Des écologistes tentent de réinventer le stationnement et ont même mis en place une certification « écoresponsable » qui s’adresse aux propriétaires de parkings du Québec.

Les grands stationnements rivalisent rarement de charme : de vastes surfaces asphaltées, souvent inutilisées une bonne partie de la journée et propices aux îlots de chaleur.

On pourrait croire qu’ils représentent une cause perdue pour l’environnement. Mais certains experts veulent repenser ces espaces pour les rendre plus efficaces et moins dommageables.

« Dans l’île de Montréal seulement, on a près de 500 aires de stationnement de 100 cases ou plus. Ce sont d’énormes surfaces », note Romain Coste, du Conseil régional de l’environnement (CRE) de Montréal.

Ce chargé de projet s’occupe de la campagne de stationnement écoresponsable au CRE-Montréal. Depuis 2017, l’organisme propose une attestation pour les stationnements de 20 cases et plus.

Sept aménagements dans l’île de Montréal ont depuis reçu le sceau de l’organisme. Le CRE annonçait récemment que le projet allait s’étendre à plusieurs autres régions du Québec, soit la Capitale-Nationale, Laval, la Montérégie et le Centre-du-Québec.

Les aires de stationnement soulèvent plusieurs enjeux environnementaux. Il y a les îlots de chaleur. Il y a aussi la gestion de l’eau pluviale, alors que les stationnements sont souvent des surfaces complètement imperméables qui viennent engorger le réseau municipal.

Romain Coste, du Conseil régional de l’environnement de Montréal

Ainsi, pour être certifié écoresponsable, un stationnement devra être réaménagé, reverdi et opter pour un revêtement plus clair, qui réfléchit plus qu’il n’emmagasine les rayons du soleil.

De 240 à 137 cases

Les gestionnaires de grands stationnements sont aussi invités à offrir des emplacements pour vélos ou à indiquer les horaires des transports en commun pour « offrir des alternatives à l’auto solo ».

« Mais la cible de base est de réduire le nombre de cases, précise Romain Coste. Le message, c’est qu’il faut se questionner sur le besoin de stationnement. A-t-on vraiment besoin d’autant de cases ? »

L’un des stationnements certifiés écoresponsables dans l’est de Montréal est ainsi passé de 240 à 137 places. Au départ, le stationnement de l’aréna Rodrigue-Gilbert n’était qu’un rectangle d’asphalte.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

L’espace récupéré par l’élimination d’une centaine de cases à l’aréna Rodrigue-Gilbert a permis d’installer des îlots de verdure et des ruches. Derrière, on aperçoit une maison des jeunes qui a aussi pu être érigée là où on trouvait naguère des voitures.

Mais l’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles a décidé de réaménager le lieu en 2018. Pour réduire le nombre de cases, l’aréna a signé un partenariat avec une école secondaire voisine.

L’idée est plutôt simple : le stationnement de l’école est surtout occupé les jours de semaine, celui de l’aréna, le soir et la fin de semaine. L’aréna allait se départir de plus de 100 cases, mais les automobilistes pourraient se rabattre sur l’école en cas de débordement, lors d’un tournoi de hockey, par exemple.

Avec l’espace récupéré, 47 arbres ont été plantés, tout comme des végétaux pour récupérer l’eau de pluie. Des bancs publics ont été installés, ainsi que des ruches et des nichoirs pour oiseaux.

  • Le stationnement de l’aréna Rodrigue-Gilbert n’était qu’un rectangle asphalté avant son réaménagement.

    PHOTO FOURNIE PAR LE CRE-MONTRÉAL

    Le stationnement de l’aréna Rodrigue-Gilbert n’était qu’un rectangle asphalté avant son réaménagement.

  • Après la transformation, on peut voir tout l’espace récupéré par l’élimination des cases. Une maison des jeunes a même été construite en bas, à gauche.

    PHOTO GOOGLE MAPS

    Après la transformation, on peut voir tout l’espace récupéré par l’élimination des cases. Une maison des jeunes a même été construite en bas, à gauche.

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« On a vu des garderies venir dans le stationnement avec les enfants pour faire le tour des panneaux éducatifs », raconte Louis Lapointe, directeur des travaux publics à l’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles.

« Au début, des gens étaient inquiets sur la perte d’espaces de stationnement, mais on a réglé ça grâce à l’entente avec l’école secondaire. On n’a eu que de bons commentaires depuis », dit-il à propos de ce projet qui a coûté 1,8 million de dollars à l’arrondissement.

Réduire l’auto solo

L’idée n’est pas seulement de maquiller le stationnement de vert, insiste Romain Coste. Un comité de 10 experts encadre le CRE dans sa démarche, qui se veut une réelle réflexion non seulement sur l’aménagement, mais aussi sur les choix en matière de transport.

Ainsi, une entreprise qui voudrait certifier son stationnement serait invitée à remettre en question la gratuité. Ou à tout le moins, précise M. Coste, « offrir des incitatifs à ceux qui ne viennent pas au travail en voiture, par exemple ».

Les employeurs offrent souvent le stationnement gratuitement à leurs employés. Mais ceux qui se rendent au travail à pied, à vélo ou en transports en commun ne reçoivent bien souvent quant à eux aucune contrepartie.

« L’employé qui vient en automobile est en quelque sorte subventionné », dit-il, puisque l’employeur doit payer pour l’entretien des espaces de stationnement.

La Californie a d’ailleurs entériné une loi en 1992 qui oblige certains employeurs à offrir l’option à leurs travailleurs : prendre une case de stationnement ou recevoir une somme d’argent équivalente chaque mois.

Une étude faite cinq ans plus tard a conclu que la demande pour des espaces de stationnement avait chuté de 11 % dans ces entreprises. Inversement, les déplacements en transports en commun avaient grimpé de 50 % et ceux en vélo, de 33 %.