Le projet d’aire protégée de la rivière Péribonka pourrait finalement aller de l’avant, après avoir été bloqué pendant des années par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs.

Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, annoncera ce vendredi son « intention de mettre en réserve » quelque 235 km⁠2 de territoire bordant cet affluent du lac Saint-Jean, a appris La Presse.

La mise en réserve permet de protéger un territoire jusqu’à ce qu’un statut légal de protection lui soit attribué ; elle devra être approuvée par le Conseil des ministres, la semaine prochaine.

Le ministre annoncera par le fait même la mise sur pied d’un comité chargé de déterminer le type d’aire protégée qui sera retenu, ses contours exacts et différents aspects liés à sa mise en valeur et sa gestion.

Ce projet d’aire protégée, qui fait l’objet de discussions depuis une vingtaine d’années, compte parmi les 83 qui avaient été mis de côté par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques en raison de l’obstruction du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs.

Lisez « Création d’aires protégées : le ministère des Forêts a fait obstruction »

Il vise entre autres à protéger de vieilles forêts, des peuplements de bouleaux jaunes parmi les plus septentrionaux du Québec, de même que l’habitat du pygargue à tête blanche et du campagnol des rochers.

Québec ouvre aussi la porte à la création d’un parc régional en raison du « très grand potentiel récréotouristique » du secteur, indique le communiqué à paraître.

Dans ce secteur, la rivière Péribonka donne accès à un paysage composé de falaises spectaculaires et de plages sablonneuses.

Extrait du communiqué du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

Incertitude

L’annonce de Québec ne rassure pas complètement les partisans du projet d’aire protégée, dont la directrice générale de Nature Québec, Alice-Anne Simard, qui souligne que tout peut encore changer tant qu’un statut légal n’est pas déterminé.

« On se serait attendu à l’annonce d’une réserve de biodiversité, qui est le [type d’aire protégée] pour lequel les gens se sont mobilisés pendant des années », dit-elle, soulignant que ce statut permet les activités récréotouristiques.

Mme Simard souligne qu’un parc régional ne peut faire partie d’une aire protégée et s’inquiète de voir Québec évoquer cette option.

« Si c’est ça qu’ils font, ce n’est pas une aire protégée, elle ne pourra pas être inscrite au registre [des aires protégées, selon des critères reconnus par l’Union internationale pour la conservation de la nature] », tranche-t-elle.

« Rien dans cette annonce » ne garantit que la rivière Péribonka sera réellement protégée, regrette l’écologiste, qui n’y voit qu’une seule bonne nouvelle : la mise en réserve du territoire le met « à l’abri des coupes forestières, pour l’instant ».

Ce n’est pas la belle annonce à laquelle on s’attendait, il y a encore beaucoup trop d’incertitudes.

Alice-Anne Simard, de Nature Québec

Coupes évitées de justesse

Le projet d’aire protégée de la rivière Péribonka a bien failli passer à la tronçonneuse en raison des coupes forestières que le ministère des Forêts avait ordonnées dans le secteur, l’été dernier.

La Presse avait alors remonté la rivière Péribonka avec des partisans du projet, inquiets des dommages irréversibles que de telles coupes auraient entraînés.

Lisez « Aires protégées : le cas Péribonka »

Deux semaines après la publication de ce reportage, Québec avait finalement annulé ces coupes et annoncé sa volonté de concrétiser une aire protégée « dûment inscrite au registre ».

Lisez « Projet d’aire protégée de la rivière Péribonka : Québec annule les coupes forestières »

L’éventuelle protection de la rivière Péribonka permettrait de diminuer légèrement le déficit d’aires protégées du Saguenay–Lac-Saint-Jean, une région où seulement 8,4 % du territoire est protégé.

Ce taux est loin de celui de 16,7 % pour l’ensemble de la province et très loin de l’objectif de 30 % pour 2030 que Québec ambitionne d’atteindre.

Les 235 km⁠2 de territoire qui seront mis en réserve le long de la rivière Péribonka représentent d’ailleurs une superficie légèrement inférieure aux 246 km⁠2 de la dernière mouture du projet, qui constituait déjà une diminution par rapport aux quelque 500 km⁠2 initialement envisagés.

La Presse n’a pu joindre le Comité de sauvegarde de la rivière Péribonka, à l’origine du projet d’aire protégée, jeudi.

En savoir plus
  • 8928 km⁠2
    Superficie du territoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean bénéficiant d’une protection
    source : Registre des aires protégées au Québec, ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques