Les impacts des changements climatiques sur la communauté innue de Pessamit, sur la Côte-Nord, sont « énormes », prévient un rapport d’Amnistie internationale, qui appelle notamment Québec à concrétiser sans tarder le projet d’aire protégée dans le secteur du réservoir Pipmuacan.

Diminution du couvert de neige et de glace, précipitations déréglées, saisons modifiées, érosion… La crise climatique touche directement la communauté autochtone, affirme le rapport intitulé Urgence climatique en territoire innu L’innu-aitun en péril, publié ce jeudi.

Le document explique que la Nation innue de Pessamit a observé « qu’il y a moins de précipitations l’été et que les lacs et les rivières sont de plus en plus asséchés » dans le Nitassinan – son territoire ancestral –, ce qui affecte négativement la végétation et la pêche.

Ces observations concordent avec celles du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui affirme que « les changements climatiques ont déjà eu des impacts négatifs dans les forêts boréales comme le déplacement d’espèces animales et végétales », souligne Amnistie internationale.

Industrie forestière et barrages hydroélectriques

Aux conséquences des changements climatiques s’ajoutent celles de l’exploitation de la forêt et des rivières du territoire des Innus de Pessamit – qu’ils n’ont jamais cédé, rappelle Amnistie internationale –, qui perturbent les écosystèmes et modifient l’hydrologie des rivières, contribuant à l’apparition de nouvelles espèces, comme des oiseaux prédateurs et le loup, et à la disparition d’autres, comme l’emblématique caribou.

Lisez « Caribous de Pipmuacan : Les prochains à disparaître ? »

« Ça nous empêche de faire des choses. Il y a des modifications qui se font dans le territoire. On doit délaisser certaines zones de territoire où on allait, par exemple, trapper ou chasser le petit gibier, où on allait chasser le caribou », déplore Éric Kanapé, biologiste au Conseil des Innus de Pessamit et cité dans le rapport.

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Éric Kanapé, biologiste au Conseil des Innus de Pessamit

En plus des impacts directs qu’ils causent, l’industrie forestière et les barrages hydroélectriques, dont les réservoirs émettent du méthane, « participent à l’avènement des changements climatiques », s’inquiète le rapport d’Amnistie internationale.

Protéger, indemniser, respecter

Afin de protéger la forêt du territoire innu de Pessamit, Québec devrait « immédiatement » mettre en réserve le territoire couvert par le projet d’aire protégée du réservoir Pipmuacan, recommande Amnistie internationale, qui appelle aussi à la mise en œuvre des recommandations de la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards.

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Petit troupeau de caribous forestiers du Pipmuacan

Le rapport recommande aussi de payer des redevances à la Nation innue de Pessamit pour l’utilisation de son territoire par Hydro-Québec depuis 70 ans et de l’indemniser pour la « perte de jouissance » de son territoire ; de mettre en place un « processus de collaboration et de cogestion » qui permettrait aux Innus la « pleine participation » à la gestion de leur territoire et de ses ressources ; ainsi que de procéder à l’élaboration d’une politique tripartite Pessamit-Québec-Ottawa pour l’adaptation et la lutte contre les changements climatiques.

Consultez le rapport de la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards

Elle conseille finalement à la Nation innue de « saisir les organes onusiens [pour] le non-respect du droit à la vie et des droits culturels des gouvernements fédéral et provincial en conséquence des changements climatiques ».

Résultat de 18 mois de travail effectué par la section franco-canadienne de l’organisation internationale, ce rapport fait partie d’une étude plus vaste réalisée dans huit pays, en amont de la 27Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP27), qui s’ouvrira dimanche en Égypte.

Rectificatif
Une version précédente de ce texte indiquait que la superficie de forêt boréale coupée à blanc chaque année au Canada est de 1 million d’hectares, or il s’agit de 1 million d’acres, ce qui donne 404 686 hectares. L’information est tirée d’un rapport du Conseil de défense des ressources naturelles.

En savoir plus
  • 1 million
    Nombre d’acres de forêt boréale coupés à blanc chaque année au Canada, soit 404 686 hectares.
    Source : Conseil de défense des ressources naturelles