C’est un secret de Polichinelle que les infrastructures en eau au Québec ont besoin d’être modernisées. Or, des investissements supplémentaires dans le réseau rapporteraient presque deux fois plus que les sommes investies, conclut une étude du groupe Réseau Environnement dévoilée jeudi.

Pour chaque dollar investi, c’est 1,72 $ en économie qui serait obtenu, ont calculé des spécialistes du Groupe Agéco mandatés par Réseau Environnement pour une étude portant sur les estimations du retour sur les investissements pour les infrastructures en eau au Québec.

D’entrée de jeu, le rapport souligne que les « infrastructures en eau ont souffert d’un déficit chronique d’investissement au Québec au cours des dernières décennies ». Près de 30 % de la valeur de remplacement totale des actifs en eau est d’ailleurs à risque de défaillance.

Concrètement, cela veut dire qui si rien n’est fait rapidement, la facture sera encore plus élevée. « Ça coûte deux fois plus cher de remplacer des infrastructures que de les réhabiliter », lance Christiane Pelchat, PDG de Réseau Environnement. « Alors, ce qu’on dit au gouvernement, c’est : "N’attendez pas pour investir." »

Ces investissements sont d’autant plus urgents que la crise climatique fait augmenter les pressions sur des infrastructures vieillissantes. Les auteurs du rapport rappellent que la « non-adaptation des réseaux de collecte des eaux pluviales des municipalités québécoises aux changements climatiques pourrait causer une augmentation des dommages de 100 millions par année d’ici 2035 ».

Selon le Bureau d’assurance du Canada, 60 % des dommages à la propriété causés par l’eau sont attribuables à des infrastructures municipales en mauvais état.

De façon plus générale, les dommages découlant d’infrastructures municipales en mauvais état sont évalués à 760 millions de dollars par année au Québec.

« C’est comme une bicyclette »

L’étude suggère que des investissements supplémentaires de 27 milliards de dollars seront nécessaires, en plus des 22 milliards déjà prévus pour moderniser le réseau. Une estimation jugée prudente chiffre à 47 milliards le retour sur l’investissement grâce à ces dépenses additionnelles.

Des économies substantielles seraient ainsi obtenues en modernisant le réseau dans les meilleurs délais. Il y aurait moins de bris, moins de réparations, signale Justin Leroux, professeur au département d’économie appliquée de HEC Montréal, qui a contribué à la réalisation de l’étude. « C’est comme une bicyclette : si on l’entretient régulièrement, elle fonctionne mieux », a-t-il imagé.

« On pense que lorsqu’on donne au gouvernement les arguments économiques, on a plus d’écoute, ajoute Christiane Pelchat. Et l’économie verte peut être aussi payante que l’économie traditionnelle. »

En plus des avantages économiques, une amélioration des infrastructures permettrait aussi des gains importants en matière de santé publique.

Un réseau amélioré réduirait notamment le déversement d’eaux usées et de contaminants. Le rapport fait également mention d’améliorations notables qui pourraient être obtenues en diminuant les résidus d’antibiotique, tout comme les microplastiques dans l’eau. Une amélioration du traitement des eaux usées occasionnerait aussi une baisse de l’exposition aux perturbateurs endocriniens.

« C’est la première fois qu’on peut chiffrer le retour sur des investissements dans nos infrastructures en eau. Là, on va pouvoir avoir une oreille attentive du gouvernement », précise Christiane Pelchat.

« Il ne faut pas attendre de tout remplacer dans 20 ou 30 ans, parce que ça va coûter plus cher encore aux prochaines générations. »

Le nom du chercheur Justin Leroux a été corrigé. Une version précédente de ce texte l’avait malencontreusement identifié comme Justin Rioux.

En chiffres

27 millions

Économies annuelles liées à un meilleur traitement des eaux usées qui réduirait les agents pathogènes responsables de l’antibiorésistance dans la population

3,9 milliards

Coûts occasionnés par un « scénario catastrophe » causé par un bris d’équipement important devenu obsolète d’une usine de traitement de l’eau, ce qui toucherait 15 % de la population québécoise pendant cinq jours. Entreprises, hôpitaux et autres établissements seraient également touchés.

Source : Réseau Environnement