Le gouvernement Legault tiendra finalement une consultation publique sur le prochain permis de polluer de la Fonderie Horne, après avoir initialement prévu de ne pas le faire.

Le renouvellement de l’autorisation ministérielle de l’entreprise devait tout au plus faire l’objet de « consultations et [d’] échanges avec les parties prenantes, dont la Ville de Rouyn-Noranda, le ministère de la Santé et des Services sociaux et l’usine », avait indiqué à La Presse, lundi en fin de journée, une porte-parole du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC), Sophie Gauthier.

Consultez Mieux comprendre la controverse entourant la Fonderie Horne

« Une consultation n’est pas obligatoire », avait ensuite déclaré à La Presse Rosalie Tremblay-Cloutier, attachée de presse du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette.

La Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) stipule effectivement que seul le premier renouvellement d’une autorisation ministérielle est assujetti à une consultation publique.

Le renouvellement demandé par la Fonderie Horne serait son second, puisque son autorisation actuelle a été délivrée en 2007 et renouvelée en 2017 — ce document, qui permet de déroger à l’interdiction de polluer prévue dans la LQE, s’appelait auparavant « attestation d’assainissement ».

Pressé de questions par La Presse, le gouvernement Legault a finalement fait savoir mardi que le grand public serait consulté.

« Bien que la loi ne prévoie pas de consultation publique lors d’un renouvellement d’attestation, nous avons bel et bien l’intention de consulter la population », a déclaré l’attachée de presse du ministre Charette.

« La forme que prendra cette consultation sera dévoilée prochainement », a-t-elle ajouté, précisant que la participation de la fonderie « n’est pas confirmée à ce stade-ci ».

La Fonderie Horne a déposé la demande de renouvellement de son autorisation ministérielle le 20 mai dernier, et le MELCC entend la lui délivrer « au cours de l’automne 2022 […] si les étapes précédentes se réalisent dans les délais prévus ».

Un oubli du législateur ?

L’absence d’une obligation de consultation pour les renouvellements subséquents semble être un oubli du législateur, croit l’avocat Philippe Biuzzi, du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE).

Les débats tenus sur ce point à l’Assemblée nationale montrent qu’une consultation était prévue seulement pour le premier renouvellement « parce qu’on tenait pour acquis que la construction de l’établissement industriel passerait en premier lieu par [le Bureau d’audiences publiques sur environnement, BAPE] », constate-t-il.

La Fonderie Horne était là bien avant, ce qui fait qu’il n’y a jamais eu cette première consultation du public. On est tombé dans les craques.

Philippe Biuzzi, Centre québécois du droit de l’environnement

Puisque la LQE ne prévoit pas la tenue d’une consultation publique au-delà du premier renouvellement de l’autorisation ministérielle, en tenir une pourrait placer le gouvernement dans une position délicate vis-à-vis de l’entreprise concernée, explique l’avocat.

« S’il n’y a pas d’obligation, ça pourrait être contesté », dit-il, ajoutant du même coup qu’une telle contestation serait toutefois difficile à défendre publiquement pour la Fonderie Horne.

La Fonderie Horne voudrait émettre 20 fois plus que la norme

La Fonderie Horne propose de limiter ses émissions d’arsenic à un seuil 20 fois plus élevé que la norme maximale québécoise, affirme Québec.

L’entreprise aurait indiqué dans la demande de renouvellement de son autorisation ministérielle qu’elle pourrait abaisser les concentrations d’arsenic dans l’air à 60 nanogrammes par mètre cube (ng/m⁠⁠3), a indiqué mardi le cabinet du premier ministre François Legault.

Cette proposition « est toujours trop élevée » aux yeux du gouvernement, alors que la limite québécoise est de 3 ng/m⁠⁠3 – la fonderie est soumise depuis 2021 à une limite de 100 ng/m⁠⁠3.

« Nous avons demandé à l’entreprise de retourner à la table à dessin et de nous proposer une solution avec un seuil inférieur à celui proposé », a déclaré à La Presse Ewan Sauves, attaché de presse du premier ministre François Legault, réitérant que Québec n’exclut pas de forcer la fermeture de l’usine, « si l’entreprise n’est pas capable de réduire ses émissions et de se rapprocher de la norme québécoise ».

La Fonderie Horne a répondu dans un communiqué que la cible de 60 ng/m⁠3 « représente le seuil maximal » d’un plan d’action soumis l’hiver dernier et soutient avoir indiqué au gouvernement lors du dépôt de sa demande qu’elle continue de chercher d’autres façons de réduire ses émissions.

Il ne s’agissait pas de l’objectif final.

Cindy Caouette, Fonderie Horne

La demande de renouvellement de l’autorisation ministérielle de la Fonderie Horne ne permet pas de déterminer ce que le Fonderie aurait proposé au gouvernement — Québec a finalement transmis mardi à La Presse une version lourdement caviardée du document, après avoir refusé de le faire pendant plusieurs semaines.

Ni la Fonderie Horne, ni le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, ni le cabinet du premier ministre n’ont indiqué où figurait la proposition de l’entreprise.

Lisez « Les demandes de la Fonderie Horne cachées au public »
En savoir plus
  • 1927
    Année du début des activités de la Fonderie Horne, qui comptait aussi une mine jusqu’en 1976
    Source : Fonderie Horne