Bouteilles vides reprises à la SAQ. Système « largement » automatisé. Place aux entreprises d’économie sociale. La consigne élargie qui entrera en vigueur au Québec en 2022 se précise. Dans un entretien avec La Presse, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a levé le voile sur ce qui s’en vient.

L’élargissement de la consigne ne devrait pas trop chambouler les habitudes des consommateurs québécois, qui pourront rapporter leurs contenants vides à proximité des lieux d’achat, notamment à la Société des alcools du Québec (SAQ), a appris La Presse.

C’est ce que prévoit la proposition présentée jeudi au ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, par les « embouteilleurs », à qui la réforme confie la mise sur pied et la gestion du nouveau système.

Leur « plan opérationnel », dont la version finale devra être déposée d’ici un mois, prévoit une participation significative de la SAQ dans la récupération des contenants consignés, dont les bouteilles de vin et spiritueux feront désormais partie.

Longtemps opposée à la consigne sur les bouteilles de vin, la SAQ avait créé la surprise en changeant son fusil d’épaule en 2019 en raison du faible taux de recyclage du verre au Québec, tout en s’opposant au retour des bouteilles vides à l’intérieur de ses succursales.

Par contre, la société d’État se disait ouverte à accueillir l’infrastructure nécessaire à la collecte des contenants consignés à l’extérieur de ses commerces qui disposent de l’espace nécessaire.

Elle a ainsi réalisé une évaluation du nombre de succursales où un projet-pilote pourrait être mené, a-t-elle confirmé à La Presse.

Le dispositif de ramassage pourrait être installé dans le stationnement, illustre le ministre Benoit Charette, qui envisage qu’une proportion « très, très importante » de succursales puisse accueillir les équipements en question.

Accessibilité et technologie

Le système imaginé par les fabricants de jus, les brasseurs et les autres entreprises qui produisent des boissons, de concert avec les détaillants qui vendent leurs produits, mise sur l’accessibilité des points de collecte des contenants consignés.

Ils seront situés « le plus près possible du lieu d’achat », pour éviter aux consommateurs d’avoir à faire « un parcours du combattant » pour rapporter leurs contenants, explique le ministre Charette.

Un commerce pourra reprendre les contenants consignés chez lui ou encore s’associer avec des commerces voisins pour se doter d’un centre de dépôt commun, précise le ministre, qui donne l’exemple de « deux, trois épiceries qui sont quasiment face à face avec une succursale de la SAQ » et qui partageraient une infrastructure commune.

Le plan veut aussi inclure les entreprises d’économie sociale, comme la coopérative des Valoristes, qui pourraient se voir confier la gestion d’un centre de dépôt dans un milieu « très densifié », où se trouvent plusieurs petits commerces qui n’ont pas la capacité de gérer le retour d’un grand volume de contenants.

Les embouteilleurs ont par ailleurs opté pour une solution visant à limiter au maximum la manutention.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Benoit Charette, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

C’est un système qui va être largement, largement automatisé.

Benoit Charette, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

S’il regrette que le Québec soit dans les derniers au Canada à instaurer un système de consigne élargie, le ministre Charette souligne que cela a l’avantage de lui permettre de se doter d’équipements nettement plus évolués.

« Peu importe que ce soit un contenant de verre, de plastique ou d’aluminium, on le met dans la même machine et c’est la machine qui va faire le tri », explique-t-il.

Les bouteilles de bière, qui font déjà l’objet d’une consigne privée et distincte, continueront cependant d’être collectées séparément, essentiellement parce qu’elles sont à usages multiples et qu’elles ne doivent pas être brisées.

Écofrais

Les embouteilleurs souhaitent pouvoir facturer des écofrais pour certains types de contenants, une idée qui n’enchante pas le ministre Charette, qui croit à la possibilité que le système s’autofinance, mais pour laquelle il n’y a « aucune décision d’arrêtée ».

Leur demande d’exclure de la consigne certains contenants faits de matériaux qui se recyclent ou se valorisent mal a aussi surpris le ministre.

Je leur ai dit : ‟Vous n’avez pas compris, c’est vous qui n’avez pas intérêt à mettre en marché des contenants qui ne se récupèrent ou valorisent pas bien”.

Benoit Charette, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

Le ministre n’exclut pas que la réforme fasse en sorte qu’on voie de moins en moins certains types de contenants dont le « potentiel de valorisation » est plus faible, comme les multicouches dans lesquels sont vendus certains jus, laits, soupes et bouillons.

Ces contenants bénéficient d’ailleurs d’un sursis de deux ans ; ce n’est qu’à la fin de 2024 qu’ils seront consignés, alors que tous les autres le seront progressivement à partir de l’automne 2022.

Si leur recyclage coûte trop cher aux yeux des entreprises qui les utilisent pour vendre leurs produits, ce sera un incitatif afin d’opter pour un autre type de contenant, souligne le ministre Charette.

Les embouteilleurs, dont beaucoup s’opposaient à l’élargissement de la consigne, « ne sont pas enthousiastes au même niveau », admet le ministre, « mais tous reconnaissent que c’est la direction dans laquelle il faut aller ».

L’unanimité des partis politiques sur la nécessité de cette réforme aide grandement, pense-t-il.

« Les parties prenantes savent fort bien qu’il n’y a plus de possibilité de retourner en arrière », affirme Benoit Charette.

La consigne élargie couvrira tous les contenants de boissons prêtes à boire de 100 millilitres à 2 litres, qu’ils soient en plastique, en verre, en métal ou en carton, ce qui représentera 4 milliards de contenants annuellement. 

Six projets-pilotes

Six projets-pilotes démarreront à différents endroits au Québec dès la fin de février ou le début de mars, afin de tester différents types d’infrastructures et différents emplacements. « L’équipement est acheté », indique le ministre Benoit Charette. Les dépôts volontaires de verre qui ont vu le jour un peu partout au Québec depuis quelques années pourront continuer d’exister pour les contenants non consignés, mais le ministre reconnaît que la réforme les touchera. « Je salue ces initiatives, dit-il. Elles ont sans doute aidé à vendre le concept de consigne. »