Il ne reste qu’une façon de sauver l’un des derniers milieux naturels à Laval, menacé par un projet de développement industriel : la Ville doit faire l’acquisition du terrain à des fins de préservation.

Dans une demande d’accès à l’information, le Parti Laval, l’opposition officielle, a récemment découvert que la Ville avait été avisée dès 2019 du projet de développement industriel qui menace aujourd’hui le milieu naturel du ruisseau Barbe. Ce ruisseau s’étend sur 30 hectares de forêts et de marécages, à la croisée des autoroutes 13 et 440. Selon le Conseil régional de l’environnement de Laval (CRE), il s’agit d’un espace d’une « haute valeur écologique ».

À l’époque, l’administration aurait pu faire pression pour bloquer le projet, selon Claude Larochelle, conseiller municipal à Fabreville.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Claude Larochelle, conseiller municipal à Fabreville, lors d’une séance du conseil municipal de Laval

Ce qui aurait dû être fait en 2019 n’a pas été fait. Il y a un pouvoir politique de leadership qui n’a pas été effectué.

Claude Larochelle, conseiller muncipal à Fabreville

En 2020, un des lots visés aurait été acheté plus de 9 millions de dollars par Développement M S. E. C., un partenariat regroupant le groupe Montoni et Monarch, selon le rôle d’évaluation foncière et de taxation de la Ville de Laval.

Or, la loi permet aux villes de procéder à l’expropriation à des fins municipales avec une compensation versée au propriétaire, explique Philippe Biuzzi, avocat au Centre québécois du droit de l’environnement. La Ville de Laval pourrait assurer la protection du milieu naturel par expropriation en créant un parc municipal, par exemple, ajoute-t-il. Toutefois, une telle intervention coûterait trop cher, selon Stéphane Boyer, maire de Laval.

Dans la foulée des revendications, le député sortant de Sainte-Rose, le caquiste Christopher Skeete, s’est engagé à soutenir la Ville pour préserver le bois du ruisseau Barbe, sans énoncer de mesures précises.

« Si la Ville de Laval souhaite prioriser le projet de protection de la forêt du ruisseau Barbe, nous nous engageons à la soutenir dans ses efforts et à participer financièrement », peut-on lire dans une lettre de la Coalition avenir Québec envoyée au CRE et consultée par La Presse.

Le poumon de Fabreville

Pour préserver ce qu’il décrit comme le « poumon du quartier Fabreville », le Comité de protection du ruisseau Barbe continue de rassembler les citoyens de Laval pour faire pression sur les politiciens. La directrice du Comité, Diane Labelle, se dit « extrêmement déçue » de la réponse du maire lors de la dernière séance du conseil municipal.

La Ville ne veut rien faire. Il y a trop de risques.

Diane Labelle, directrice du Comité de protection du ruisseau Barbe

D’ailleurs, Laval a zoné les deux tiers du milieu naturel du ruisseau Barbe comme un « milieu humide d’intérêt », dans son règlement de contrôle intérimaire pour la protection des milieux humides, abordé en 2020.

LISEZ l’article « Des Lavallois s’unissent pour protéger le boisé du ruisseau Barbe »

« Dans les dernières années, on est passé de 3 % à 12 % de la superficie du territoire lavallois protégée. On a quand même réussi à la quadrupler », a précisé le maire Boyer au conseil municipal.

En 2021, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) a accordé un permis de remblayage au propriétaire du terrain qui empiète sur le milieu naturel du ruisseau Barbe, le dernier dans Fabreville. En contrepartie, le Ministère a également exigé une contribution financière de 4 millions de dollars à verser au Fonds de protection de l’environnement et du domaine hydrique de l’État.

D’après le MELCC, la demande du promoteur a d’abord été analysée « selon la loi, les règlements et les orientations gouvernementales en vigueur ».

Le promoteur envisage maintenant de remblayer sept hectares du milieu humide pour un projet industriel.

« Montoni est ouvert à toutes les discussions pour une cohabitation harmonieuse du territoire », souligne Alexandra Cordisco-Moreau, conseillère aux affaires publiques du Groupe Montoni.

Le Comité de protection du ruisseau Barbe revendique une réforme de la Loi sur la qualité de l’environnement, pour accorder aux villes davantage de pouvoir en matière de protection de leurs milieux naturels. Jusqu’en 2017, les villes avaient le pouvoir d’émettre une réserve sur des terrains avant que le Ministère délivre un permis de remblayage, explique Claude Larochelle. « Ce pouvoir n’existe plus pour les villes. Ce que ça prend, c’est du leadership politique. »