Quinze mois après avoir reçu le plan d’action de la fonderie Horne visant à réduire l’exposition à l’arsenic, une substance cancérigène, des résidants de Rouyn-Noranda, Québec en recommande l’application. Les citoyens voisins de l’entreprise sont « extrêmement déçus ».

Le rapport du comité interministériel chargé d’analyser le plan d’action de l’entreprise, rendu public vendredi, conclut que « la grande majorité des éléments du plan d’action de la fonderie Horne doivent être mise en œuvre et faire l’objet d’un suivi étroit », indique un communiqué du gouvernement Legault.

Québec « entend appliquer rigoureusement les 32 recommandations » du rapport et octroie par ailleurs une subvention de 6,5 millions de dollars à la Ville de Rouyn-Noranda pour accélérer l’assainissement du quartier Notre-Dame, voisin des installations industrielles de l’entreprise.

La fonderie, qui appartient à la multinationale Glencore, avait été sommée à l’automne 2019 par le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, de présenter un plan pour réduire ses émissions polluantes.

À l’époque, elle émettait 130 nanogrammes par mètre cube (ng/m3) d’arsenic, et une étude de biosurveillance de la Direction de la santé publique (DSPu) de l’Abitibi-Témiscamingue avait révélé que les ongles des enfants du quartier voisin de Notre-Dame contiennent en moyenne quatre fois plus d’arsenic que ceux d’enfants non exposés.

Ces émissions dépassent de très loin la norme québécoise de 3 ng/m3, qui est aussi celle de l’Organisation mondiale de la Santé, mais la fonderie y était autorisée parce qu’elle est en activité avant l’entrée en vigueur de cette norme, en 2011 — elle a commencé ses activités en 1927.

Citoyens « extrêmement déçus »

« On est extrêmement déçus des recommandations du comité interministériel », a déclaré à La Presse Valérie Fournier, co-porte-parole du Comité Arrêt des Rejets et Émissions toxiques de Rouyn-Noranda (ARET), qui regroupe des parents et citoyens du quartier Notre-Dame.

Elle qualifie de « dérangeante » l’absence d’échéance pour que l’entreprise se conforme à la norme québécoise de 3 ng/m3 d’arsenic.

C’est clair que pour nos enfants, c’est inacceptable qu’on ne parle même pas de l’atteinte de la norme.

Valérie Fournier, comité ARET

Le comité ARET est grandement déçu que le rapport n’ait pas retenu ses propositions, comme la prise d’échantillons d’air là où il est soupçonné que les vents dominants entraînent des contaminants, où la mesure « des particules les plus fines, qui sont, selon la littérature scientifique, les plus dommageables », explique Mme Fournier.

« Ce qu’on retient, c’est que le comité interministériel ne fait qu’accompagner l’entreprise dans la mise en place de ses propositions, dit-elle. Il n’y a rien de plus que ce qui était déjà proposé. »

Pavage, entreposage et expropriations

Parmi les propositions de l’entreprise que le comité approuve, certaines sont déjà réalisées ou sont en voie de l’être.

C’est le cas du pavage de voies de circulation dans le secteur de déchargement des concentrés, pour en faciliter le nettoyage, qui a été amorcé en 2019 et qui est complété à 90 %, ainsi que de l’acquisition d’un second camion de nettoyage des routes, effectuée en 2020, indique le rapport.

L’acquisition de gré à gré de 16 propriétés voisines du site pour créer une « zone de transition » constituée d’un stationnement, un espace vert et un muret est également complétée ; les travaux débuteront prochainement.

La proposition visant à limiter l’entreposage extérieur des concentrés de cuivre par l’ajout d’un dôme sur le site est aussi approuvée, tout comme l’amélioration des dépoussiéreurs qui traitent les gaz générés notamment par les opérations de fonte.

Le gouvernement approuve la recommandation d’une « entente-cadre » de 10 à 15 ans pour permettre à la fonderie « d’entreprendre des actions majeures pour réduire ses émissions d’arsenic […] tout en maintenant ses activités » et prévoit « soutenir » la multinationale à cet effet.

Rouyn-Noranda satisfaite

La Ville de Rouyn-Noranda « accueille favorablement » le rapport du comité interministériel, qui « répond aux attentes des élus et des citoyens », a-t-elle déclaré dans un communiqué.

« Le récent bilan des émissions d’arsenic de la Fonderie démontre que le travail est déjà entamé et avec la publication du rapport, nous sommes rassurés que les efforts de réduction des émissions se poursuivront », a déclaré la mairesse, Diane Dallaire.

« Notre plan d’action répond aux attentes des autorités gouvernementales, tout en assurant la pérennité de notre entreprise », a déclaré la porte-parole de l’entreprise, Stéphanie Lemieux, disant vouloir analyser le rapport avant de le commenter.