N’importe quel blogue de jardinage vous le dira : éliminer les mauvaises herbes avec de l’eau chaude, ça fonctionne – et ce n’est pas nouveau. L’entreprise française Oeliatec a décidé de pousser plus loin ce remède de grand-mère en commercialisant une machine qui désherbe avec de l’eau chauffée à 120 °C. Écologique, efficace et sécuritaire, elle pourrait détrôner les glyphosates en milieux urbain et agricole.

Chauffer de l’eau à 120 °C, ce n’est pas une mince affaire. Pour obtenir une telle température à sa sortie, la machine d’Oeliatec est pourvue d’un ensemble de « jeux de pompes, de régulateurs, de capteurs à gauche et à droite », explique Benoît St-Laurent, président de GMABE et distributeur d’Oeliatec au Québec. Ce système ingénieux permet de condenser la vapeur d’eau en grosses gouttes pour en conserver la chaleur.

À la sortie du système, ces gouttes se refroidissent au contact de l’air : elles sont à environ 100 °C lorsqu’elles entrent en contact avec les mauvaises herbes. « Le but est de tenir la chaleur le plus longtemps possible sur la plante, pour pouvoir détruire non seulement la partie aérienne, mais aussi le collet et les racines », explique Jean-Pierre Barre, gérant de l’entreprise Oeliatec.

Le collet est la partie de la plante la plus proche du sol, située entre la tige et les racines. « Quand cette partie est brûlée, la plante ne repart pas. C’est la différence avec un système avec un chalumeau [ou un système] où l’on vient scalper la plante : s’il y a un peu d’humidité, la plante peut repartir », précise-t-il.

L’eau chaude refroidit très vite lorsqu’elle pénètre dans la terre, donc elle n’induit pas de « dommage collatéral significatif au niveau de la vie du sol », ajoute Benoît St-Laurent.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Le système d’Oeliatec comprend un ensemble de pompes, batterie et chaudière, permettant à l’eau d’atteindre une température de 120 °C.

Éliminer les glyphosates

Cette méthode pourrait permettre de remplacer les glyphosates, herbicides utilisés couramment en agriculture, mais également pour éliminer les mauvaises herbes en ville. Les glyphosates sont en effet très controversés : « Ils affectent le mécanisme de la fabrication de la lignine, un structurant de la plante qui fait qu’elle se tient droite », explique Louise Hénault-Ethier, directrice et professeure associée au Centre Eau Terre Environnement de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). « La façon dont ça tue la plante, on n’a pas cette voie biochimique dans notre corps, mais il y a des voies secondaires qui peuvent être affectées. […] Ça peut influencer le fonctionnement des hormones du corps humain, par exemple », ajoute-t-elle.

Par ailleurs, les glyphosates sont classés agent « cancérigène probable pour les humains » depuis 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Diverses méthodes ont déjà été proposées pour remplacer ces herbicides : arracher les mauvaises herbes, retourner la terre, enfouir les jeunes herbes folles… Mais outre leur efficacité moindre, même ces méthodes dites « traditionnelles » ne sont pas idéales pour l’environnement : « cela cause plein d’enjeux sur la productivité dans les champs, que ce soit au chapitre de la porosité du sol, de l’infiltration de l’eau, de la compaction, de l’érosion de la couche superficielle…, énumère Mme Hénault-Ethier. Quand on laboure la terre, […] on active la décomposition et les émanations de carbone dans l’air. »

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L’eau sort sous forme de grosses gouttes qui ébouillantent la plante.

Une solution énergivore

La méthode d’Oeliatec est-elle moins dommageable pour l’environnement que les techniques chimiques ou traditionnelles ?

Si elle ne demande pas de travailler la terre, l’action de chauffer de l’eau à une telle température reste très énergivore.

Pour une journée de travail, le système consomme ainsi « entre 15 et 30 L [de mazout], dépendamment de l’équipement », précise Benoît St-Laurent.

Même en comptant trois ou quatre passages par année, cela reste minime en comparaison des 1000 à 2500 L de mazout qu’il faut pour chauffer une maison pendant un an. « Il faudrait voir une analyse de cycle de vie complet pour comparer réellement l’empreinte environnementale globale en matière de consommation d’énergie, de consommation de carburant, de rejets vers l’eau, de rejets vers l’atmosphère…, explique Mme Hénault-Ethier. Mais j’aurais tendance à dire que l’impact environnemental et le risque toxicologique sont nettement moindres avec une technologie comme celle-là. »

Avec l’interdiction des glyphosates par certaines villes québécoises, comme Laval ou Montréal, Oeliatec espère multiplier les machines vendues à destination des municipalités au Québec. Certains pays, comme l’Allemagne, ont décidé d’interdire complètement ces herbicides, mais il reste des exceptions dans le monde.

Oeliatec en chiffres

1000 machines vendues en Europe
20 machines vendues au Québec
120°C : température de travail
70 % : efficacité au premier passage

Source : Oeliatec

Consultez le site web d'Oeliatec Consultez le site web de l'International Agency for Research on Cancer (en anglais) Lisez notre texte « Ville de Mont-Royal : le mazout interdit en 2025 »