Des discussions ardues ont retardé de 48 heures l’approbation du plus récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), dont la publication a conséquemment été repoussée en milieu de journée lundi.

Réunis depuis deux semaines, les quelque 270 auteurs et les représentants des 195 États membres devaient initialement terminer vendredi d’approuver, ligne par ligne, le contenu du « résumé pour les décideurs » du rapport de près de 3000 pages portant sur les solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère.

Les débats, parfois « houleux » selon ce qu’a dit à La Presse une source qui y a assisté, mais qui n’était pas autorisée à en parler publiquement, ont étiré l’exercice jusqu’à tard dimanche soir, heure de Genève.

La publication du document qui est le fruit du Groupe de travail III du GIEC, initialement prévue pour lundi matin, a été repoussée à 17 h, heure de Genève (11 h, heure de Montréal), le rapport devant d’abord être adopté par un vote en plénière.

La quantité « significative » d’informations contenues dans le rapport rendait les différends inévitables, a indiqué à La Presse une deuxième source ayant assisté aux discussions, mais qui n’était pas non plus autorisée à en parler publiquement.

Des accrochages sont survenus sur les questions du financement des mesures, sur la place des énergies fossiles, sur la captation et la séquestration du carbone, ou encore sur « l’atténuation par la demande », soit les changements de comportement en matière de consommation.

Quand on parle de ces sujets-là, ça entraîne d’autres types de débats, comme sur l’équité des mesures.

Une source ayant assisté aux discussions

Pétrole, gaz et viande

Différents pays ont tenté de donner au texte un ton moins défavorable à leurs intérêts nationaux, illustrent les sources de La Presse.

L’Arabie saoudite a par exemple insisté pour que le texte laisse encore une place à l’exploitation des énergies fossiles, une information également rapportée par le quotidien britannique The Guardian.

Le Brésil et l’Argentine, grands producteurs de bœuf, tenaient quant à eux à ce que le rapport évoque non pas la nécessité d’adopter un « régime alimentaire végétal », mais plutôt un « régime alimentaire équilibré », illustre une source de La Presse.

Les États-Unis se sont montrés pointilleux sur la question du financement, par souci de ne pas engager leur responsabilité à ce stade.

Les modifications apportées risquent-elles d’édulcorer le rapport ? Peut-être son résumé, mais il suffira d’aller voir « dans les chapitres » pour avoir l’heure juste, estime l’une des sources de La Presse, qui rappelle que les auteurs du rapport conservent le dernier mot sur son contenu.

Elle souligne en outre que de nombreux pays, dont le Canada, ont travaillé à ce que le résumé pour les décideurs soit le plus près possible des conclusions scientifiques.

« La majorité des interventions étaient utiles », estime d’ailleurs l’autre source de La Presse, qui évoque entre autres les insistances de l’Inde sur l’équité des mesures à prendre.

« Les discussions fortes, et parfois tendues, entre les délégués des pays et les auteurs ont un gros avantage par rapport à un rapport qui serait écrit par des scientifiques seuls, dans leur tour d’ivoire : un sens commun de l’appropriation », a d’ailleurs écrit dimanche soir sur le réseau social Twitter l’un des auteurs du rapport, Jean-Pascal van Ypersele, professeur à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve, en Belgique.

Rapport porteur d’espoir

De nombreux auteurs du rapport ont fait état de leur joie de le voir approuvé et de leur optimisme, sur les réseaux sociaux.

« Le rapport du GIEC vient d’être approuvé ! ! 16 jours, couronnés par une finale d’environ 40 heures de négociation et d’approbation ligne par ligne », s’est exclamée Stephanie Roe, scientifique principale sur le climat au Fonds mondial pour la nature (WWF), qualifiant le moment de point culminant de nombreuses années de travail.

Vous pourrez bientôt voir par vous-mêmes ce qu’il y a de nouveau dans ce rapport du GIEC, et je pense que vous serez impressionnés.

Jean-Pascal van Ypersele, Université catholique de Louvain-la-Neuve

« Ce rapport renouvelle le sentiment d’urgence, mais il offre aussi (et évalue) plusieurs pistes de solution dans un contexte de développement durable », a ajouté le professeur van Ypersele, qui a parlé de la séance d’approbation la plus longue en 34 ans d’histoire de l’organisation.

Malgré les déchirements de dernière minute et le retard qui en résulte, ce nouveau rapport du GIEC sera porteur d’espoir, selon les sources qui ont assisté aux discussions.

« Il va dire : “c’est possible, en huit ans, de couper les émissions de moitié” », indique l’une d’elles, ajoutant que les solutions existent et sont économiquement accessibles, et concluant que « ce qui manque, c’est la volonté politique d’adopter ces solutions-là ».

Les rapports du GIEC

Le rapport qui sera publié lundi constitue le troisième et dernier volet du Sixième rapport d’évaluation du GIEC, dont la synthèse sera publiée l’automne prochain. Il porte sur l’atténuation des émissions dans l’atmosphère de gaz à effet de serre (GES) d’origine humaine. Rédigé par le Groupe de travail III de l’organisation, il fait suite à celui du Groupe de travail II portant sur les conséquences des changements climatiques, publié en février, et à celui du Groupe de travail I se penchant sur les indicateurs scientifiques de l’évolution du climat, publié en août.

En savoir plus
  • + 2,7 °C
    Augmentation estimée de la température mondiale selon les engagements actuels de la communauté internationale
    source : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)