un signe annonciateur de Noël et de toutes les célébrations qui nous font aimer le froid. Elle est un symbole nécessaire pour l’économie des sports d’hiver et pour celle liée à la culture hivernale.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Le centre de ski Sommet Saint-Sauveur

« Quand la neige arrive tard, les skis restent devant les clients et ils se disent : “J’ai hâte que la neige arrive”, comme le chien qui amène la laisse. Si la neige arrive après, ils sont encore plus religieux à l’idée d’utiliser leur équipement », raconte Éric Levert, superviseur de la Poubelle du Ski, magasin de sports d’hiver à Montréal.

Pour l’année 2022, les prédictions restent imprécises. Comme toujours, la première neige devrait tomber entre la fin du mois d’octobre et le début du mois de décembre. Il reste à savoir si cette neige tiendra au sol ou si l’année 2022 sera marquée par un autre Noël vert.

En savoir plus
  • 204 cm
    Précipitations moyennes à Montréal
    282 cm
    Précipitations moyennes à Québec
    Source : Environnement Canada