La croissance économique à tout prix et les profits à court terme contribuent au rapide déclin de la biodiversité à l’échelle planétaire. Deux rapports récents de l’ONU soulignent l’importance de mieux protéger la nature pour assurer l’avenir de milliards d’êtres humains. Gros plan.

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Dans un rapport dévoilé lundi, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) invite le monde à revoir la manière dont la nature est prise en compte dans les décisions politiques et environnementales.

Le document adopté par ses 139 pays membres, dont le Canada, fait le constat « que les profits à court terme et la croissance économique font l’objet d’une attention prédominante dans le monde entier, tandis que les multiples valeurs de la nature sont rarement prises en compte dans les décisions politiques ».

« Notre approche actuelle des décisions économiques et politiques ne tient pas suffisamment compte de la diversité des valeurs de la nature », plaide notamment la présidente de l’IPBES, Ana Maria Hernandez Salgar.

L’IPBES pour les nuls

Alors que la crise climatique peut bénéficier de l’expertise du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le déclin de la biodiversité est scruté de près par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES).

À l’instar du GIEC, l’IPBES regroupe l’expertise de centaines de scientifiques provenant de nombreux pays afin de documenter le déclin des espèces sauvages sur la planète et de proposer des solutions aux décideurs. Comme pour le GIEC, le rapport dévoilé lundi est accompagné d’un résumé pour les décideurs. Le document intitulé Les décisions fondées sur un ensemble limité de valeurs marchandes de la nature alimentent la crise mondiale de la biodiversité totalise 37 pages.

« La manière dont nous appréhendons le développement économique est au cœur de la crise de la biodiversité », a d’ailleurs résumé Unai Pascual, économiste de l’environnement à l’Université de Berne et coprésident de la session de l’IPBES qui a adopté le rapport.

PHOTO FABIANO MAISONNAVE, ASSOCIATED PRESS

Des pêcheurs autochtones Deni capturent un pirarucu dans une branche de l’Amazone, au Brésil

Des milliards d’humains dépendent de la nature

Dans un autre rapport dévoilé le 8 juillet, l’IPBES fait le point sur l’importance cruciale de la nature pour l’humanité. Le document rappelle que 50 000 espèces sauvages répondent aux besoins de milliards de personnes sur la planète.

Or, avec 1 million d’espèces de plantes et d’animaux menacées d’extinction, un équilibre déjà fragile est en jeu dans plusieurs régions du monde.

Les experts de l’IPBES signalent que ces 50 000 espèces sauvages sont des sources d’alimentation, d’énergie, de matériaux et de médicaments pour les populations. « La surexploitation est l’une des principales menaces pour la survie de nombreuses espèces sauvages terrestres et aquatiques », a affirmé l’un des coauteurs du rapport, le professeur John Donaldson.

Six des neuf « limites planétaires » déjà atteintes

Les scientifiques rappellent que la planète et ses ressources naturelles ne sont pas inépuisables. Neuf « limites planétaires », des seuils que l’humanité ne devrait pas dépasser, ont été établies par les experts et déjà, six d’entre elles ont été atteintes. Or, cet équilibre est essentiel pour assurer la survie des populations.

Le rapport met en lumière le fait que 2,4 milliards de personnes sur la planète dépendent du bois comme combustible pour cuisiner et qu’environ 10 000 espèces sauvages servent à l’alimentation humaine.

Chaque année, 90 millions de tonnes de poissons sauvages sont capturées, dont le tiers est destiné à nourrir d’autres animaux, tandis que les deux tiers nourrissent les humains. Finalement, le tiers des espèces menacées sur la planète ont un risque élevé d’extinction, note le rapport.

PHOTO LEO CORREA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

La route BR-163, au Brésil, entre la forêt amazonienne et un champ de soya

« Arrêter de voir la nature comme une marchandise »

« Il faut arrêter de voir la nature uniquement comme une marchandise et développer une vision respectueuse, diversifiée, équitable et à long terme de ses bienfaits », affirme le biologiste Alain Branchaud, qui est également directeur général de la Société pour la nature et les parcs (SNAP) au Québec. « La SNAP se réjouit de ce message audacieux de l’IPBES qui cadre parfaitement avec son évènement phare, Grâce à la nature, durant lequel elle invite la population à remercier la nature pour ses bienfaits avec comme objectif ce changement de paradigme relationnel », ajoute-t-il.

Quant au rapport publié vendredi dernier, M. Branchaud signale l’importance de mettre en place des « politiques audacieuses de protection et de gestion des terres et des océans » afin d’atteindre l’objectif souhaité de protéger 30 % du territoire d’ici 2030.

En savoir plus
  • 31 100
    Dans le monde, 31 100 espèces de plantes sauvages sont utilisées par les populations des différentes régions, 7400 espèces d’arbres et 1500 espèces de champignons.
    source : IPBES
    25 %
    Plus de 25 % des forêts du monde entier sont soumises à l’exploitation forestière industrielle.
    source : IPBES