Le prolongement de l’autoroute 25 risque d’entraîner la disparition de 779 érables noirs, de plusieurs centaines de plants d’ail des bois et de 100 000 individus de la cardamine, trois espèces pourtant considérées comme vulnérables au Québec. C’est ce que révèle l’avis de projet déposé par le ministère des Transports, mercredi, au ministère de l’Environnement.

Pour l’organisme Nature Québec, qui œuvre à protéger les milieux naturels, ce grand projet de chantier routier est « inacceptable ». « Les professionnels du ministère de l’Environnement ont clairement indiqué le statut rare de la forêt dans laquelle on trouve des espèces menacées et vulnérables et le ministère des Transports (MTQ) dépose quand même son avis de projet », s’indigne Cyril Frazao, directeur exécutif de l’organisme.

Le document déposé par le MTQ mercredi détaille en effet le projet de prolongement de l’autoroute 25, entre les municipalités de Saint-Esprit et de Sainte-Julienne, dans Lanaudière. Le tracé s’étendra sur 9,12 kilomètres. La route de « type nationale » sera constituée de deux voies dans chacune des directions et d’un fossé peu profond entre les deux chaussées. La limite de vitesse sera de 90 km/h. Une piste pour les cyclistes, les véhicules tout-terrain et les motoneiges sera aménagée en bordure de la nouvelle route, explique l’avis de projet.

Or, l’emprise de cette route nationale traversera deux Écosystèmes forestiers exceptionnels (EFE), ceux de Saint-Alexis et de Saint-Esprit. « Ce peuplement constitue une forêt refuge d’espèces menacées ou vulnérables », note le MTQ au sujet des deux EFE.

En plus des espèces protégées comme les érables noirs, une centaine d’autres arbres à statut précaire de conservation devront être abattus.

Il est possible que cela provoque la dégénérescence à plus ou moins brève échéance de l’écosystème forestier exceptionnel [de Saint-Alexis]. L’enjeu de la perte de biodiversité est donc susceptible de subir un impact significatif.

Extrait de l’avis de projet

Le projet de prolongement empiétera également sur plusieurs milieux humides. Dans l’EFE Saint-Alexis, l’emprise de la route nationale passera par 25 des 68 milieux humides. Dans l’EFE Saint-Esprit, « certaines zones devront être déboisées ou remblayées, causant des pertes permanentes », souligne le document.

« Le déboisement de l’emprise à l’intérieur d’un écosystème forestier exceptionnel, dans lequel se trouvent plusieurs espèces à statut, constitue un enjeu de perte de biodiversité à l’échelle locale et régionale », note l’avis.

Contribution à l’étalement urbain

M. Frazao, de Nature Québec, s’inquiète pour la biodiversité de la MRC de Montcalm. « Le gouvernement lance encore un message pro-auto dans lequel il n’a aucune considération pour la perte importante de milieux naturels d’intérêt », se désole-t-il.

Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales d’Équiterre, déplore pour sa part le nombre de projets d’agrandissement de routes à travers la province. « Avec chacun de ces projets, on gruge un peu plus le territoire. Il n’y a aucun projet qui est apocalyptique, mais quand on les additionne, ça devient gros. »

Quand on ajoute le projet de l’autoroute 25 à celui de l’autoroute 19, à celui de la 104 à La Prairie avec la rainette qui est menacée, à celui de l’élargissement de la 158 dans le coin de Crabtree… c’est l’ensemble du territoire que l’on défigure. C’est l’ensemble du territoire que l’on gruge petit à petit.

Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales d’Équiterre

M. Viau soutient également que le prolongement de l’autoroute 25 contribuera à l’étalement urbain. « Inévitablement, on va voir apparaître de nouveaux développements résidentiels, commerciaux et industriels près de cette route et chacun d’entre eux va aussi empiéter sur des milieux boisés, des milieux naturels et des milieux humides. »

Dans son avis de projet, le MTQ explique que son objectif est de régler une « problématique de circulation » sur la route 125 au nord de Saint-Esprit et que le plan de transport de Lanaudière signale depuis 1999 l’achalandage automobile dans ce secteur. « On anticipe [en 1999] une forte augmentation de la population de l’ordre de 37 % de 1996 à 2016, valeur nettement supérieure à la moyenne québécoise de 12 %. »

Selon le document du MTQ, le Ministère souhaite réaliser les travaux de prolongement de l’autoroute 25 entre la fin de 2024 et la fin de 2027. Il organisera d’ailleurs une consultation publique en octobre prochain à Sainte-Julienne.