Ottawa devra agir vite s’il veut intervenir pour protéger l’habitat essentiel de la rainette faux-grillon à Longueuil. Deux organisations environnementales québécoises ont annoncé mercredi qu’elles se tourneront vers les tribunaux si rien n’est fait d’ici le 20 octobre prochain.

Selon la Société pour la nature et les parcs (SNAP) et le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE), aucune procédure judiciaire n’a été enclenchée à ce jour par le gouvernement fédéral, même si des demandes ont été soumises il y a plus d’un mois.

Radio-Canada a annoncé mercredi qu’un décret d’urgence était imminent pour protéger les habitats essentiels de l’espèce menacés par des travaux à Longueuil. Ceux-ci ont été autorisés par le gouvernement du Québec, même si les autorités savaient qu’ils allaient entraîner la destruction d’une partie de l’habitat de la rainette, une espèce classée comme menacée au Canada et vulnérable au Québec.

Selon Radio-Canada, des inspecteurs fédéraux se sont rendus sur les lieux du chantier du prolongement du boulevard Béliveau, à Longueuil, la semaine dernière, et des consultations ont été faites auprès du gouvernement du Québec.

En entrevue pendant la dernière campagne électorale fédérale, le ministre du Patrimoine Steven Guilbeault avait confirmé à La Presse que le ministère fédéral de l’Environnement avait été saisi du dossier. Plusieurs sources avaient alors indiqué qu’Ottawa envisageait sérieusement d’intervenir à Longueuil en vertu de la LEP, mais que la décision était retardée en raison de la période électorale.

Un tel décret s’ajouterait à celui promulgué en 2016 pour protéger l’habitat essentiel de la rainette faux-grillon à La Prairie. Contestée, cette décision a été confirmée par plusieurs tribunaux depuis 5 ans.

« Des paroles en l’air »

Aujourd’hui, la SNAP et le CQDE réclament une intervention rapide du fédéral à Longueuil. « On sent une volonté d’acheter du temps du côté du gouvernement fédéral, pour des raisons qu’on ne s’explique pas », estime Alain Branchaud, directeur général de la SNAP.

Selon lui, même si des médias ont rapporté l’intention du fédéral d’agir dans ce dossier, « c’est juste des paroles en l’air ». Or, il y a urgence, ajoute la directrice du CQDE, Geneviève Paul.

Les deux organisations demandent donc à Ottawa d’agir d’ici le 20 octobre à défaut de quoi, elles « entreprendront officiellement les démarches légales nécessaires en Cour fédérale pour forcer l’action du gouvernement canadien ».

Soulignons que les travaux pour le prolongement du boulevard Béliveau à Longueuil ont été autorisés sur la base de simples déclarations de conformité, une procédure moins contraignante qu’une demande d’autorisation ministérielle.

Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) avait pourtant produit un avis défavorable, soulignant que « le site des travaux est désigné comme habitat essentiel de la rainette faux-grillon de l’Ouest en vertu de la Loi sur les espèces en péril ». Le document indiquait que « le projet fragiliserait donc le rétablissement et la conservation de l’espèce ».

Le déclin de cette espèce se poursuit d’ailleurs à grande vitesse au Québec. Moins du quart des populations actuelles pourraient se maintenir à moyen terme. Au printemps dernier, La Presse avait obtenu un rapport produit par le MFFP qui concluait « qu’en l’absence de mesures de protection renforcées, le déclin des populations de cette espèce risque de continuer ».

Cet amphibien mesurant moins de 3 cm se reproduit au printemps dans des milieux humides temporaires essentiels à sa survie. Or, le secteur du boulevard Béliveau est considéré comme essentiel à la survie et au rétablissement de l’espèce, selon le MFFP.