(Ottawa) Le ministre de l’Environnement de l’Alberta a prévenu son homologue fédéral, Steven Guilbeault, que sa province poursuivra Ottawa s’il ose imposer des mesures qui affectent la production pétrolière. L’Alberta n’entend carrément pas « coopérer » avec le gouvernement Trudeau tant que son plan climatique, qui est de « la folie », sera sur la table.

« Je peux vous assurer que dans ma rencontre de 30 minutes avec le ministre de l’Environnement de l’Alberta la semaine passée qu’il m’a rappelé pendant 30 minutes que la production de ressources naturelles était de juridiction provinciale et que si on essayait d’y toucher de quelque façon que ce soit, ils allaient nous poursuivre devant les tribunaux », a raconté lundi le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, lors d’une conférence de presse.

M. Guilbeault répondait à une question visant à comprendre pourquoi Ottawa ne limite pas la production d’énergies fossiles, comme le réclame le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans son plus récent rapport.

« Nous avons cet élément qui est la constitution au Canada qui fait en sorte que les ressources naturelles sont de juridiction provinciale », a noté le ministre.

C’est pour cette raison qu’Ottawa s’attaque à la pollution, a dit l’ex-militant écologiste notoire, notant que de toute manière l’important « d’un point de vue atmosphérique » est de réduire les émissions.

« Peu importe ce qu’il arrive avec la production, nous atteindrons nos cibles », a assuré M. Guilbeault.

La semaine dernière, le gouvernement Trudeau a dévoilé un plan ayant pour objectif de réduire d’au moins 40 % les émissions canadiennes d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005.

Alors que le GIEC recommande de réduire les émissions mondiales de 45 %, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a indiqué lundi que les engagements climatiques actuels signifieraient une augmentation de 14 % des émissions.

Le Canada « avance dans la bonne direction », a soutenu le ministre Guilbeault, d’autant plus qu’« il y a deux ans, l’objectif était de -30 % ».

Exiger une réduction d’une telle ampleur du secteur du pétrole et du gaz est « excessivement ambitieux et tout à fait en lien avec ce que nous demande le GIEC », a-t-il dit.

« L’Alberta ne coopérera pas »

Dans une déclaration transmise par courriel à La Presse Canadienne, le ministre albertain de l’Environnement indique que sa province « ne coopérera pas » tant que le plan du ministre Guilbeault – de « la folie » — sera sur la table.

Jason Nixon souligne au passage que « le Canada ne peut pas atteindre ces objectifs sans la coopération de l’Alberta ».

« Le plan qui a été présenté par le gouvernement fédéral la semaine dernière va au-delà des objectifs d’émissions et entre dans le domaine des plafonds de production, qui relève de la compétence constitutionnelle de la province, a-t-il écrit. Cette action pourrait déclencher d’autres poursuites judiciaires. »

La province entend également prendre les « outils législatifs à sa disposition si nécessaire », mais préfère être invitée à une table où sont discutées « des solutions qui n’augmentent pas les coûts pour les Canadiens et maintiennent l’économie du Canada intacte ».

Lors de son émission de radio hebdomadaire, dimanche, le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, a qualifié le ministre Guilbeault d’« ancien radical de Greenpeace » et le plan d’« attaque frontale contre les 800 000 personnes qui travaillent dans le secteur de l’énergie ».

Selon lui, le plan d’Ottawa nécessitera une réduction de production, ce qui serait « catastrophique » pour l’économie canadienne.

Les gouvernements de la planète ont convenu dans l’Accord de Paris de 2015 de maintenir le réchauffement climatique bien en dessous de 2 degrés Celsius durant ce siècle, et idéalement sous les 1,5 degré Celsius.

Selon le plus récent rapport du GIEC, il est fort probable qu’à moins que les pays n’intensifient leurs efforts pour réduire les émissions de GES, la planète sera en moyenne de 2,4 à 3,5 degrés plus chaude d’ici la fin du siècle.