Des discussions difficiles se poursuivent samedi à la 26e Conférence des Nations unies sur le climat (COP26), qui devait se conclure vendredi. Le Réseau action climat Canada mise sur le ministre Steven Guilbeault pour arracher un texte final fort.

La COP26 est entrée en prolongation, et il faudra un joueur habile pour dénouer les négociations.

Ce joueur pourrait bien être le nouveau ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, croit Eddy Pérez, directeur de la diplomatie climatique internationale au Réseau action climat Canada.

Steven Guilbeault « comprend la game », dit-il, rappelant que l’ancien militant écologiste en est à sa 19COP.

« Il sait à quel point on pense aux compromis, dans les dernières heures de la négociation, mais [il sait aussi] que sur certains points, il n’y a pas de compromis possible », explique Eddy Pérez.

Le Canada doit peser de tout son poids pour montrer que sa démarche climatique est sérieuse, estime-t-il, soulignant la responsabilité des pays riches à l’égard des pays en développement, l’abandon des énergies fossiles, les droits de la personne et la transition juste.

C’est sur ces éléments que je vois le ministre Guilbeault manifester un soutien fort. Le vrai test se passe maintenant.

Eddy Pérez, du Réseau action climat Canada

Les intérêts hautement divergents des différents pays se traduisent par une « lutte diplomatique » intense, souligne Eddy Pérez, qui appelle à ne pas céder.

« On a besoin de quelqu’un qui est capable de porter un message sur l’ambition, de porter un message sur le fait qu’il faut partir [de Glasgow] avec un message clair, garder l’objectif de [limiter le réchauffement de la planète à] 1,5 °C à portée de main. »

L’organisation Équiterre aimerait aussi voir Ottawa avoir un rôle de premier plan sur la question.

« On met de la pression pour s’assurer que le Canada joue son rôle et évite que le texte final soit dilué sur les questions des droits de la personne, des droits autochtones et des énergies fossiles », a affirmé à La Presse Émile Boisseau-Bouvier, analyste des politiques climatiques et de la transition écologique au sein de l’organisation québécoise.

« Personne ne peut crier victoire », dit Guilbeault

Le ministre Steven Guilbeault a reconnu que l’ambition climatique affichée par la communauté internationale était encore insuffisante, lors d’une conférence de presse en fin de journée, vendredi (heure de Glasgow).

« Personne ne peut crier victoire ici, loin de là », a-t-il déclaré.

Personne ne pense que le travail sera terminé une fois que les lumières seront fermées, ici, à Glasgow.

Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique

Le ministre a ajouté que « le Canada continue de faire pression pour un texte ambitieux avec les autres membres de la High Ambition Coalition [coalition pour une ambition élevée] ».

Les discussions achoppaient notamment sur l’article 6 de l’accord de Paris, qui doit encadrer les échanges de réductions d’émissions entre les pays, suscitant l’inquiétude de nombreux participants, dont le ministre Guilbeault, qui souhaite des règles « robustes » et « transparentes ».

Nous sommes de ceux qui pensent qu’il faut finaliser les règles sur la mise en œuvre de l’accord de Paris. Cela étant, il ne faut pas faire ça à n’importe quel prix.

Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique

Les groupes écologistes dénonçaient le fait que la version du texte qui circulait en fin de journée vendredi contenait des échappatoires permettant la double comptabilisation des réductions d’émissions de gaz à effet de serre, ce qui permettrait d’éviter une réelle diminution.

La « folie » des énergies fossiles

Également au centre des discussions, les subventions aux industries des énergies fossiles ont été vertement critiquées par les États-Unis, vendredi.

« C’est la définition même de la folie », a déclaré l’émissaire des États-Unis John Kerry au sujet des milliers de milliards de dollars versés à ce secteur dans les « cinq ou six dernières années ».

Nous sommes le premier producteur de pétrole et de gaz au monde. Nous participons à ces subventions. Elles doivent s’arrêter.

John Kerry, émissaire des États-Unis pour le climat

Un rapport publié vendredi critique l’« écart alarmant » qui sépare les promesses des actions dans le domaine des énergies fossiles de cinq pays riches : le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Norvège et l’Australie.

Le document, intitulé Les Cinq carburant aux fossiles (Fossil Fuelled 5, en anglais), relève notamment que le Canada, qui promet d’augmenter sa tarification sur le carbone, a tout de même versé quelque 17 milliards de dollars en fonds publics pour trois projets d’oléoduc entre 2018 et 2020.

Steven Guilbeault réitère que le Canada mettra fin « à toutes les subventions qui permettent d’augmenter la production de combustibles fossiles » en 2023, deux ans avant ses partenaires du Groupe des vingt (G20).

Le Canada a investi 14,5 fois plus d’argent pour soutenir les énergies fossiles que les énergies renouvelables, de 2018 à 2020, déplore Émile Boisseau-Bouvier, d’Équiterre, estimant que « nos billes ne sont pas dans le bon panier ».

Avec l’Agence France-Presse

« Authentique appréciation »

La COP26 a permis à Ottawa de regagner ses lettres de noblesse en matière climatique, estime le ministre Steven Guilbeault, qui s’est réjoui de l’« authentique appréciation du travail du Canada » par la communauté internationale. « Quand le Canada, avec l’une des quatre principales réserves de pétrole et de gaz au monde, s’engage à plafonner les émissions de ce secteur au niveau actuel, le monde en prend note », a-t-il entre autres illustré. Le Canada a réalisé à Glasgow une « meilleure performance » qu’aux précédentes COP, même s’il devrait en faire davantage, affirme Eddy Pérez, du Réseau action climat Canada, qui reconnaît qu’Ottawa a pu renforcer certaines mesures annoncées et conclure des partenariats importants. Émile Boisseau-Bouvier, d’Équiterre, salue quant à lui l’engagement d’Ottawa à mettre fin aux investissements dans les énergies fossiles à l’étranger : « Ce sont plusieurs milliards de dollars par année qui sont utilisés pour financer la destruction de notre planète plutôt que la transition qui est vraiment nécessaire. »