Le gouvernement fédéral a annoncé lundi un décret d’urgence pour protéger une espèce menacée au Québec. C’est la deuxième fois en cinq ans qu’une telle mesure est prise pour la rainette faux-grillon, minuscule grenouille menacée une nouvelle fois par un projet de développement.

Le décret est entré en vigueur lundi et couvre le secteur où des travaux pour l’agrandissement d’un boulevard, à Longueuil, menaçaient l’habitat essentiel de l’espèce. La zone maintenant protégée totalise environ 20 hectares dans l’arrondissement de Saint-Hubert.

Les travaux de prolongement du boulevard Béliveau avaient été autorisés par le ministère québécois de l’Environnement en vertu de simples « déclarations de conformité », procédure moins contraignante qu’une demande d’autorisation formelle. Selon des documents déposés récemment en Cour supérieure, c’est à la suggestion du Ministère que la Ville de Longueuil a retiré sa demande d’autorisation ministérielle. La municipalité pouvait ainsi aller de l’avant avec une procédure simplifiée, qui permettait de ne pas tenir compte d’un avis faunique défavorable du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP).

Les travaux, pratiquement terminés, ont été réalisés dans l’habitat essentiel de l’espèce. Des milieux humides ont été détruits. Le 8 novembre, le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, avait annoncé son intention de recommander un décret au gouvernement Trudeau dans ce dossier.

La rainette faux-grillon a le statut d’espèce menacée au Canada et vulnérable au Québec. Selon un récent rapport du MFFP, le déclin de l’espèce se poursuit à grande vitesse dans la province. Moins du quart des populations qui subsistent à ce jour « seraient capables de se maintenir à moyen terme si les conditions demeuraient telles quelles ».

La population du secteur du boisé du Tremblay, là où les travaux municipaux ont eu lieu, est d’ailleurs considérée par le MFFP comme « d’une importance provinciale ». Il ne reste que six populations toujours viables de l’espèce en Montérégie. Au cours des dernières décennies, la rainette faux-grillon, qui se reproduit au printemps dans des milieux humides temporaires, a perdu 90 % de son aire de répartition historique au Québec.

Une protection « rapide et véritable » souhaitée

« La portée du décret nous laisse sur notre faim, le décret protège essentiellement des zones déjà détruites, affirme Alain Branchaud, directeur général de la Société pour la nature et les parcs au Québec. Il est à souhaiter que cette intervention du fédéral mène rapidement et véritablement à une protection de l’habitat essentiel de l’espèce. »

Le décret ne couvre pas en effet les terrains situés au sud du prolongement du boulevard Béliveau où l’on retrouve une population de rainettes en forte croissance, depuis quelques années. La Presse a révélé récemment que la Ville de Longueuil a dans ses cartons des projets de lotissement résidentiel dans ce secteur.

IMAGE FOURNIE PAR ENVIRONNEMENT CANADA

Carte montrant la zone (foncée) couverte par le décret d’urgence

De son côté, la nouvelle mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, dit avoir clairement signalé ses intentions au ministre fédéral de l’Environnement. « J’ai fait part à Steven Guilbeault de l’intention de notre administration de prendre toutes les dispositions nécessaires pour protéger le milieu naturel à perpétuité, en empêchant notamment tout développement immobilier sur les lots des terrains adjacents au boulevard. Nous souhaitons arriver à une entente tripartie avec le gouvernement du Québec pour y parvenir. »

Mme Fournier a aussi mentionné qu’elle souhaite intervenir rapidement pour empêcher le drainage des milieux humides toujours présents, une conséquence des travaux réalisés plus tôt cet automne.

Rappelons qu’en 2016, Ottawa avait adopté un décret similaire pour protéger la rainette faux-grillon à La Prairie, où l’espèce et son habitat étaient menacés par un important projet de lotissement résidentiel.