Dans un rapport qui sera dévoilé ce mercredi, des chercheurs invitent le gouvernement du Québec à effectuer des actions musclées pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES), jusqu’à taxer les véhicules les plus polluants.

« Si l’atteinte de l’objectif légal de réduction de 37,5 % des émissions de GES à l’horizon 2030 est maintenant pratiquement inatteignable, il n’est pas trop tard pour déployer des transformations profondes qui placeront le Québec sur une trajectoire crédible vers la carboneutralité en 2050 », écrivent des chercheurs de l’Institut de l’énergie Trottier, affilié à Polytechnique Montréal.

Le document intitulé Plan pour la carboneutralité au Québec : Trajectoires 2050 et propositions d’actions à court terme énumère une série de mesures que le gouvernement peut dès maintenant mettre en place pour redresser la barre.

Plusieurs de ces actions touchent le secteur des transports, qui représente la plus grande source d’émissions. Or, l’électrification des transports n’est, selon eux, pas une panacée.

Même avec 33 % de véhicules personnels électrifiés en 2030, les émissions des transports ne seraient réduites que de 15 % environ, loin de la cible globale de 37,5 % », peut-on lire dans le rapport.

Extrait du Plan pour la carboneutralité au Québec : Trajectoires 2050 et propositions d’actions à court terme

Rappelons que le gouvernement du Québec veut atteindre 1,6 million de véhicules électriques sur ses routes en 2030.

Les auteurs remarquent que le secteur des transports emprunte une tangente inquiétante. Non seulement le parc automobile continue de croître, mais encore la taille des véhicules augmente.

Les auteurs invitent donc le gouvernement à :

  • Introduire un bonus-malus visant à accélérer l’adoption des véhicules électriques et à décourager l’achat de véhicules fortement émetteurs ;
  • Déployer des mesures plus persuasives pour diminuer l’auto solo et contrer l’augmentation du parc automobile ;
  • Accélérer le déploiement d’infrastructures de transport collectif et améliorer la qualité des services.

« Il n’y a pas de secret : si on veut diminuer les émissions du transport, ça prend moins de véhicules et des véhicules qui consomment moins », indique en entrevue Simon Langlois-Bertrand, chercheur à l’Institut de l’énergie Trottier et coauteur du rapport avec Normand Mousseau.

Les véhicules à zéro émission peuvent nous aider là-dedans, mais on ne peut pas uniquement se fier là-dessus. Il va y avoir des véhicules à essence vendus encore pendant plusieurs années.

Simon Langlois-Bertrand, chercheur à l’Institut de l’énergie Trottier et coauteur du rapport avec Normand Mousseau

Le gouvernement du Québec s’est déjà engagé à réduire de 20 % la part des déplacements en auto solo dans son Plan de mobilité durable. Mais une réelle stratégie en ce sens se fait attendre.

De moins en moins de temps

Dans son plan pour une économie verte présenté fin avril, le gouvernement du Québec dit avoir déterminé et financé 51 % des gestes qui permettront d’atteindre ses objectifs d’ici 2030.

Les chercheurs de l’Institut de l’énergie Trottier voulaient, avec ce rapport, cerner de nouveaux moyens de réduire les émissions.

Car si le gouvernement n’appuie pas sur l’accélérateur, les projections sont formelles : « sans mesures additionnelles autres qu’un prix du carbone équivalant à 170 $/t en 2030, tel que prévu par le gouvernement du Canada, les émissions du Québec ne descendent que très doucement, soit 11 % en 2030 et 17 % en 2050 par rapport à leur niveau de 2016 ».

Dans le secteur du bâtiment, par exemple, ils proposent d’interdire à compter de 2023 « les options énergétiques fossiles pour le chauffage des bâtiments neufs et pour les bâtiments existants changeant de source énergétique [y compris la biénergie] ».

« Cette mesure implique le rejet de l’entente Hydro-Québec — Énergir qui vise à maintenir un rôle essentiel pour le gaz naturel dans le secteur du bâtiment », écrivent les chercheurs.

Le rapport invite aussi Québec à « établir une feuille de route visant expressément la décarbonation de tous les grands procédés industriels avec des horizons de réduction définis ».

Il y a un principe qui domine peut-être tous les autres : il faut que tous les choix faits demain, après-demain, soient compatibles avec un Québec carboneutre à plus long terme.

Simon Langlois-Bertrand

« Ça paraît loin, 2050, mais ce qu’on voit, c’est que l’échelle de temps n’est pas très, très longue », soutient le chercheur.

En savoir plus
  • 4,9 millions
    Nombre de véhicules motorisés en 2020 au Québec, contre 4,2 millions en 2012
    Source : Société de l’assurance automobile du Québec