(Ottawa) Le Canada interdira aux entreprises d’importer ou de fabriquer des sacs en plastique et des contenants à emporter en polystyrène d’ici la fin de cette année, ainsi que leur vente d’ici la fin de 2023 et leur exportation d’ici la fin de 2025.

L’interdiction touchera également la plupart des pailles en plastique à usage unique, ainsi que les bâtonnets à mélanger et les ustensiles. Les attaches utilisées pour maintenir les ensembles de six canettes et de bouteilles bénéficieront d’un peu plus de temps avant d’être touchées par l’interdiction, puisque l’arrêt de la production et de l’importation est prévu pour juin 2023 et l’interdiction de la vente pour juin 2024.

Le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, et d’autres ministres et députés libéraux en ont fait l’annonce lundi lors d’une série de conférences de presse à travers le pays. M. Guilbeault était de passage dans l’arrondissement de Beauport, à Québec, aux côtés du ministre de la Santé Jean-Yves Duclos.

« Nous estimons qu’une fois en vigueur, le règlement permettra d’éliminer plus de 1,3 million de tonnes de produits plastiques difficiles à recycler des sites d’enfouissement et plus de 22 000 tonnes de pollution plastique qui se retrouve dans notre environnement au cours des 10 prochaines années », a expliqué le ministre Guilbeault.

« C’est l’équivalent de plus d’un million de sacs à ordures remplis de détritus. »

Il existe quelques exceptions pour les pailles souples pour répondre aux besoins des personnes handicapées, notamment. Les boîtes de jus peuvent également être vendues avec des pailles en plastique jetables attachées jusqu’en juin 2024.

« Nous savons qu’il y aura toujours, et qu’il y a certainement encore, une place dans notre société pour les plastiques à usage unique, notamment dans les milieux médicaux », a rappelé le ministre Duclos.

M. Guilbeault a déclaré que le gouvernement était prêt à ajouter éventuellement plus d’éléments à la liste, mais qu’il ciblait en premier ceux qui étaient les plus courants et les plus faciles à remplacer. Il a dit que le Canada ne peut pas échapper au problème des déchets plastiques par la voie de l’interdiction, promettant des mesures supplémentaires pour adopter de nouvelles normes de recyclage dans les mois à venir.

« Interdire certains articles fait certainement partie de la solution, mais réglementer pour garantir que les entreprises qui produisent du plastique utilisent de plus en plus de plastique recyclé dans le cadre de leur contenu fait également partie de la solution », a-t-il expliqué.

Le gouvernement libéral vise 2030 pour éliminer tous les déchets plastiques qui finissent dans les dépotoirs ou sur les plages, dans les rivières, les zones humides et les forêts.

Les données fédérales montrent qu’en 2019, 15,5 milliards de sacs d’épicerie en plastique, 4,5 milliards de couvercles en plastique, 5,8 milliards de pailles, 183 millions d’anneaux maintenant ensemble six canettes ou bouteilles et 805 millions de contenants à emporter ont été vendus au Canada.

Les sacs, les contenants à emporter et les pailles font partie des 10 articles les plus fréquemment trouvés lors des nettoyages de berges et de plages au Canada.

Selon une étude réalisée par Deloitte en 2019, moins de 10 % des déchets plastiques produits au Canada sont recyclés. Cela veut donc dire que 3,3 millions de tonnes de plastique sont jetées chaque année, dont près de la moitié sont des emballages.

« Une goutte d’eau dans l’océan »

Questionné à savoir si la liste des produits visés était assez robuste, M. Guilbeault a défendu l’approche du gouvernement libéral.

« Je ne crois pas que la solution aux déchets plastiques, c’est le bannissement de toute forme de plastique, a-t-il souligné. Il y a certains produits qu’on bannit, comme ce matin. Une partie de notre stratégie repose aussi sur la réduction de l’utilisation des plastiques et de s’assurer que les plastiques qu’on utilise restent dans l’économie et non pas dans l’environnement. »

La responsable de la campagne Océans et Plastiques de Greenpeace Canada, Sarah King, a estimé que l’annonce de lundi est un pas dans la bonne direction, mais que d’autres mesures devront être mises en place pour protéger la planète.

