Le gouvernement Legault maintient le cap sur la hausse de la norme de nickel dans l’air, malgré une opposition de plus en plus large à cette démarche.

L’annonce en a été faite mardi, par voie de communiqué, ce qui a entraîné une levée de boucliers des partis d’opposition, mais en vain.

La députée solidaire de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, Émilise Lessard-Therrien, a présenté mercredi une motion à l’Assemblée nationale réclamant l’annulation de la hausse qui doit entrer en vigueur le 28 avril. Cette modification réglementaire prévoit que le maximum des émissions de nickel dans l’air permises passera de 14 nanogrammes par mètre cube (ng/ m3) à 70 nanogrammes, soit cinq fois plus que la norme actuelle. La motion de Mme Lessard-Therrien a été rejetée par le leader parlementaire du gouvernement caquiste, Simon Jolin-Barrette.

Opposition unanime des santés publiques régionales

Cette motion mettait en relief le fait que cette augmentation a été décriée par l’ensemble des 18 directions régionales de santé publique du Québec, par le conseil municipal de Québec, par l’Ordre des chimistes ainsi que par une foule de regroupements citoyens de Québec et de Rouyn-Noranda, deux municipalités où les rejets de nickel sont suivis de près, plusieurs groupes environnementalistes et ainsi de suite.

En point de presse avant l’ouverture des débats en chambre, Québec solidaire et le Parti québécois avaient dénoncé cette hausse de la norme, mettant en relief le fait que le gouvernement Legault exige une acceptabilité sociale démontrée pour le tramway de Québec.

« Pour un gouvernement qui vient de découvrir les vertus de l’acceptabilité sociale, c’est plutôt étonnant ou voire contradictoire de constater qu’il a autorisé une augmentation des particules de nickel dans l’air, en catimini, pour la région de Québec, pour notamment la Basse-Ville, le secteur de Limoilou, alors que, visiblement, il n’y a pas d’acceptabilité sociale pour ça, a déclaré le péquiste Sylvain Gaudreault. Sur le cas du nickel, c’est flagrant qu’il n’y a pas d’acceptabilité sociale. »

De son côté, le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a accusé le gouvernement Legault de « permettre à des entreprises multinationales de polluer l’air que respirent les Québécois et Québécoises pour faire plaisir aux multinationales ».

Son collègue Sol Zanetti a renchéri, affirmant être porteur de la « furie » des citoyens de Limoilou, de Beauport et de Québec. Le député a rappelé que les consultations à ce sujet avaient clairement démontré l’opposition de nombreux groupes et citoyens, et tout particulièrement des 18 santés publiques régionales de la province. « Leur acceptabilité sociale, c’est un slogan. Ils s’en balancent », a-t-il pesté.

Débats musclés en chambre

Puis, en chambre, la question a été soulevée par la cheffe libérale Dominique Anglade et par les députés Nadeau-Dubois, Zanetti et Lessard-Therrien de Québec solidaire. Cette dernière a été particulièrement cinglante.

« Grâce au ministre de l’Environnement, les gens de la basse-ville de Québec, de Rouyn-Noranda, de Sorel-Tracy et j’en passe vont respirer cinq fois plus nickel. J’espère que le ministre, il est gêné ce matin. J’espère qu’on n’entendra plus jamais la CAQ se vanter d’être le gouvernement des régions. Parce que dans ma région, à Rouyn-Noranda, là, les gens finissent avec plus de cancers du poumon qu’ailleurs parce qu’on a la pire qualité de l’air du Québec. Et le ministre décide que sa job, bien, c’est d’en rajouter », a dit Mme Lessard-Therrien.

Le ministre de l’Environnement, Benoit Charrette, a réfuté ces affirmations, reprochant à la députée d’ignorer la question de la moyenne annuelle. « Non, on ne multiplie pas par cinq indéfiniment et tout le temps cette norme-là parce qu’elle ne doit pas excéder les 20 nanogrammes par mètre cube sur une base annuelle. Et cet élément-là nous a été confirmé comme valable par la Santé publique nationale », a-t-il dit.

M. Charrette a invoqué l’opinion émise par un comité d’experts indépendant et la Santé publique nationale, selon qui « ça ne compromet pas la santé publique des citoyens ».

« La CAQ dit que ça prend de l’acceptabilité sociale pour le tramway. Bien, ce qui est bon pour pitou, c’est bon pour minou. Et pour le nickel, il n’y en a pas, d’acceptabilité sociale », a rétorqué Mme Lessard-Therrien, invoquant à nouveau l’avis défavorable unanime des 18 directions régionales de santé publique.

Charrette préfère la santé publique nationale

Le ministre Charrette a répondu que malgré son « plus grand des respects pour les différentes santés publiques régionales, il faut aussi dire que ce ne sont pas elles qui ont été impliquées au moment de la démarche » et que cette démarche « a été cautionnée à chacune de ces étapes par la santé publique nationale, et encore récemment, dans les dernières semaines, le Dr (Luc) Boileau (directeur national de la santé publique) a pu confirmer que les études étaient valables, que la décision de changer cette norme était valable et qu’elle se justifiait au niveau scientifique ».

Benoit Charrette a aussi invoqué la décision d’installer une nouvelle station d’échantillonnage de l’air à Québec en collaboration avec les autorités municipales. « Ce matin encore, j’ai communiqué avec le maire de la ville de Québec. Nos équipes travaillent ensemble pour établir le meilleur lieu pour l’installation d’une nouvelle station d’échantillonnage pour voir d’où viennent les émissions, et surtout corriger les problématiques lorsqu’elles surviennent. Mais, dans le secteur en question, la première problématique, et la santé publique est très claire à ce sujet-là, ce n’est pas le nickel, la principale source de contamination. »

La Ville de Québec est particulièrement concernée puisque la demande d’augmentation de la norme vient des compagnies minières, dont Glencore, qui possède des installations dans le port de Québec. Dans le cas de Rouyn-Noranda, Émilise Lessard-Therrien estime que l’assouplissement des normes sur les émissions de nickel ne fera qu’ajouter aux problèmes sévères que connaît déjà la ville avec les émissions de cadmium et d’arsenic qu’émet la Fonderie Horne.