Les jeunes Canadiens ressentent surtout de la peur face aux changements climatiques, révèle un sondage de la firme Ipsos. « On se sent impuissants », souligne Kevin L’Espérance, 29 ans, qui se dit préoccupé au quotidien par cette question.

Lorsque Kevin L’Espérance pense aux changements climatiques, « angoisse » est le premier mot qui lui vient en tête. « J’ai l’impression que malgré les bonnes habitudes que je peux avoir sur le plan individuel, tant qu’il n’y a pas le collectif ou le politique derrière, il n’y aura pas de changements draconiens qui seront faits », précise le candidat au doctorat en santé publique de l’Université de Montréal, au bout du fil.

Selon un sondage réalisé par la firme Ipsos auprès de 501 Canadiens âgés de 18 à 29 ans, 59 % des répondants éprouvent de la peur face aux changements climatiques, alors que 57 % se disent nerveux et 41 % se sentent coupables. Quatre jeunes Canadiens sur 10 se disent « déterminés », alors que 38 % des répondants se qualifient d’« actifs » à ce sujet.

Écoanxiété

Les résultats du sondage en ligne, mené du 3 au 6 septembre dernier, révèlent une certaine paralysie chez cette tranche d’âge, qui considère que la question climatique définit son avenir, observe Éric Pineault, professeur à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM. « On est vraiment devant de l’écoanxiété, note ce dernier. La peur et la nervosité, ce sont tous des sentiments du chevreuil qui regarde le char lui foncer dessus. » Plus des deux tiers des répondants estiment aussi que les changements climatiques auront des répercussions négatives sur leur avenir.

L’écoanxiété a plusieurs facettes, nuance Anne-Sophie Gousse-Lessard, professeure associée à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM. Lorsqu’ils pensent aux changements climatiques, certains vont ressentir des émotions négatives, alors que d’autres vont souffrir de problèmes de concentration ou d’insomnie. Le trouble est reconnu par l’Association américaine de psychologie depuis 2017, mais la plupart des gens vivent leur écoanxiété de façon modérée.

La question n’est pas de savoir comment guérir de l’écoanxiété, mais plutôt de savoir quoi en faire, selon Mme Gousse-Lessard. Afin de canaliser leur angoisse, certains se tournent vers des gestes individuels – comme l’adoption d’un mode de vie zéro déchet –, alors que d’autres vont tendre vers des actions plus collectives. « Mais ce n’est pas vrai que la pilule miracle [contre l’écoanxiété] est l’engagement, estime la professeure. Il faut quand même prendre soin de soi. »

« Je me sens un peu victime d’abus »

Selon les résultats du sondage, à peine 24 % des répondants estiment que le gouvernement fédéral en fait assez pour lutter contre les changements climatiques. Ce sentiment de « trahison » par rapport à l’inaction des politiciens correspond aux résultats d’une vaste étude internationale sur l’écoanxiété, parue récemment dans la revue The Lancet Planetary Health, affirme Anne-Sophie Gousse-Lessard.

Le changement doit se faire à l’échelle nationale et même internationale, avance Kevin L’Espérance. « On n’y arrivera pas si tout le monde ne coopère pas dans le même sens, fait-il valoir. Mais je me sens un peu victime d’abus là-dedans. J’ai l’impression qu’il n’y aura pas de changements. »

Selon Éric Pineault, le discours des partis politiques qui pensent pouvoir agir sur le plan climatique « sans déranger » la population est inadéquat, face à l’anxiété profonde des jeunes. « Dire qu’on va ménager la chèvre et le chou, à la fois le pétrole et la transition [énergétique], ça ne colle pas avec cette génération, mais pas une seconde », remarque ce dernier.

S’il se qualifie d’« éternel optimiste », Kevin L’Espérance estime que les actions politiques sont « trop peu, trop tard ». Les changements climatiques se ressentent partout, jusque dans les loisirs de cet amateur de planche à neige. « J’ai l’impression qu’on est dans l’inertie », conclut-il.

22 %

Proportion des répondants qui estiment qu’ils n’auront pas de voiture au cours de leur vie

Source : Ipsos

60 %

6 jeunes Canadiens sur 10 croient que leur génération n’en fait pas assez pour s’attaquer aux changements climatiques

Source : Ipsos