Selon elle, les six éléments bannis ne représentent qu’environ 5 % des déchets plastiques produits au Canada en 2019.

C’est une goutte d’eau dans l’océan. Tant que le gouvernement ne prendra pas au sérieux la réduction globale de la production de plastique, nous ne verrons pas l’impact sur l’environnement ou sur notre quantité de déchets.

Sarah King

Mme King a estimé que le recyclage ne résoudra pas le problème et que la seule façon de mettre fin aux déchets plastiques est d’arrêter de les produire.

La France, qui a interdit l’an dernier la plupart des articles figurant sur la liste du Canada, a commencé cette année à interdire progressivement les emballages en plastique pour plus de 30 fruits et légumes. Elle est également en train d’interdire l’emballage plastique des journaux, le plastique non biodégradable des sachets de thé et les jouets en plastique distribués gratuitement aux enfants dans certaines chaînes de restauration rapide.

Le ministre Guilbeault a reconnu que le Canada n’est peut-être pas un pionnier en la matière, mais qu’il « fait partie des leaders ».

Période de transition

Bien que le règlement entre en vigueur lundi, les Canadiens verront peut-être encore des plastiques à usage unique circuler pendant quelques mois, a rappelé le ministre Guilbeault, puisqu’il était nécessaire de fournir aux entreprises une période d’adaptation.

Les entreprises qui auront besoin d’un soutien financier pour effectuer une transition pourront se tourner vers le gouvernement fédéral, qui a plusieurs programmes d’aide totalisant des « centaines de millions de dollars », selon le ministre de l’Environnement.

Certains détaillants ont également agi plus rapidement que le gouvernement. De nombreux établissements de restauration rapide ont déjà remplacé les pailles en plastique par des versions en papier.

Cependant, le vice-président aux affaires fédérales de Restaurants Canada, Olivier Bourbeau, a rappelé que le gouvernement doit en faire plus pour s’assurer que des solutions de rechange aux articles interdits seront facilement accessibles.

M. Bourbeau a rappelé que des problèmes de chaîne d’approvisionnement sont en jeu. Il a notamment cité en exemple une chaîne comptant des dizaines de restaurants en Ontario et au Québec qui ne reçoit que la moitié de ses commandes de contenants à emporter sans plastique, et que ces contenants ne peuvent pas porter le logo du restaurant.

« Personne ne savait que l’approvisionnement serait aussi difficile », a-t-il affirmé.

Il a ajouté que le gouvernement doit travailler avec les fournisseurs pour s’assurer que la production peut répondre à la demande.

La décision d’Ottawa intervient près de trois ans après que le premier ministre Justin Trudeau a promis pour la première fois que son gouvernement éliminerait progressivement la production et l’utilisation d’articles en plastique difficiles à recycler, car il vise l’objectif de zéro déchet plastique d’ici la fin de la décennie.

Le premier ministre a d’abord affirmé que l’interdiction entrerait en vigueur en 2021, mais l’évaluation scientifique des plastiques qui était nécessaire pour mettre l’interdiction en marche a été retardée par la pandémie de COVID-19.

À la suite de cette évaluation, qui a été finalisée en octobre 2020, le gouvernement a désigné les plastiques manufacturés comme toxiques en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Cette désignation était nécessaire avant que des articles puissent être interdits.

En mai 2021, une coalition de fabricants de plastiques a poursuivi le gouvernement du Canada pour contrer cette désignation ; l’affaire doit être entendue dans le courant de l’année.

Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse ont déjà pris leurs propres mesures contre les sacs en plastique, tout comme certaines villes, dont Regina et Montréal.

Certains détaillants ont également agi plus rapidement que le gouvernement, par exemple Sobeys en éliminant les sacs en plastique à usage unique à ses caisses en 2020, et Walmart qui a emboîté le pas en avril dernier. Loblaws a annoncé lundi matin qu’elle interdirait les sacs d’ici le printemps 2023.

De nombreux établissements de restauration rapide ont également remplacé les pailles en plastique par des versions en carton au cours des dernières années.