(Québec) Le Conseil des Innus de Pessamit va mettre en demeure le gouvernement Legault pour le forcer à sauver le caribou forestier, et entreprendra une action judiciaire si Québec ne crée pas rapidement le projet d’aire protégée du Pipmuakan.

« On demande au gouvernement du Québec d’inscrire immédiatement le projet d’aire protégée au registre », a lancé le chef de Pessamit, Jean-Marie Vollant, mercredi en conférence de presse.

M. Vollant a fait cette annonce peu après avoir assisté à une séance spéciale de la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards en compagnie de nombreux autres chefs. Lui et plusieurs autres représentants ont critiqué cette commission, qui ne sert selon eux qu’à « gagner du temps ».

Ils jugent que les deux scénarios étudiés par la Commission sont « catastrophiques » pour l’avenir du caribou. M. Vollant estime donc qu’il est de son devoir d’aller de l’avant avec une action judiciaire « afin de défendre ses droits et de contraindre le gouvernement à respecter ses obligations à l’égard de la Première Nation ».

Il a fait valoir les liens culturels et spirituels qui unissent les Innus et Atiku, le caribou.

Protection des massifs forestiers

De plus en plus encerclée par les coupes forestières, la harde de caribous du Pipmuacan, qui chevauche la Côte-Nord et le Saguenay–Lac-Saint-Jean, risque d’être la prochaine à disparaître. Pour les sauver, le Conseil des Innus de Pessamit veut donc protéger les derniers massifs forestiers préservés des coupes de l’industrie forestière. Mais son projet a déjà été snobé par le gouvernement Legault. « Notre patience a ses limites. Il y a urgence d’agir », a dit M. Vollant.

Il souligne que le taux de perturbation de l’habitat du caribou forestier continue d’augmenter, ce qui réduit rapidement « nos chances de rétablir l’espèce ». Pendant que le gouvernement continue de faire des études, l’exploitation forestière, le développement des chemins forestiers, la villégiature et les projets hydroélectriques ne font pas de pause, a-t-il dit.

« Chaque minute qui passe, un arbre est abattu, et ça met en péril le caribou », a résumé Jérôme Bacon-St-Onge, vice-chef du Conseil. Il a expliqué que le Conseil a décidé il y a trois semaines qu’il devait recourir aux tribunaux. Une requête urgente est en cours de rédaction, et une mise en demeure ne devrait pas tarder.

Les dés sont pipés

Quant à la Commission, les représentants croient que « les dés sont pipés ». Ghislain Picard, le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, a souligné que Pessamit « n’était pas dans l’itinéraire » de la Commission, et a été ajouté à la dernière minute. « Aucun groupe autochtone n’a été rencontré en privé », a-t-il déploré.

Il estime également que les trois quarts des groupes rencontrés en privé par la Commission sont des représentants de l’industrie forestière. « Ça me fait dire que les dés sont pipés, dans le rapport et ce qu’on risque d’y lire », a-t-il dit.

C’est une autre tuile qui tombe sur la tête du gouvernement Legault, également engagé dans un bras de fer avec le gouvernement fédéral en ce qui concerne la protection de cette espèce menacée. Le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, a lancé un ultimatum et menace de déposer un décret d’urgence si Québec n’entreprend pas des actions pour protéger le caribou. Le premier ministre François Legault, de son côté, affirme que le caribou est de compétence provinciale, et il veut trouver le juste équilibre entre sa protection et les emplois de l’industrie forestière.