Malgré les nombreuses poursuites dont elle fait déjà l’objet, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) va adopter ce jeudi une modification à son règlement de contrôle intérimaire afin de protéger trois autres golfs sur son territoire. L’organisation supramunicipale persiste et signe : elle affirme ne pas outrepasser ses pouvoirs en agissant de la sorte.

474 hectares protégés

Après avoir adopté en juin un premier règlement de contrôle intérimaire (RCI) visant à protéger six terrains de golf présentant un potentiel de reconversion en espace vert, la CMM va ajouter trois autres golfs jeudi, a appris La Presse. La superficie de ces espaces protégés passera ainsi à 474 hectares, soit deux fois et demie la superficie du parc du Mont-Royal. Le club de golf de Boucherville, le Golf Dorval et le Golf Ste-Rose, à Laval, s’ajoutent à la liste. Le règlement modifié doit être approuvé par le gouvernement du Québec, qui avait déjà donné son aval à la première mouture le 25 août dernier. Concrètement, le RCI a pour effet d’empêcher tout projet de lotissement sur ces terrains de golf le temps que la CMM dépose son Plan métropolitain d’aménagement et d’urbanisme (PMAD) révisé, au plus tard en 2025.

Le cas du Golf Dorval

Dans le cas du Golf Dorval, ce sont près de 107 hectares, un peu plus que la superficie du parc Angrignon, qui seront protégés par la CMM. Situé à proximité de l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, le terrain jouxte également un milieu naturel de 155 hectares où on trouve notamment un terrain en friche appelé « champ des monarques ». Celui-ci est la propriété du gouvernement fédéral. Un regroupement de citoyens et de scientifiques réclame d’ailleurs que ces terrains, abritant une riche biodiversité, soient protégés. On y retrouverait entre autres des papillons monarques, une espèce menacée au Canada. Le groupe a reçu l’appui de plusieurs politiciens au cours des dernières années.

La COP 15 en vue

« Ces trois nouveaux golfs qui seront protégés témoignent encore une fois de la capacité des villes à poser des gestes forts pour accélérer la transition écologique », soutient la mairesse de Montréal et présidente de la CMM, Valérie Plante. Selon elle, la protection du Golf Dorval était cruciale pour protéger la biodiversité alors que Montréal s’apprête à accueillir le prochain sommet international sur la biodiversité, la COP 15, en décembre prochain. « On s’attend à ce que ce geste fort serve d’exemple pour nos partenaires et les paliers supérieurs qui ont un rôle important à jouer dans la transition écologique et la protection de nos milieux naturels », précise Mme Plante.

Un important retard à combler

Depuis plusieurs années, la CMM cherchait à combler un important retard en matière de protection des milieux naturels sur son territoire. Depuis 2012, l’objectif fixé dans le cadre du PMAD est de protéger 17 % du territoire d’ici 2031. Or, jusqu’à tout récemment, la CMM stagnait encore à 10,1 %. C’est pourquoi, en avril dernier, elle a adopté un RCI interdisant toute construction dans les boisés et milieux humides d’intérêt sur son territoire. Ainsi, la proportion de territoire protégé est passée à 22,3 %. Pour la CMM, ce retard était d’autant plus important à combler que les experts recommandent dorénavant une cible de 30 % d’ici 2030.

Les poursuites s’accumulent

Des poursuites judiciaires ont été déposées par des propriétaires ou des promoteurs qui contestent les deux plus récents règlements de la CMM. Quinze recours visent le RCI sur les milieux naturels et trois s’attaquent à celui sur les golfs présentant un potentiel de reconversion en espace vert, a confirmé à La Presse le cabinet d’avocats Bélanger Sauvé, qui représente la CMM. Plusieurs recours que La Presse a pu consulter évoquent notamment l’argument que la CMM outrepasse ses pouvoirs en adoptant de tels règlements et que ceux-ci sont « illégaux ». Selon l’avocat Marc-André LeChasseur, qui représente la CMM, mais qui est aussi professeur de droit de l’aménagement du territoire à l’Université McGill, on assiste en ce moment à un choc entre le droit de propriété et les intérêts collectifs de protection de l’environnement et d’aménagement du territoire. « Il commençait à être temps que les gouvernements fassent quelque chose », dit-il.

Un règlement « légitime », soutient une experte

« Il n’y a aucun doute que la CMM peut faire ça [l’adoption de règlement de contrôle intérimaire] », soutient MLeChasseur. Un avis que partage Danielle Pilette, professeure à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et spécialiste des questions de gouvernance du monde municipal. « Pour moi, c’est très légitime et c’est très probablement légal également. » Selon elle, les recours judiciaires contre les RCI sont « prématurés ». « Le nom le dit, c’est un contrôle et c’est intérimaire. Ça impose un moratoire et c’est excellent de le faire. Ça a pour effet de donner le temps de faire une planification [la révision du PMAD]. Beaucoup de promoteurs sont pressés, mais c’est dans l’intérêt collectif de faire ça, d’autant plus que ce sont des superficies considérables », ajoute-t-elle.

En savoir plus
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    Nombre d’élus qui formeront la « commission spéciale » que la CMM a chargée de déposer une version révisée de son Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD). La commission spéciale, qui sera présidée par Marie Plourde, présidente de la Commission de l’aménagement et de la mobilité à la Ville de Montréal, devra remettre le plan révisé au plus tard en juin 2025.
    SOURCE : CMM
    6 ℃
    Selon les modélisations du consortium Ouranos, spécialisé dans l’étude des changements climatiques, les températures moyennes dans les villes de la CMM pourraient grimper de près de 6 °C d’ici la fin du siècle.
    Source : Ouranos