Ottawa a dévoilé mardi un plan de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 9,1 milliards de dollars, que les groupes de défenses de l’environnement ont salué, tout en lui reprochant d’exiger moins de l’industrie pétrolière et gazière que du reste de la société.

Le Plan de réduction des émissions pour 2030 se veut une feuille de route « ambitieuse et réalisable » détaillant comment le Canada s’y prendra pour atteindre son objectif de générer de 40 à 45 % moins de GES en 2030 par rapport à 2005.

Le secteur du pétrole et du gaz sera par exemple appelé à réduire ses émissions de 31 % par rapport à ses niveaux de 2005, montre la modélisation des mesures qui seront implantées.

C’est moins que la cible du Canada, qui obligera d’autres secteurs à en faire plus, ont souligné de concert la plupart des groupes de défenses de l’environnement.

C’est parce qu’il s’agit d’un plan intérimaire, a expliqué un haut fonctionnaire dans une séance d’information à l’intention des médias, indiquant que « chaque secteur devra atteindre la carboneutralité en 2050, mais chaque secteur emploiera un sentier différent ».

« Ce ne sont pas des chiffres qu’on a sortis d’un chapeau », a déclaré le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, dans une conférence de presse à Vancouver avec le premier ministre Justin Trudeau, expliquant que le secteur de l’électricité réduira ses émissions de 87 %, tandis que celui de l’agriculture ne les réduira que de 1 %.

PHOTO CHAD HIPOLITO, LA PRESSE CANADIENNE

Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique

On ne pouvait pas prendre un chiffre et dire que ça va être le même chiffre pour tout le monde.

Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique

Électricité, bâtiments et transports propres

Les émissions du secteur de l’électricité sont donc appelées à diminuer significativement selon le plan fédéral, qui prévoit des investissements dans les infrastructures d’électricité propre.

« Bien que le Canada dispose déjà de l’un des réseaux électriques les plus propres au monde, avec plus de 80 % de l’électricité produite par des sources non émettrices [de GES], la transition du reste de la production vers des sources propres réduira les émissions de gaz à effet de serre » de façon importante, indique le document.

Des réductions d’émissions sont aussi prévues dans le secteur des bâtiments, avec « la modernisation massive du parc immobilier existant » et la construction de nouveaux bâtiments carboneutres.

L’électrification des transports se poursuivra avec l’ajout de 50 000 bornes de recharge pour véhicules à zéro émission (VZE), électriques ou à hydrogène, et des mesures pour réduire le coût d’achat de ces véhicules.

Une nouvelle réglementation imposera que 20 % des véhicules neufs vendus au pays d’ici 2026 devront être des VZE, un seuil qui passera à 60 % en 2030 – Ottawa avait déjà annoncé que 100 % des véhicules neufs vendus devraient être des VZE en 2035.

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Justin Trudeau, premier ministre du Canada

On a perdu 10 ans sur la voie vers 2030 parce que rien n’a été fait sous les conservateurs.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Aider les autres à réduire leurs émissions

Le Plan d’Ottawa prévoit aussi 2,2 milliards de dollars pour aider les provinces, les territoires, les municipalités, les établissements d’enseignement, les entreprises et les organisations autochtones à mettre en place des actions climatiques, par l’entremise du Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone.

Des mesures particulières sont en outre prévues pour « aider les agriculteurs à adopter des pratiques durables, comme les cultures de couverture, le pâturage en rotation et la gestion des engrais », précise le document.

Des fonds sont aussi consacrés aux « solutions climatiques naturelles », comme la conservation, la restauration et l’amélioration de milieux naturels pouvant capter et stocker le carbone, ainsi qu’aux technologies pouvant effectuer la même tâche.

Le plan fédéral souligne qu’« une économie respectueuse de l’environnement pourrait créer entre 235 000 et 400 000 nouveaux emplois au Canada d’ici 2030 », citant une analyse de la Banque Royale du Canada.

Ce plan est le tout premier réalisé en vertu de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, qui prévoit de mesurer les progrès réalisés dans des rapports d’étape en 2023, 2025 et 2027.

Des hydrocarbures « à faible teneur en carbone »

La réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur canadien des énergies fossiles ne se traduira pas par une réduction de sa production dans des proportions équivalentes. Le Canada entend plutôt rendre l’exploitation moins polluante en se tournant vers la production de pétrole et de gaz « à faible teneur en carbone », afin de continuer à répondre à la demande mondiale, bien que décroissante dans les prochaines années. Ottawa doit d’ailleurs annoncer d’ici le 13 avril s’il autorise le projet Bay du Nord, une plateforme d’extraction pétrolière et gazière au large de Terre-Neuve, qui serait, selon son instigatrice Equinor, le champ pétrolifère le moins polluant au pays.

En savoir plus
  • 730 millions
    Émissions de gaz à effet de serre du Canada en 2019, en tonnes
    source : ministère de l’Environnement et du Changement climatique du Canada
    443 millions
    Émissions de gaz à effet de serre du Canada visées en 2030, en tonnes, avec une réduction de 40 %
    source : ministère de l’Environnement et du Changement climatique du Canada