La proposition de Québec d’imposer une limite de 15 nanogrammes par mètre cube (ng/m⁠⁠3) d’arsenic dans l’air d’ici cinq ans à la Fonderie Horne de Rouyn-Noranda est insuffisante aux yeux d’un groupe de médecins de la ville abitibienne.

« Le plan actuel n’apparaît pas acceptable sur le plan de la santé de la population », écrivent-ils dans leur mémoire rédigé dans le cadre de la consultation publique en cours sur le renouvellement de l’autorisation ministérielle de la multinationale Glencore pour l’exploitation de la Fonderie Horne.

Reconnaissant que les exigences proposées par Québec permettraient « certains gains », le comité d’Initiative médicale pour l’action contre la toxicité environnementale (IMPACTE) estime toutefois qu’elles ne permettraient pas d’atteindre « les repères jugés sécuritaires pour la santé publique dans un délai acceptable », indique le document que La Presse a obtenu.

Le comité IMPACTE réclame plutôt l’atteinte de la cible de 15 ng/m⁠⁠3 « dans la prochaine année », ainsi que l’atteinte de la norme québécoise de 3 ng/m⁠⁠3 d’ici l’échéance de la prochaine autorisation de la fonderie, soit « d’ici cinq ans maximum ».

La population de Rouyn-Noranda a droit à la même qualité d’air que partout au Québec.

Extrait du mémoire du comité IMPACTE

Les médecins demandent aussi que la fonderie soit tenue de respecter dès l’année prochaine les normes québécoises « pour tous les métaux et contaminants dans l’air », ce qui n’est pas le cas actuellement, et que soit étudiée la mise sur pied d’un programme de dépistage du cancer du poumon « spécifiquement pour la population de Rouyn-Noranda ».

Les médecins s’inquiètent également de l’impact du plan proposé par Québec sur « l’attractivité et la rétention du corps médical à Rouyn-Noranda », soulignant que 80 % des quelque 100 médecins exerçant dans la ville sont originaires de l’extérieur.

« Avec environ 4000 patients [attendant] un médecin de famille, de nombreux départs à la retraite à venir, un centre de radiothérapie encore non fonctionnel faute de main-d’œuvre, cette situation risque fort d’avoir un impact direct sur l’accès aux soins de santé de la population de Rouyn-Noranda », affirme-t-on dans le document.

D’autres solutions « existent »

Le seuil de 15 ng/m⁠⁠3 proposé par Québec est également critiqué dans d’autres mémoires que La Presse a pu consulter, dont celui du Regroupement Vigilance Mines de l’Abitibi-Témiscamingue (REVIMAT), qui propose des solutions pour atteindre la norme de 3 ng/m³ d’ici cinq ans : la fonderie devrait cesser d’utiliser des concentrés hautement contaminés en arsenic, cadmium et plomb et réduire le traitement de matériaux à recycler qui ont une forte teneur en arsenic.

Ce serait « moins rentable pour l’entreprise », reconnaît le REVIMAT, mais cela la forcerait à accélérer la mise à niveau de l’usine, estime-t-il.

Le regroupement appelle également à l’implantation d’un procédé de prétraitement « permettant de séparer l’arsenic des autres composés avant de les intégrer au circuit normal ».

Le pédiatre Pierre Vincelette, qui pratique à Rouyn-Noranda depuis 1975 et vit depuis 1981 dans le quartier Notre-Dame, où se trouve la fonderie, réclame aussi dans son mémoire des exigences plus sévères que celles proposées par Québec.

« La Fonderie Horne avait la possibilité de planifier depuis 2004 la baisse requise à un niveau de 3 ng/m⁠3 », écrit-il en faisant référence à l’avis publié cette année-là par un comité ministériel du gouvernement québécois, qui recommandait d’imposer ce seuil à la fonderie.

« Elle aurait pu et dû agir plus rapidement », au lieu de tergiverser, procrastiner et perdre du temps, assène le médecin.

C’est ce à quoi l’on est en droit de s’attendre d’un citoyen corporatif qui se veut responsable.

Extrait du mémoire du pédiatre Pierre Vincelette

Glencore et la Chambre de commerce et d’industrie de Rouyn-Noranda déposeront également un mémoire lors de la consultation, mais n’ont pas souhaité le transmettre à La Presse, tandis que celui de la Ville de Rouyn-Noranda n’était pas encore terminé au moment d’écrire ces lignes ; le syndicat des travailleurs de la fonderie a dit quant à lui ignorer s’il en soumettrait un.

La consultation publique se poursuit en ligne jusqu’au jeudi 20 octobre et deux périodes de consultation en personne se dérouleront mardi, à l’hôtel Le Noranda.

Québec, qui a refusé d’indiquer combien de personnes avaient participé à la consultation jusqu’à maintenant, entend prendre une décision concernant le renouvellement de l’autorisation ministérielle de la Fonderie Horne « d’ici la fin du mois de novembre ».

Lisez l’article « Québec fixe la limite à 15 ng/m⁠3 d’ici cinq ans »

Un mystérieux sondage

Un sondage téléphonique sur la Fonderie Horne mené à Rouyn-Noranda dans les derniers jours a intrigué la population, certains s’offusquant que la firme CROP refuse de dévoiler pour qui elle menait l’enquête. C’est l’entreprise Glencore, propriétaire de la fonderie, qui a commandé le sondage, a-t-elle confirmé à La Presse. Les résultats, qu’elle n’entend pas publier, permettront de « guider [sa] décision d’investissement » concernant le plan de modernisation de l’entreprise, a expliqué son porte-parole, Alexis Segal. Les firmes de sondage ne sont pas tenues d’identifier le client pour qui elles mènent leur enquête au début de la conversation, afin de ne pas influencer les réponses, mais « de plus en plus, la pratique, c’est dire qu’on peut révéler le nom du commanditaire à la fin de l’entrevue », signale la professeure au département de sociologie de l’Université de Montréal Claire Durand, experte en la matière.

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  • 1927
    Année du début des activités de la Fonderie Horne de Rouyn-Noranda, qui exploitait aussi une mine jusqu’en 1976
    SOURCE : FONDERIE HORNE