L’abandon du pétrole et du gaz brille par son absence dans l’ébauche d’accord publiée lundi à la 26conférence des Nations unies sur le climat (COP26), mais le ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique Steven Guilbeault ne s’en émeut pas.

« C’est un texte de négociations qui va changer 40 fois d’ici la fin de la semaine », a-t-il déclaré à La Presse, qui l’a joint à Glasgow, en Écosse, où il dirige la délégation canadienne.

L’ébauche a été qualifiée de « faible » par l’organisation écologiste Greenpeace, qui a souligné dans un communiqué que la mention des énergies fossiles est systématiquement bloquée par les mêmes pays, de conférence en conférence.

« Ce qui est très préoccupant ici, à Glasgow, c’est que la première ébauche du texte est déjà exceptionnellement faible, alors qu’habituellement, elle commence avec une certaine ambition, qui est ensuite édulcorée », a déclaré la directrice générale de l’organisation, Jennifer Morgan.

Les avancées sont pourtant notables, estime le ministre Guilbeault, qui rappelle que la planète se dirigeait avant l’accord de Paris vers un réchauffement de « 3,6 ou 3,7 ℃ », puis de 2,7 ℃ avant la COP26, et maintenant de 1,8 ℃ avec les récents engagements annoncés.

« On s’approche de plus en plus de notre objectif », qui est de limiter le réchauffement à 1,5 ℃, dit-il.

Lobbyistes des énergies fossiles

Le ministre Guilbeault relativise la présence de représentants de l’industrie fossile au sein de la délégation canadienne à la COP26, après qu’une analyse a révélé lundi que pas moins de 503 lobbyistes liés aux énergies fossiles participent à la conférence, dont certains au sein de délégations nationales.

« Si le lobby des énergies fossiles était un pays, il aurait la plus importante délégation à la COP », a déploré dans un communiqué le regroupement d’organisations non gouvernementales (ONG) ayant effectué l’analyse, dont Global Witness.

Seules deux personnes faisant partie de la délégation de l’Alberta, incluse dans la délégation canadienne, peuvent être qualifiées de représentants de l’industrie pétrolière, affirme le ministre Guilbeault, qui estime que cette industrie doit aussi faire partie de la conversation sur les solutions à apporter à la crise climatique.

« Tous les secteurs d’activité doivent faire mieux en matière de changements climatiques, et c’est particulièrement vrai pour le secteur du pétrole et du gaz », dit-il, minimisant leur capacité à retarder les négociations.

S’il y a des gens qui pensent qu’ils sont venus ici pour nous dire qu’il ne faut pas lutter contre les changements climatiques, ça va être des conversations qui vont être très courtes.

Steven Guilbeault, ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique

Équiterre déplore la présence d’autant de représentants de l’industrie des énergies fossiles, alors que l’accès à la conférence s’est révélé très difficile pour les délégués des pays en développement, particulièrement touchés par la crise climatique.

« Quand la maison brûle, pourquoi continuons-nous à inviter les pyromanes à souper et, en plus, décider du menu ? », s’est indigné Émile Boisseau-Bouvier, analyste en politiques climatiques et transition écologique de l’organisation écologiste québécoise.

Les ministres entrent en scène

Les négociations techniques de la dernière semaine vont faire place aux négociations politiques, qui devraient permettre de faire avancer des points plus difficiles, prédit Steven Guilbeault, dont les nuits devraient raccourcir.

« Les ministres vont être de plus en plus occupés au cours des prochains jours pour, on l’espère, arriver à une entente d’ici vendredi », explique-t-il, se disant « prudemment optimiste ».

L’atmosphère est plutôt positive. Il n’y a pas de drapeau rouge jusqu’à maintenant.

Steven Guilbeault

Il ajoute que le succès de la COP26 ne passe pas seulement par la négociation, bien que très importante, du texte final.

« Il y a beaucoup d’autres choses qui se passent ici, en parallèle et en marge des négociations », lance-t-il, évoquant des ententes sectorielles comme celle sur la réduction des émissions de méthane.

L’enjeu des crédits compensatoires

Parmi les sujets qui « accrochent » dans les négociations, le ministre Guilbeault évoque la transparence et la reddition de comptes, les pertes et dommages, les droits de la personne ainsi que les crédits compensatoires.

Ces échanges de droit d’émissions sont fortement critiqués parce qu’ils sont vus par de nombreux observateurs comme une façon d’éviter de réelles réductions d’émissions de gaz à effet de serre (GES).

« C’est pour ça qu’il faut des règles qui soient robustes », notamment pour éviter le « double comptage » des réductions, dit Steven Guilbeault, qui rappelle que de tels mécanismes existent, citant la Bourse du carbone commune du Québec et de la Californie.

Il souligne en outre que les pays n’ont pas intérêt à miser sur la compensation de leurs émissions par l’acquisition de crédits, parce qu’ils détourneraient ces fonds de leur économie.

« Cette idée-là qu’un pays pourrait dire « Je vais payer plein d’argent pour que d’autres fassent des réductions et aient tous les bénéfices sociaux et environnementaux [qui s’y rattachent] et moi, le cave, tout ce que je vais faire, c’est payer, payer, payer » m’apparaît une drôle de stratégie », lance le ministre.