Si les chances de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C fondent comme neige au soleil, le monde peut encore espérer ne pas dépasser les 2 °C d’ici la fin du siècle. C’est la conclusion d’une étude parue mercredi dans la revue Nature, qui lance cependant une mise en garde : pour y arriver, les promesses devront se traduire en actions le plus rapidement possible.

2 °C : oui, mais…

« Ici, nous montrons que le réchauffement [par rapport aux niveaux préindustriels] peut être maintenu juste en dessous de 2 °C si tous les engagements conditionnels et inconditionnels sont mis en œuvre intégralement et à temps. » C’est la principale conclusion d’une étude publiée mercredi dans Nature par une équipe internationale de scientifiques. Cette nouvelle étude offre une perspective un peu plus positive que les dernières prévisions indiquant un réchauffement supérieur à 2 ℃ d’ici 2100. Mais le chemin pour y arriver exigera des efforts colossaux, rappelle-t-on. Des politiques et des actions concrètes sont requises « de toute urgence » afin « d’entraîner des réductions d’émissions [de CO2] au cours de cette décennie ». Les engagements annoncés par les différents gouvernements de la planète pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050 devront être respectés, signalent les chercheurs.

« De bonnes nouvelles »

« Nous devons faire beaucoup plus pour lutter contre les changements climatiques, mais il y a de bonnes nouvelles pour une fois », a écrit mercredi Zeke Hausfather sur son compte Twitter. Ce scientifique renommé, qui contribue également aux rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), commentait ainsi cette nouvelle étude intitulée La réalisation des promesses de l’accord de Paris pourrait limiter le réchauffement juste en dessous de 2 degrés. Dans une analyse publiée également mercredi dans Nature, M. Hausfather se dit d’accord avec les calculs de ses collègues, à la stricte condition que les engagements pris par les gouvernements soient « soutenus par des politiques à court terme ». « Les objectifs à long terme doivent être traités avec scepticisme s’ils ne sont pas soutenus par des engagements à court terme visant à mettre les pays sur la bonne voie pour atteindre ces objectifs au cours de la prochaine décennie », précise-t-il.

De l’importance de l’accord de Paris

« Cela montre que [l’accord de] Paris a été important. Ç’a été un succès pour hausser les ambitions climatiques », signale Damon Matthews, professeur au département de géographie, d’urbanisme et d’environnement et titulaire de la Chaire de recherche en climatologie et en durabilité de l’Université Concordia. Le chercheur montréalais rappelle qu’avant la COP21, à Paris en 2015, les différents scénarios prévoyaient un réchauffement moyen de 4 à 5 °C d’ici la fin du siècle. « Il y a plus de 10 ans, nous étions très loin de l’objectif [de l’accord de Paris], on avance. Qui sait où nous serons dans 10 ans ? », lance-t-il.

1,5 °C hors de portée ?

Pourrait-on réussir à contenir le réchauffement à 1,5 ℃ au-dessus du niveau de l’ère préindustrielle ? « Nos chances sont de plus en plus minces », a admis récemment M. Matthews à La Presse. C’est aussi l’avis de Zeke Hausfather. « Malheureusement, il est également de plus en plus clair que l’objectif de l’accord de Paris de 1,5 °C est hors de portée », a-t-il précisé dans son analyse publiée dans Nature. Le spécialiste du climat rappelle que la température mondiale a déjà augmenté d’environ 1,2 °C depuis la fin des années 1800 et que le respect des engagements actuels n’offre que de 6 à 10 % de chances de rester en dessous de 1,5 °C au cours de ce siècle. Dans son plus récent rapport, le GIEC indiquait que les émissions de gaz à effet de serre (GES) devaient plafonner au plus tard en 2025 et diminuer considérablement par la suite afin de limiter le réchauffement à 1,5 ℃. De plus en plus de scientifiques croient que cet objectif est pratiquement impossible à réaliser.

Plusieurs suppositions devront se concrétiser

Cette étude révisée par des pairs a été réalisée par une équipe de chercheurs de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), de l’ONU et de l’Université de Melbourne, menée par le climatologue Malte Meinshausen. Les scientifiques ont notamment analysé les données d’inventaire et les objectifs officiellement soumis de 196 pays, depuis l’accord de Paris jusqu’après la COP26, le 11 novembre 2021. Ils ont aussi tenu compte des émissions du transport maritime et de l’aviation internationale. L’analyse de M. Meinshausen « est bonne et semble solide, mais il y a toujours des suppositions qui pourraient être importantes », a déclaré à l’Agence France-Presse le climatologue Glen Peters, du Global Carbon Project. La plus grande de ces suppositions est que les pays atteindront la neutralité carbone promise, pour la plupart d’ici 2050, mais 10 ou 20 ans plus tard pour la Chine et l’Inde, a-t-il dit. « Prendre des engagements pour 2050 est facile, les appuyer avec des interventions à court terme est difficile », a ajouté M. Peters avant de souligner que, dans la plupart des pays, cinq ou six élections surviendront d’ici à ce moment.

Hausse des énergies renouvelables

L’Agence internationale pour les énergies renouvelables a annoncé le 11 avril que les capacités mondiales de production d’énergies vertes ont augmenté de 9,1 % en 2021. Un niveau jugé insuffisant par l’agence, qui note cependant qu’une baisse des coûts offre de meilleures perspectives. Selon Pierre-Oliver Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur l’énergie à HEC Montréal, le monde « maintient son obésité énergétique ». « Nous faisons face à deux problèmes. Nous n’arrivons pas à réduire la demande énergétique et nous ne sommes pas capables d’augmenter l’offre des énergies renouvelables. Si on veut atteindre la carboneutralité d’ici 2050, ce sont des quantités extraordinaires d’énergies renouvelables dont nous avons besoin. »

En savoir plus
  • 80 %
    En 2021, les énergies renouvelables ont représenté 80 % des nouvelles capacités électriques dans le monde.
    Source : Agence internationale pour les énergies renouvelables
    60 %
    Environ 60 % des nouvelles installations d’énergies renouvelables ont vu le jour en Asie, plus particulièrement en Chine. Près de la moitié (48 %) des capacités de production « vertes » se trouvent sur le continent asiatique.
    Source : Agence internationale pour les énergies renouvelables