Jérémy Samson-Boucher et ses acolytes travaillent à un projet prometteur pour aider les entreprises à optimiser leur consommation d’énergie afin de réduire leur facture et leur empreinte carbonique.

L’idée : accélérer l’intégration des énergies renouvelables aux bâtiments.

« On a une solution clés en main pour réaliser des projets d’énergie renouvelable [appelés microréseaux] sur les bâtiments commerciaux, industriels et institutionnels, donc non résidentiels », précise celui qui dirige les activités de l’entreprise en démarrage VadiMAP.

« C’est une solution qui est innovatrice parce qu’on informatise une bonne partie du travail qui est habituellement fait par un ingénieur. Donc, on planifie efficacement la transition énergétique des entreprises qui ont plusieurs bâtiments. Ça peut être des chaînes de restaurants, de quincailleries ou des commerces. »

Une partie de la consommation d’électricité pourrait venir, par exemple, de panneaux solaires couplés à du stockage d’énergie avec des batteries.

« On prend les factures d’électricité, quelques caractéristiques du bâtiment et avec les algorithmes qu’on développe, on fait des milliers de configurations possibles et on choisit la meilleure solution d’énergie renouvelable pour eux », ajoute l’ingénieur électrique de 25 ans.

Pas ici

Le hic, c’est que ce n’est pas au Québec que le potentiel d’un tel projet est le plus prometteur. D’une part, parce que le prix de l’électricité y est si bas que les entreprises et les institutions n’ont pas d’incitatif à réduire leur facture. D’autre part, comme la production d’électricité provient de ressources hydrauliques, une énergie renouvelable, baisser sa consommation n’a pas d’effet sur la réduction de gaz à effet de serre. Les gains environnementaux ne porteront ainsi que sur la réduction de la consommation d’autres sources d’énergie, comme le mazout ou le gaz naturel.

Le potentiel sera donc plus grand là où le coût de l’énergie est élevé et de source non renouvelable. C’est le cas de l’Alberta, que l’entreprise de Jérémy Samson-Boucher trouve intéressant.

On est tout jeunes, mais on peut croire en l’Alberta. Il y a beaucoup de potentiel là-bas étant donné que le réseau électrique est polluant. Comparés à ici, les tarifs sont plus élevés et il y a souvent des pannes d’électricité.

Jérémy Samson-Boucher

Selon la Régie de l’énergie du Canada, « environ 91 % de l’électricité en Alberta est produite à partir de combustibles fossiles : environ 43 % au moyen du charbon et 49 % avec du gaz naturel. La tranche restante de 8 % provient de ressources renouvelables, comme l’énergie éolienne, l’hydroélectricité ou la biomasse ».

Par ailleurs, en Alberta, le prix d’un kilowattheure est de 14,83 cents pour les clients résidentiels à Calgary, comparativement à 7,3 cents à Montréal.

« C’est plus difficile au Québec parce que l’électricité n’est pas chère, reconnaît Jérémy Samson-Boucher. On vise le Canada, c’est certain, et on veut aller à l’international. Au Québec, il y a un beau potentiel pour remplacer le chauffage au gaz par du solaire thermique. Dans les prochaines années, je crois que c’est ça qu’on va voir de plus en plus. »

Le cas de McDonald’s

Ce projet, supervisé par Louis Dessaint, professeur titulaire au département de génie électrique de l’École de technologie supérieure (ETS), est subventionné par le fédéral. En plus de l’ETS, Polytechnique Montréal, l’entreprise Ossiaco et une vingtaine de personnes y collaborent, dont trois étudiants au doctorat, deux à la maîtrise et quatre professeurs.

« C’est compliqué pour une entreprise qui a beaucoup de bâtiments de gérer une transition énergétique. C’est ça qu’on a en tête : les accompagner pour tous leurs bâtiments », note Jérémy Samson-Boucher.

La chaîne McDonald’s pourrait-elle être intéressée à cette solution ?

« Oui, répond-il. On aimerait bien ça parler à McDonald’s. En fait, on leur a déjà parlé, mais c’était à un stade initial. Puis, ils étaient très intéressés parce que c’est une solution complète qui les accompagne. »

Dans les prochains mois, on aimerait faire un coucou à McDonald’s et à d’autres entreprises comme ça.

Jérémy Samson-Boucher

Le « consommacteur »

Selon le professeur Louis Dessaint, le produit de VadiMAP est conçu pour les secteurs commercial et industriel, mais il pourrait également convenir au résidentiel.

« C’est un changement de paradigme, dit-il, puisque jusqu’à maintenant, les clients d’une compagnie d’électricité étaient passifs, ils n’avaient pas vraiment de rôle à jouer, alors qu’avec un microréseau qui a des capacités de production, de stockage d’électricité et qui pourrait même échanger de l’électricité avec le réseau principal ou avec d’autres microréseaux, le consommateur devient un “consommacteur”. Il peut jouer un rôle actif dans sa propre alimentation et ça, c’est le concept de la production décentralisée ou distribuée par opposition à ce qu’on connaît avec Hydro-Québec. »

Dans ce domaine, ajoute le professeur, le Québec accuse un retard en raison des coûts bas de l’électricité.

« Ça fait en sorte qu’on n’est pas tellement portés à chercher des solutions moins coûteuses, explique-t-il. On a déjà quelque chose d’assez intéressant. Le kilowattheure se vend, dans nos maisons, 7 ou 8 cents. Pour les grands clients, les industriels, c’est 3 ou 4 cents. »