Après les frênes, voici que les hêtres sont aussi victimes d’une maladie qui gagne du terrain au Québec et qui inquiète les experts.

Julie Bouchard, biologiste en pathologie forestière au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, suit de près l’évolution de la maladie depuis déjà des années.

La maladie corticale du hêtre, explique-t-elle, est le résultat « d’une interaction entre un insecte, la cochenille du hêtre, et deux champignons pathogènes ».

« Bien que la maladie soit le plus souvent associée à la présence de ces insectes, les stress climatiques, y compris les épisodes de sécheresse estivale, les températures élevées et le froid extrême, rendent les hêtres plus vulnérables », poursuit-elle.

La maladie, qui est d’abord visible sur le tronc de l’arbre, ne cesse de gagner du terrain, de sorte que si certaines régions semblaient épargnées lors du dernier relevé de 2019, cela peut très bien ne plus être le cas.

L’étendue des dégâts est encore très variable. Dans la majeure partie de l’Estrie, par exemple, la maladie était déjà présente en 2019, mais on n’en était pas encore « au stade le plus avancé de l’infection », explique Mme Bouchard.

PHOTO FOURNIE PAR LE MINISTÈRE DES FORÊTS, DE LA FAUNE ET DES PARCS

La maladie corticale du hêtre est le plus souvent associée à la présence d’un insecte, la cochenille du hêtre.

Dans cette région, sur 13 stations d’échantillonnage, un foyer s’est révélé important et au dernier stade de la maladie à La Patrie et un autre, en Chaudière-Appalaches, tout près de l’Estrie (à Saint-Hilaire-de-Dorset).

« La maladie monte maintenant vers le nord, poursuit Mme Bouchard. La moitié des Laurentides se trouve dans le deuxième stade d’infection de la maladie », la maladie étant particulièrement avancée à Prévost.

La cochenille du hêtre et le champignon pathogène en cause sont des espèces exotiques qui ont été introduites accidentellement près du port de Halifax, en 1890. Les premiers symptômes de la maladie ont été détectés dans les forêts naturelles en 1911 et la première mention de la maladie, près du lac Témiscouata, remonte à 1965.

Le hêtre, important pour l’ours noir

Bien que le hêtre ne soit pas « une essence très recherchée », tout cela est préoccupant, poursuit Mme Bouchard, qui a cet arbre à cœur. « Il s’agit d’une espèce indigène au Québec et qui joue un rôle super important dans la forêt naturelle », notamment parce que la présence du hêtre a un impact sur le taux de natalité de l’ours noir, qui mange ses fruits.

Que faut-il faire ? Peut-on encore sauver les hêtres ? Hélas, il n’y a pas de remède miracle, répond Mme Bouchard, qui recommande à ceux qui en ont sur leur terrain d’être attentifs aux changements et, au besoin, de couper des branches.

Que faire du hêtre dans sa cour ?

Jacques Brisson, professeur de biologie à l’Université de Montréal, dit que la lutte contre la maladie n’a rien de facile et qu’elle est impossible à grande échelle, dans une forêt.

Il suggère cependant aux citoyens qui veulent sauver leur arbre — souvent mal-aimé, notamment dans les érablières, note-t-il aussi — d’envoyer un jet d’eau assez puissant sur l’écorce, chaque année. Si le problème est pris en charge assez tôt et si l’on déloge ainsi beaucoup de cochenilles, M. Brisson a bon espoir que cela peut sauver l’arbre. « Mais quand le champignon est bien entré et a déjà fait beaucoup de ravages, là, c’est plus compliqué. »