Le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, avertit le plus grand producteur de sables bitumineux du Canada que l’expansion prévue de sa mine pourrait ne pas atteindre les objectifs climatiques.

Dans une lettre adressée au chef de Suncor Energy, Mark Little, M. Guilbeault affirme que la quantité de gaz à effet de serre qui serait libérée par l’expansion proposée de sa mine Base « pourrait ne pas s’aligner » sur les objectifs de réduction de carbone du gouvernement.

La lettre est une réponse à la requête de Suncor demandant plus de temps pour soumettre son étude d’impact environnemental, ce qui lui a été accordé.

« Je suis d’avis que le projet, dans sa forme actuelle, entraînerait vraisemblablement des effets environnementaux inacceptables relevant d’un domaine de compétence fédérale », indique la lettre.

M. Guilbeault a également déclaré que le gouvernement examine la façon dont les projets de combustibles fossiles sont évalués les uns par rapport aux autres.

« Le gouvernement élaborera des directives à l’intention des promoteurs de projets de production de pétrole assujettis à un examen en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact indiquant comment démontrer que leurs projets auront un rendement exemplaire en matière d’émissions », indique sa lettre.

Cette déclaration intervient alors que les libéraux fédéraux viennent d’approuver le projet pétrolier Bay du Nord au large de Terre-Neuve, qui devrait émettre du dioxyde de carbone à environ un huitième du taux de la proposition de Suncor.

Suncor est devant l’Agence d’évaluation d’impact du Canada depuis juillet 2020 pour sa proposition d’expansion. Le projet près de Fort McMurray continuerait d’approvisionner les usines de valorisation de Suncor en bitume pour 25 ans après l’épuisement de la mine actuelle.

Plus tôt cette semaine, la société a demandé à l’agence neuf mois supplémentaires pour déposer les informations requises pour l’examen. Suncor a demandé ce délai, selon des documents sur le site Web de l’agence, afin de mieux aligner le projet sur les objectifs de l’entreprise d’être neutre en carbone d’ici 2050 ainsi que sur le plan de réduction des émissions du gouvernement.

« Certaines choses ont changé depuis que nous avons soumis la description détaillée du projet », a déclaré la porte-parole de Suncor, Sneh Seetal, dans un courriel.

« Nous voulons avoir la possibilité […] d’examiner les initiatives gouvernementales et de répondre aux exigences établies par (l’agence d’évaluation). Nous voulons le meilleur projet possible. »

La lettre de M. Guilbeault signale que le gouvernement est sérieux quant à la volonté de réduire les émissions sans nécessairement réduire la production de pétrole, a déclaré Martin Olszynski, un professeur de droit à l’Université de Calgary avec une longue expertise en réglementation énergétique. Il souligne que le gouvernement devrait bientôt révéler un plafond sur les émissions totales du secteur pétrolier et gazier.

« La question devient alors, où allez-vous en avoir pour votre argent », a-t-il souligné.

Il sera difficile pour les projets de sables bitumineux d’égaler la faible intensité en carbone de la production extracôtière, a dit M. Olszynski, même si le carbone est stocké sous terre ou si l’énergie pour les faire fonctionner est sans carbone.

« Même avec (le captage et le stockage du carbone) et les petits réacteurs modulaires, avec tout cet argent et ces risques, vous ne vous approchez toujours pas des GES incroyablement faibles que vous obtenez de l’extracôtier. L’analyse de rentabilisation semble assez évidente. »

Mme Seetal a déclaré que le projet d’extension de la mine peut être modifié pour répondre à la fois au nouvel environnement politique du gouvernement et à l’ambition accrue de l’entreprise en matière de lutte au changement climatique.

« Nous prenons plus de temps pour améliorer le projet conformément à notre stratégie qui comprend la réalisation de notre ambition de réduction des émissions à net zéro […] et pour répondre aux exigences supplémentaires définies par l’agence (d’évaluation d’impact) au cours de l’année écoulée. »