Une gigantesque plaque de glace, plus de 10 fois la taille de l’île de Montréal, s’est détachée d’une plateforme glaciaire de l’Antarctique le 14 mai. L’Agence spatiale européenne a confirmé qu’il s’agissait du plus gros iceberg du monde.

L’iceberg A-76

L’iceberg A-76 a été repéré sur des images récentes prises par la mission Sentinel-1 du programme Copernicus de l’Agence spatiale européenne. Sa surface de 4320 km2 est légèrement plus petite que celle de l’île du Prince-Édouard. « L’iceberg représente 0,01 % de ce qu’on a perdu dans l’Antarctique depuis 2003 », dit toutefois Bruno Tremblay, professeur au département des sciences atmosphériques et océaniques de l’Université McGill. Son volume est d’environ 1296 km3, ce qui correspond à 518 millions de piscines olympiques.

Pas si fréquent

La formation des icebergs est un processus naturel. « La neige tombe sur le continent. Avec le poids de la neige, ça s’enfonce dans les profondeurs et le glacier s’écoule vers la mer », explique M. Tremblay. Le glacier finit par se fissurer et se détacher. Il n’est donc pas inhabituel de voir un détachement dans cette région, renchérit Eric Rignot, professeur de sciences de la Terre et glaciologue à l’Université de Californie. Toutefois, les épisodes de gros détachements comme celui-ci sont rares, indique-t-il. De tels évènements se produisent normalement tous les 10 ans environ.

Niveau de la mer

Cette portion de banquise flottait déjà dans la mer. Elle n’a donc pas d’impact direct sur le niveau de la mer. Toutefois, la séparation de l’iceberg va entraîner un effet de tirage sur la masse glaciaire, donc de remplacement de ce volume de glace, explique Michel Lamothe, professeur au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’Université du Québec à Montréal. « Il y a donc un impact réel, mais avec un retard de quelques dizaines d’années probablement sur le niveau marin », dit-il. La calotte antarctique ouest est particulièrement étudiée, car elle est réputée instable. « Sa fonte pourrait accélérer le relèvement du niveau de la mer au cours du prochain siècle », indique M. Lamothe. Sa contribution pourrait être de l’ordre de quelques mètres d’ici 500 ou 1000 ans.

Changements climatiques

Le réchauffement de l’air et des océans peut contribuer à accélérer la formation d’icebergs. « On voit une accélération de la fonte. Il y a une accélération au Groenland et en Antarctique, ce à quoi on s’attend avec un réchauffement planétaire », dit M. Tremblay. Il est toutefois trop tôt pour pouvoir dire hors de tout doute que la formation de l’iceberg A-76 est liée aux changements climatiques, mais « c’est en accord avec ce à quoi on s’attend », dit-il.

Aide spatiale

L’iceberg a été repéré par la mission Sentinel-1 du programme Copernicus de l’Agence spatiale européenne. La mission se compose de deux satellites en orbite qui utilisent l’imagerie radar et renvoient des données de jour comme de nuit, ce qui permet d’observer toute l’année des régions reculées comme l’Antarctique. « Les observations spatiales permettent une identification précise de la date de détachement et de l’évolution de l’iceberg, indique M. Rignot. Dans le cas présent, la constellation Sentinel-1 de la communauté européenne est très utile. Les satellites sont le moyen le plus efficace et le plus puissant pour faire ce suivi », explique-t-il.

Icebergs marquants

1986

Trois icebergs d’une superficie totale de 10 700 km2 se détachent de la barrière de glace de Filchner-Ronne.

2013

Un iceberg de 700 km2 se détache du glacier de l’île du Pin.

2017

Un iceberg de 5000 km2 se détache de la barrière de glace Larsen C. L’iceberg, nommé A-68A, parcourt 2500 km avant de se briser en avril 2021.

Février 2021

L’iceberg A-74, d’une superficie de 1270 km2, se détache de la barrière de Brunt.

14 mai 2021

L’iceberg baptisé A-76, qui fait 4320 km2, se détache de la barrière de Filchner-Ronne pour se jeter dans la mer de Weddell.