Ottawa mènera sa propre évaluation environnementale du projet de tunnel autoroutier entre Québec et Lévis, a affirmé vendredi le nouveau ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, suscitant l’ire de François Legault.

« C’est un projet qui traverse l’un des plus grands cours d’eau au pays, alors c’est clair qu’il va y avoir une évaluation d’impact fédérale sur ce projet », a déclaré le ministre Guilbeault en conférence de presse.

Il réagissait à la déclaration de la ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne du Québec, Sonia LeBel, qui a déclaré mardi avoir bon espoir de le convaincre d’appuyer le projet, qu’elle a qualifié de « gagnant pour l’environnement ».

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Sonia LeBel, ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne

« Ce n’est pas dans le cadre d’une conversation sur le coin de la table qu’on va décider si c’est un bon ou un mauvais projet d’un point de vue écologique », a rétorqué Steven Guilbeault.

Le gouvernement libéral de Justin Trudeau a mis en place en 2019 un « régime d’évaluation environnemental très rigoureux », et c’est ce processus qui « permettra de mettre en lumière la nature écologique ou non de ce projet », a déclaré le ministre Guilbeault.

Une source gouvernementale fédérale n’étant pas autorisée à s’exprimer publiquement sur le sujet a ensuite précisé à La Presse que la décision de tenir ou non une étude d’impact serait officiellement prise lorsque le projet sera déposé.

En vertu des règles fédérales, un projet comme celui du tunnel Québec-Lévis n’a pas automatiquement à faire l’objet d’une étude d’impact, mais le ministre peut en ordonner une.

Gaspillage de fonds publics, dit Legault

Une étude environnementale fédérale du projet de troisième lien Québec-Lévis sera un gaspillage de fonds publics, croit le premier ministre François Legault.

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François Legault, premier ministre du Québec, lors d’une annonce à Saint-Pacôme, vendredi

« Je préférerais qu’on ne dédouble pas les évaluations environnementales. Mais là, c’est l’équipe de M. Trudeau qui semble vouloir continuer à faire du dédoublement, ce qui gaspille l’argent des contribuables », a dit M. Legault vendredi lors d’un point de presse dans le Bas-Saint-Laurent, diffusé sur les ondes du Réseau de l’information (RDI).

C’est sûr que je trouve que le gouvernement de M. Trudeau est très centralisateur. […] Le Québec fait de bonnes études environnementales. Je ne vois pas pourquoi il faudrait dédoubler le travail.

François Legault, premier ministre du Québec

Ottawa ne doit pas « s’immiscer » dans l’évaluation environnementale du troisième lien, avait déclaré plus tôt le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, Benoit Charette, estimant que cela était « contreproductif [et] contre-intuitif ».

Son adjoint parlementaire, le député de Bourget, Richard Campeau, n’était toutefois pas du même avis ; il a indiqué aux médias que « c’[était] aussi le rôle d’Ottawa » de procéder à ce genre d’étude.

« C’est un projet tellement majeur », a-t-il expliqué, se disant cependant « confiant » que le troisième lien passera le test de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada.

Non, dit aussi le PQ

Le Parti québécois dénonce lui aussi l’intervention d’Ottawa, bien qu’il s’oppose au projet de tunnel autoroutier du gouvernement Legault.

Le gouvernement fédéral n’a « rien à faire dans les évaluations environnementales qui touchent le Québec », a dit le député Sylvain Gaudreault, porte-parole péquiste en matière d’environnement.

J’ai été contre l’évaluation environnementale pour le projet Laurentia à Québec, j’ai été contre l’évaluation environnementale concernant GNL Québec, je suis contre l’évaluation fédérale pour le troisième lien.

Sylvain Gaudreault, porte-parole du Parti québécois en matière d’environnement

En revanche, le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE), qui avait réclamé la tenue d’une évaluation fédérale, a salué l’annonce du ministre Steven Guilbeault.

« Les nombreuses préoccupations du public et les impacts environnementaux potentiellement majeurs de ce projet justifient des évaluations provinciale et fédérale rigoureuses », a déclaré sa directrice générale, Geneviève Paul.

« Le troisième lien [est] susceptible d’avoir des répercussions importantes sur le fleuve Saint-Laurent et sur la capacité du Canada à respecter ses engagements climatiques », souligne le CQDE.

Sous les projecteurs avant la COP26

Le mégaprojet de 10 milliards de dollars qui doit relier Lévis et Québec est sous les projecteurs avec la participation imminente de François Legault à la conférence des Nations unies sur le climat (COP26), qui s’ouvrira dimanche à Glasgow, en Écosse.

Jeudi, le premier ministre a reconnu que le projet n’était pas « en ligne avec les objectifs » verts du Québec.

Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, l’a mis au défi de vanter « son autoroute à six voies sous le fleuve Saint-Laurent comme un projet vert » lors de son discours à la COP26.