Depuis 1995, de nombreux Canadiens ont fait don de leurs terrains à des fins de conservation, pour une valeur dépassant le milliard de dollars. Une façon de contribuer à la protection des milieux naturels, qui n’est cependant pas accessible à tous. Portrait d’un donateur qui a choisi d’apporter sa contribution.

En 2020, Pierre Boucher a fait don d’une partie d’un terrain qu’il possédait depuis 20 ans à Cantley, en Outaouais. Il y a passé de nombreuses heures à apprécier la nature avec ses enfants, aujourd’hui adultes. Sur ce terrain d’une centaine d’acres, il avait construit un chalet – qu’il aurait pu revendre avec un joli bénéfice, dans un contexte de surenchère immobilière.

L’ingénieur à la retraite a plutôt choisi de donner une partie de son terrain à Conservation de la nature du Canada, un organisme qui se spécialise dans l’acquisition et la protection des milieux naturels. Une décision longuement réfléchie « sur plusieurs années », explique-t-il.

« C’est certain que j’aurais pu le vendre à un prix intéressant, avec un bénéfice intéressant », précise Pierre Boucher. Le terrain en question se trouve à une vingtaine de minutes du centre-ville de Gatineau. « Un milieu naturel extraordinaire », confie son ancien propriétaire.

« Mes enfants et moi, on s’installait dans le bois, en silence, et après une quinzaine de minutes, la faune s’animait autour de nous. On a vu des orignaux, des castors, des tortues, des oiseaux migrateurs. Il y a un lac, un milieu humide. C’est un milieu de vie très riche. »

Précieux don

M. Boucher se rappelle notamment la fois où, après avoir allumé un feu de camp, on pouvait entendre les hurlements d’une meute de loups de l’autre côté du lac.

PHOTO PATRICK WOODBURY, LE DROIT

Pierre Boucher

Avec ce terrain-là, on a vraiment profité de la nature. Profiter de tout ça, ça me manque déjà...

Pierre Boucher

Parce que « tout ça » ne lui appartient plus depuis 2020. Comment lui est venue l’idée de faire don de son terrain, plutôt que d’en confier la vente à un courtier immobilier ? C’est son voisin qui a ouvert la voie en quelque sorte. « Il y a quelques années, la famille du propriétaire voisin a fait don de son terrain à son décès. C’était la première fois que j’entendais parler de ça », précise Pierre Boucher.

L’idée a donc germé dans son esprit au fil des années. « J’étais déjà le voisin d’une réserve protégée », dit-il. Il en a discuté avec ses enfants, qui ont approuvé le projet, même si eux-mêmes profitaient encore du chalet à l’occasion.

Pierre Boucher est entré en contact avec Conservation de la nature du Canada, qui s’est dit intéressé par son terrain, déjà adjacent d’un espace protégé. L’organisme a racheté environ le tiers du terrain avec son fonds d’acquisition. Les deux autres tiers, dont la valeur a été établie à 220 000 $, ont fait l’objet d’un don écologique.

Dans le cas de M. Boucher, le gain en capital a été pris en considération. Le reçu aux fins d’impôt pour son don écologique lui a toutefois permis « d’annuler » les effets de ce gain en capital.

Dons écologiques

Pierre Boucher ne s’était pas inscrit au programme de dons écologiques du gouvernement fédéral. Si ce programme est plus avantageux d’un point de vue fiscal, les délais d’évaluation des dossiers sont beaucoup plus longs, explique-t-il.

Selon Elizabeth Sbaglia, directrice des communications à Conservation de la nature Canada (CNC), environ 50 % des terrains sont acquis par l’organisme par l’intermédiaire de dons écologiques, alors que l’autre moitié fait l’objet de rachat. Depuis 1962, CNC a permis de protéger 480 km⁠2 de territoires au Québec, soit l’habitat de plus de 200 espèces fauniques et floristiques en situation précaire.

« On voit de moins en moins de milieux naturels à proximité des villes. Il faut aller de plus en plus loin, ce n’est plus aussi accessible, croit Pierre Boucher. C’est un peu ma contribution. »

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