Damon Matthews, professeur à la Chaire de recherche en climatologie de l’Université Concordia, a répondu aux questions des lecteurs à la suite de la publication du plus récent rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC). Voici un aperçu des questions abordant plusieurs aspects des changements climatiques.

Q : Est-ce la fin de ce monde si on ne change rien, et si oui, quand ?

R : Je pense que pour arriver à la fin du monde à cause des changements climatiques, il faudrait ignorer complètement le problème pendant des décennies et continuer à brûler des combustibles fossiles autant qu’on le souhaite, et à un moment donné, pendant cette période, les impacts climatiques deviendraient catastrophiques.

Q : Que pensez-vous de nos chances de limiter le réchauffement à 1,5 ℃ ?

R : Nos chances sont de plus en plus minces alors que les émissions continuent d’augmenter. Il n’est pas impossible de limiter le réchauffement à 1,5 ℃, mais cela nécessiterait que les émissions mondiales soient réduites de moitié d’ici 20 à 30 ans et diminuent à zéro avant 2050.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Damon Matthews, en 2013

Q : Pourquoi vos prévisions seraient-elles plus vraies que celles des années 1970 ?

R : Les prédictions de réchauffement du dernier rapport du GIEC sont en fait très proches de l’augmentation réelle de la température qui s’est produite au cours des 10 dernières années. Il n’y a aucune preuve que les prédictions sont incorrectes, et les informations scientifiques se sont également améliorées depuis le dernier rapport.

Q : En tenant compte de la population, il me semble que le problème global n’est pas en Amérique du Nord. Quelle sera la contribution du Québec à l’échelle planétaire ?

R : Vous pourriez dire qu’en tant qu’individu, si je cesse de payer mes impôts, cela n’a aucun effet sur le budget du gouvernement. Pourtant, chaque personne doit quand même payer ses impôts. La situation est similaire avec l’environnement. Chaque pays a la responsabilité de réduire cet effet sur le climat, parce que les changements climatiques sont un problème collectif.

Q : Pourquoi on ne parle jamais de contrôle de la population mondiale ? C’est, à mon avis, le plus gros problème.

R : Il est beaucoup plus important de diminuer les émissions des populations qui en émettent beaucoup. En effet, les émissions des habitants des pays riches sont de trois à cinq fois plus élevées que la moyenne mondiale. Donc, c’est beaucoup plus bénéfique pour le climat de diminuer les émissions des individus dans les pays très riches que de ralentir la croissance démographique.

Q : Quel est, en pourcentage, l’apport de CO2 dans l’atmosphère de la part du Québec et du Canada par rapport aux autres pays ?

R : Le Canada représente 0,5 % de la population mondiale. Toutefois, la part du Canada dans les émissions de CO₂ est de 1,5 %. Notre contribution au CO₂ atmosphérique est donc trois fois plus importante que notre part dans la population mondiale.

Q : Pensez-vous qu’il faudrait mobiliser davantage la population à réduire la consommation de viande pour aider à la diminution des GES ?

R : La viande a une empreinte carbone plus élevée que le régime végétarien, donc si vous pouvez réduire votre consommation de viande, ce serait utile pour le climat. Si, dans l’ensemble, nous étions capables de produire et de manger collectivement moins de viande, il y aurait moins d’émissions de gaz à effet de serre provenant de l’agriculture, ce qui serait bénéfique.

Q : Pourquoi ne changeons-nous pas les lois du marché qui régissent les échanges commerciaux et les actionnaires ? La croissance à tout prix est une vision dépassée dans le contexte actuel.

R : En effet, il y a des preuves qu’il serait plus facile de réduire rapidement les émissions mondiales si l’économie mondiale ne croissait pas aussi vite. Si cela peut être fait d’une manière à augmenter le bien-être humain, alors ce serait un scénario utile à considérer.

Q : Est-ce que l’idée de planter massivement des arbres est sérieusement envisageable ? Est-ce une mesure qu’on pourrait qualifier de significative pour contrer les changements climatiques ?

R : Planter des arbres est l’une des choses qui peuvent aider à absorber le CO2 et augmenter la quantité de carbone stockée dans les forêts, mais elle ne résoudra pas à elle seule le problème. Nous ne pouvons séquestrer qu’une petite fraction du CO2 que nous émettons en plantant des arbres. Donc, tant que nous continuerons à brûler des combustibles fossiles et à émettre du CO2, les températures continueront à augmenter. Le jour où nous serons capables d’arrêter d’émettre du CO2 à partir de combustibles fossiles, alors la plantation d’arbres pourrait devenir très importante, parce qu’elle pourrait aider à réduire la quantité de carbone dans l’atmosphère et potentiellement refroidir un peu les températures.

Les questions et les réponses ont été éditées par souci de concision.

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    source : GIEC