Augmentation des redevances à l’élimination. Annonce des détails sur l’élargissement de la consigne, légèrement retardé, et sur la réforme de la collecte sélective. Québec poursuit son offensive pour améliorer sa gestion des matières résiduelles.

Les ordures coûteront bientôt plus cher à éliminer. Québec augmentera ainsi, d’ici quelques mois, les redevances que paient les exploitants de lieux d’élimination, dans le but de réduire la quantité de matières résiduelles enfouies ou incinérées dans la province.

« Dans les prochaines semaines, les prochains mois à tout le moins, on devrait aussi déposer un nouveau projet de règlement sur les redevances à l’enfouissement », a déclaré mardi le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, lors d’une conférence de presse portant sur les réformes de la consigne et de la collecte sélective.

« À partir du moment où l’enfouissement est la formule la plus économique, la plus facile, ça ne permet pas de développer de nouvelles stratégies », a-t-il ajouté, sans donner plus de détails sur ses intentions.

Sa déclaration intervient au lendemain de la publication du rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) portant sur l’état des lieux et la gestion des résidus ultimes, dans lequel l’organisme affirme que la redevance à l’élimination est « nettement insuffisante pour être dissuasive ».

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Il faudra que les sommes recueillies « servent en priorité à financer la réduction à la source et le réemploi, qui sont considérés comme les maillons faibles de la gestion des matières résiduelles au Québec », a déclaré à La Presse Amélie Côté, analyste en réduction à la source chez Équiterre.

Les redevances à l’élimination, qui sont de 24,32 $ par tonne métrique pour l’année 2022, servent à l’heure actuelle à financer les plans de gestion des matières résiduelles des municipalités, ainsi que la récupération et le traitement des matières organiques.

Ça ne devrait pas servir à financer des activités liées à l’élimination, sinon, c’est incohérent.

Amélie Côté, analyste en réduction à la source chez Équiterre

Élargissement de la consigne retardé de six mois

Québec a aussi publié mercredi le projet de règlement détaillant l’élargissement de la consigne, une « étape importante » qui fait en sorte qu’il n’y a « plus de retour en arrière possible », a affirmé le ministre Benoit Charette.

L’entrée en vigueur de la réforme, qui étendra la consigne à tous les contenants de boisson de 100 millilitres à 2 litres, est cependant retardée au printemps 2023 plutôt qu’à l’automne 2022, un délai attribuable à la pandémie de COVID-19.

« Nous sommes très, très soucieux des enjeux et des impacts » de la situation actuelle sur le déploiement du nouveau système, a déclaré le ministre Charette, dont l’annonce suit celle, lundi, de la prolongation jusqu’au 31 mars des projets pilotes mis sur pied pour tester ce système de consigne élargi.

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Le Québec comptera 1500 points de collecte pour récupérer les contenants consignés, beaucoup plus que ce qui avait été initialement prévu.

Le règlement prévoit également une valorisation locale de la matière, s’est réjoui le ministre.

Non seulement le système va permettre de récupérer plus de matière et de réduire l’enfouissement, il contribuera en plus au développement de l’économie circulaire en favorisant des débouchés chez nous au bénéfice des entreprises québécoises.

Benoit Charette, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

Montants trop bas, délais trop serrés

Les détails sur l’élargissement de la consigne sont bien accueillis par Équiterre, qui estime toutefois que les montants fixés sont trop faibles et regrette qu’il soit impossible de les modifier pendant cinq ans.

« La valeur de la consigne, c’est l’incitatif économique pour retourner le contenant, et il faut que ce soit proportionnel à la valeur du produit qu’on a acheté, observe Amélie Côté. Si on pense à une bouteille de vin qu’on paie 10, 15 ou 20 $, une consigne de 25 cents, c’est très peu. »

Le directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED), Karel Ménard, ne se formalise pas du report de l’entrée en vigueur de la réforme, lui qui avait déjà prévenu le gouvernement que le délai était serré.

« La fin de 2022, ça vient très, très vite, dit-il. Il y aura 1500 points de dépôt, certains devront être construits, ça prend des permis, du personnel, […] c’est un immense chantier. »

Le report n’est cependant pas suffisant aux yeux de l’Association des détaillants en alimentation du Québec, qui a déclaré par communiqué ne pas comprendre « comment le système attendu par les Québécois pourra être correctement déployé dans les délais impartis ».

L’Association des brasseurs du Québec voit quant à elle dans le projet de règlement « de nouvelles règles qui vont complexifier grandement la récupération des contenants », selon son directeur général, Philippe Roy, qui entend « participer activement au processus de consultation qui doit suivre » pour trouver des solutions.

Pas d’écofrais pour l’instant

Le ministre Benoit Charette n’envisage pas l’imposition d’écofrais aux entreprises qui mettent sur le marché des contenants et emballages non recyclables, ni l’interdiction de certaines matières non recyclables, comme le suggère le BAPE. La réforme de la collecte sélective, qui doit entrer en vigueur en 2025 et dont il a également publié le projet de règlement mercredi, rendra les entreprises responsables de la récupération et de la valorisation des matières qu’elles mettent en marché, a-t-il fait valoir. « On peut penser que cette réglementation-là va aussi changer la façon dont on emballe nos produits, dont on les commercialise, pour avoir à la source beaucoup moins de matières à gérer », a affirmé le ministre Charette.

5 milliards

Nombre de contenants qui seront récupérés annuellement par la consigne élargie, contre 2,2 milliards actuellement

Source : ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec