Le cabinet du premier ministre François Legault estime que les groupes de défense de l’environnement « pleurnichent » en déplorant ne pas avoir été consultés par Québec en prévision de la conférence des Nations unies sur le climat (COP26), qui s’ouvrira dimanche à Glasgow, en Écosse.

« Le Québec est No 1 pour le moins de GES en Amérique du Nord. Seul État avec un plan chiffré pour atteindre sa cible. Aide [New York] et le [Massachusetts] à réduire leur [sic] GES avec son électricité propre. Pour Bonin [de Greenpeace] et Cie, ce sera jamais assez. Et là, ils pleurnichent », a écrit sur le réseau social Twitter Stéphane Gobeil, conseiller spécial du premier ministre.

Sa déclaration, qui faisait référence à l’étonnement du milieu écologiste québécois de ne pas avoir été consulté par le premier ministre avant son départ pour la COP26, que rapportait La Presse vendredi, lui a valu une avalanche de critiques.

« C’est plus de dialogue qu’on a eu avec le cabinet du PM qu’au cours des trois dernières années, donc c’est un progrès », a raillé le directeur des relations gouvernementales d’Équiterre, Marc-André Viau.

Mais je ne suis pas certain que ce soit la bonne stratégie pour [le gouvernement] de s’antagoniser les représentants environnementaux de la société civile à la veille du départ du PM pour la COP. Notre main tendue pour le dialogue est toujours là.

Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales d’Équiterre

Dénigrer la société civile est « une attitude dangereuse dans une démocratie », a déclaré la directrice générale du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE), Geneviève Paul, rappelant que ces organisations travaillent dans l’intérêt du public et relaient des préoccupations citoyennes.

« Vos insultes [ne] changent rien à votre bilan », a rétorqué Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie de Greenpeace Canada, rappelant que le plan vert du gouvernement Legault n’atteint de son propre aveu que 48 % de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec.

« Respecter la science du climat serait assez », a-t-il ironisé en reprenant les mots du conseiller du premier ministre.

Attaques de l’opposition

Les critiques sont aussi venues de l’opposition, qui n’a pas manqué de souligner que le premier ministre a une oreille attentive pour d’autres groupes.

« Veux-tu que je te fasse la liste de tous les représentants de l’industrie fossile qui vont pleurnicher au bureau de @francoislegault ? », a répondu sur Twitter le porte-parole péquiste en matière d’environnement, Sylvain Gaudreault, à Stéphane Gobeil — les deux hommes se sont côtoyés lorsque Stéphane Gobeil travaillait au Parti québécois.

Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a accusé le cabinet du premier ministre d’attaquer les écologistes « parce qu’ils font leur travail », estimant que « la CAQ panique parce que sa présence à la COP26 est ternie par ses propres choix ».

François Legault devrait présenter ses excuses aux groupes écologistes et commencer à prendre la question climatique au sérieux, a déclaré la cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade.

Pour François Legault, les gens qui se préoccupent de l’environnement pleurnichent. Pour mon équipe et moi, l’urgence climatique, c’est maintenant et vous avez toute mon écoute.

Dominique Anglade, Parti libéral du Québec

L’attaché de presse de François Legault, Ewan Sauves, n’a pas répondu aux questions de La Presse sur la sortie du conseiller spécial du premier ministre, affirmant seulement que le gouvernement n’a « pas à être gênés de [son] bilan en environnement ».

« Rôle très important »

À l’opposé du gouvernement québécois, le gouvernement fédéral a réservé une place aux représentants de la société civile dans sa délégation officielle à la COP26, a souligné dans une conférence de presse, vendredi, le nouveau ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault.

« Nous voulons leur faire une place, nous voulons entendre ce qu’ils ont à dire », a-t-il affirmé, évoquant non seulement les écologistes, mais aussi les jeunes, le mouvement syndical, les Premières Nations, les provinces et les municipalités.

Le mouvement écologiste joue un rôle très important dans une société comme la nôtre, et c’est parfois inconfortable, mais dans une démocratie, c’est tout à fait sain.

Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique

Le cabinet de François Legault s’est défendu de ne pas avoir consulté les groupes écologistes en s’en remettant au Comité consultatif sur les changements climatiques qu’il a mis sur pied, qui consulte lui-même ces groupes.

Or, ce comité ne conseille pas le premier ministre, mais bien le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, réplique Marc-André Viau, d’Équiterre.

« On a de bonnes relations avec le cabinet de Charette [et ceux d’autres ministres], dit-il, mais ça prendrait un dialogue plus soutenu avec celui du premier ministre, parce qu’il y a visiblement des choses qui pourraient mieux fonctionner ».