La carboneutralité est « possible » au Canada. Mieux : elle sera profitable pour les entreprises du pays. Même les ménages y trouveront leur compte. Mais il faudra « des efforts considérables » pour y parvenir. Et il faut s’y atteler tout de suite. C’est ce que conclut un rapport publié ce lundi.

Objectif réaliste

Réduire à zéro les émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) pour 2050, comme Ottawa ambitionne de le faire, est possible. Il y a même plusieurs façons d’y parvenir, affirme le rapport Vers un Canada carboneutre de l’Institut canadien pour des choix climatiques (ICCC). Mais cela nécessitera la mise en œuvre « de politiques qui vont bien au-delà de tout ce qu’on a vu à ce jour au pays », prévient le document. « C’est un rapport qui est positif », résume Renaud Gignac, associé de recherche principal à l’ICCC, qui insiste toutefois sur l’ampleur et l’urgence de la tâche.

Miser sur les « valeurs sûres »

Les « valeurs sûres » que sont les solutions de réduction des GES déjà en place permettront de faire une bonne partie du chemin, dans un premier temps, explique le rapport. L’efficacité énergétique, l’électrification des transports, le gaz naturel renouvelable, entre autres, pourraient être responsables des deux tiers des efforts requis pour atteindre la cible canadienne de réduction de 2030 des émissions de GES, en vertu de l’Accord de Paris, qui est de 30 % sous leur niveau de 2005. « Il faut mettre le pied sur l’accélérateur, dans les valeurs sûres », explique Renaud Gignac.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Un autobus électrique de la Société de transport de Laval

Faire des « paris risqués »

Les dernières réductions seront les plus difficiles et pour les réaliser, le Canada doit faire des « paris risqués » en misant sur l’innovation. Nul ne pouvant bien sûr prédire l’avenir, « il faut continuer d’investir dans plusieurs technologies différentes et voir lesquelles vont s’avérer rentables et utilisables », soutient Renaud Gignac. Des solutions comme la séquestration du carbone dans le sol ou sa captation directement dans l’air sont par exemple à l’essai dans l’Ouest canadien, mais leur efficacité ou leur rentabilité n’est pas encore suffisante, illustre-t-il, prévenant que « le danger serait de se fier à ces technologies pour attendre d’investir [dans d’autres] ».

Profitable pour l’économie

Les solutions permettant d’atteindre la carboneutralité contribueront à la croissance économique du Canada, indique le rapport, citant les minéraux et métaux nécessaires à la production de technologies propres comme les batteries pour les véhicules électriques, l’hydrogène, les biocarburants et les « solutions à émissions négatives » comme le stockage de carbone. Des entreprises d’ici « tirent déjà profit de la transition », comme le constructeur de véhicules lourds à zéro émission Lion, illustre Renaud Gignac. « Le défi du Canada est de continuer de se positionner et de tirer son épingle du jeu », dit-il, soulignant que le contexte est d’autant plus favorable depuis l’arrivée du président Joe Biden à la Maison-Blanche.

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Un employé de Lion, une entreprise de Saint-Jérôme, travaille sur un autobus scolaire électrique.

Économique pour les ménages

La progression du Canada vers la carboneutralité se traduira par des économies pour les ménages, qui « dépenseront moins pour les services énergétiques » comme le chauffage et les transports, a constaté avec surprise l’ICCC, et ce, dans tous les scénarios étudiés. Cela s’explique par l’amélioration de l’efficacité énergétique des appareils et des bâtiments, mais aussi par l’augmentation des revenus, indique Renaud Gignac. « Les ménages dépensent [actuellement] entre 5 % et 9 % de leur budget en énergie ; cette proportion pourrait passer à 3 % à 7 % d’ici 2050 », explique-t-il. L’observation concerne autant les ménages à faibles revenus que les plus riches.

Grands (ou petits) chamboulements

La carboneutralité pourrait changer considérablement l’économie canadienne… ou pas, selon le « système énergétique » qui se concrétisera. Un scénario évoque la possibilité que l’énergie continue de provenir en grande partie des combustibles fossiles. Il faudrait toutefois que leur prix sur les marchés internationaux demeure élevé et que les technologies de captation et de séquestration du carbone soient rentables et déployées à grande échelle, deux hypothèses « incertaines », note Renaud Gignac. Un autre scénario envisage que l’énergie proviendrait principalement des biocarburants de deuxième génération – produits à partir de déchets et de végétaux qui n’entrent pas en compétition avec les cultures nourricières – qui utiliseraient les infrastructures actuelles. Un troisième scénario, nettement plus disruptif, envisage un système énergétique reposant sur l’électricité et l’hydrogène.