Pour réduire le volume de déchets qu’il génère, un hôpital s’est doté d’un petit centre de tri des matières recyclables. Cela permet de générer des revenus – et des économies –, en plus d’aider à réintroduire sur le marché du travail des gens aux prises avec des problèmes de santé mentale.

Émile Baba et ses « stagiaires » ne chôment pas : les matières recyclables à trier s’accumulent dans leur petit local de l’hôpital Pierre-Boucher, à Longueuil.

Tout y passe : le papier – qu’il faut déchiqueter pour protéger les données personnelles de patients –, le carton, le métal et, surtout, le plastique.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le plastique est omniprésent dans les hôpitaux : emballages de produits stériles, bouteilles de toutes sortes, toiles… beaucoup de ces matières ne sont pas acceptées dans les centres de tri.

Une quantité astronomique de plastique.

« On en génère de la matière dans un hôpital, c’est fou », s’exclame Martin Lesage, chef du service d’hygiène et salubrité de l’hôpital.

Mais comme l’essentiel de ce plastique n’est pas accepté dans les centres de tri, puisqu’il ne s’agit pas d’emballages ou de contenants qu’on trouve dans les commerces, il était auparavant envoyé à l’enfouissement : emballages de matériel stérile, tubes d’appareils respiratoires, toiles de polypropylène servant au transport de matériel stérile et bien d’autres.

Il y a une dizaine d’années, l’hôpital avait mis en place un « plateau de tri » pour récupérer les matières qui ne pouvaient pas être envoyées au centre de tri.

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L’« Écopak » de l’hôpital Pierre-Boucher fonctionne comme un centre de tri en modèle réduit.

En mai dernier, il est passé à l’étape supérieure en se dotant des équipements nécessaires pour trier l’ensemble de ses matières recyclables et les compacter en ballots, ce qui lui permet de les envoyer directement à des conditionneurs et à des recycleurs.

« Ma vision, c’était d’avoir notre propre centre de tri », explique Martin Lesage, qui croyait en la nécessité de trier à la source les matières résiduelles de l’hôpital pour mieux les valoriser.

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Martin Lesage, chef du service d’hygiène et salubrité de l’hôpital Pierre-Boucher

Là, on a pris le contrôle de notre matière.

Martin Lesage, chef du service d’hygiène et salubrité de l’hôpital Pierre-Boucher

Des économies

L’hôpital payait auparavant 225 $ par semaine pour envoyer ses matières recyclables pêle-mêle dans un centre de tri ; maintenant, il tire des revenus de ses matières triées.

Le papier et le carton lui ont rapporté quelque 6500 $ depuis le mois de mai, et l’établissement a cessé d’avoir recours aux services d’entreprises spécialisées dans le déchiquetage de papier, épargnant ainsi près de 15 000 $ par année.

Le plastique, lui, ne génère pas de revenus, mais il diminue considérablement la facture d’enfouissement.

Résultat, l’équipement installé sera rentabilisé en moins d’un an et Martin Lesage prévoit des revenus nets de 35 000 $ par année, des sommes qui seront versées dans le fonds vert du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Est.

« On a la réputation d’avoir les plus beaux ballots du Québec ! », s’enorgueillit Martin Lesage.

C’est parce que ses matières sont bien séparées les unes des autres que l’hôpital Pierre-Boucher parvient à les valoriser ainsi, souligne Nathalie Robitaille, directrice générale de Synergie Santé Environnement, une organisation de gens issus du milieu de la santé qui aide les établissements du secteur à améliorer leurs pratiques environnementales et qui accompagne l’hôpital Pierre-Boucher dans ses démarches.

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Nathalie Robitaille, directrice générale de Synergie Santé Environnement

C’est pour ça que le plateau de tri est si précieux.

Nathalie Robitaille, directrice générale de Synergie Santé Environnement

Réduire, réutiliser, recycler… et réintégrer

Ce sont d’anciens patients de l’hôpital qui sont responsables du tri des matières recyclables.

Ces « stagiaires » obtiennent une bonification de leurs revenus d’aide sociale pour leur travail, un programme financé par Emploi Québec et géré par l’organisme D’un couvert à l’autre, qui œuvre à la réinsertion sociale et professionnelle de personnes touchées par la schizophrénie.

« Ça leur permet d’être reconnus autrement que par l’étiquette de la maladie », explique Marie-Françoise Fayolle, coordonnatrice en santé mentale de l’hôpital, soulignant que ce type d’initiatives réduit les dépendances au jeu et à la consommation et diminue la durée des hospitalisations, ce qui a un impact à la baisse sur les coûts de santé, bien que ce soit plus difficile à chiffrer.

Une quinzaine de stagiaires s’affairent ainsi à trier les matières recyclables de l’hôpital, répartis sur deux quarts de travail par jour, et parfois même la fin de semaine, lorsque nécessaire.

C’est ainsi qu’Émile Baba est entré au plateau de tri il y a trois ans, comme stagiaire, avant d’en devenir le superviseur en 2020, un véritable emploi.

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Émile Baba, superviseur du plateau de tri des matières recyclables de l’hôpital Pierre-Boucher

Le but principal, c’est de retourner sur le marché de l’emploi régulier.

Émile Baba, superviseur du plateau de tri des matières recyclables de l’hôpital Pierre-Boucher

Le Longueuillois de 43 ans, qui avait connu des difficultés d’emploi en raison de sa schizophrénie, a découvert l’organisme D’un couvert à l’autre après avoir été hospitalisé à Pierre-Boucher.

Deux autres stagiaires ont depuis été embauchés au service de salubrité de l’hôpital, souligne Martin Lesage, qui parle d’« une victoire extraordinaire ».

L’hôpital ajoute en quelque sorte un quatrième « R » à la célèbre philosophie des « 3 R » qui guide la gestion des matières résiduelles, dit à la blague Martin Lesage : réduire, réutiliser, recycler… et réintégrer.

Un modèle qui suscite de l’intérêt

Le petit centre de tri de l’hôpital Pierre-Boucher se rode tranquillement et prévoit augmenter la cadence, en ajoutant les matières plastiques provenant d’autres secteurs de l’hôpital – il a commencé par les plus grands générateurs – ou encore les papiers confidentiels provenant d’autres établissements du CISSS de la Montérégie-Est. D’autres hôpitaux s’intéressent au modèle, confie Nathalie Robitaille, qui évoque Maisonneuve-Rosemont, Charles-Le Moyne et même le CHUM. Martin Lesage l’imagine s’implanter aussi dans d’autres secteurs qui génèrent de grandes quantités de matières recyclables : « Ça pourrait être fait dans les écoles, les commissions scolaires. »

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En savoir plus
  • 95 tonnes
    Quantité de matières recyclables récupérées par l’hôpital Pierre-Boucher depuis l’installation de son centre de tri, en mai
    Source : hôpital Pierre-Boucher
    166,25 $
    Prix à la tonne reçu par l’hôpital Pierre-Boucher pour son carton trié
    Source : hôpital Pierre-Boucher