Le ministère de l’Environnement du Québec confirme que ses inspecteurs sont bel et bien retournés sur le terrain du dépotoir illégal de Kanesatake, même après qu’un des propriétaires ait décrété leur bannissement en 2020.

Sur la base de documents internes du ministère, La Presse révélait vendredi matin que le propriétaire de l’entreprise G & R Recyclage, où s’empilent des montagnes de rebuts, avait interdit en 2020 aux inspecteurs de revenir sur son territoire. Pendant un temps, les fonctionnaires se sont conformés à sa demande, selon leurs communications internes.

« L’exploitant du centre de tri m’a signifié que les représentants du gouvernement du Québec ne sont plus les bienvenus sur ce territoire autochtone », expliquait un inspecteur dans un document interne.

« La direction régionale choisit de poursuivre le suivi environnemental autrement, sans accéder au centre de tri », poursuivait-il. Des contaminants, incluant des BPC, avaient été détectés dans l’eau autour du dépotoir.

Les propriétaires, Robert et Gary Gabriel, ont été mêlés par le passé à des actes criminels et des incidents d’intimidation et de violence. Le premier juillet dernier, Gary Gabriel était en compagnie du caïd Arsène Mompoint, décrit par la police comme le chef d’une bande de tueurs à gages, lorsque ce dernier a été assassiné.

De retour trois fois

Or, vendredi, le ministère a confirmé que depuis 12 mois, ses inspecteurs sont revenus trois fois sur le terrain. Ils ont aussi fait sept inspections « hors site » dans les environs, en plus de déployer les services d’Urgence-Environnement deux fois à proximité et d’effectuer des contrôles routiers sur la voie publique.

« Aucune entrave n’a été constatée au sens de la Loi sur la qualité de l’environnement chez G & R. La loi […] permet de sanctionner les entraves au travail des inspecteurs », affirme Frédéric Fournier, porte-parole du ministère.

En plus de révoquer le permis de l’entreprise qui prétendait opérer un centre de recyclage, le ministère lui a imposé une sanction administrative de 2500 $. Des constats d’infractions ont été imposés suite à une enquête pénale et l’entreprise a été condamnée à payer une amende de 17 883 $.

Au fédéral de nettoyer

Le gouvernement québécois ne peut toutefois rien faire pour nettoyer les lieux, affirme le ministère. « Ce lieu, situé en territoire fédéral, n’est pas admissible au programme québécois de gestion des passifs environnementaux », affirme le porte-parole. Le ministère de l’Environnement du Québec est en discussion avec le gouvernement fédéral pour qu’il intervienne afin de réhabiliter les lieux.

Une coalition de plusieurs groupes environnementaux et de Mohawks inquiets a publié un communiqué pour dénoncer la situation vendredi. Le regroupement affirme que l’accumulation de rebuts en provenance de la grande région de Montréal sur un « minuscule » territoire autochtone constitue du « racisme environnemental ».

« Lorsqu’il s’agit de s’attaquer au problème, chaque instance gouvernementale repasse la balle à une autre », a déploré Louis Ramirez, porte-parole de la campagne pilotée par le groupe ReconciliAction.

Le Parti québécois a de son côté condamné le fait que des inspecteurs aient plié, même temporairement, lorsqu’un contrevenant a voulu les tenir à distance.

« Il est inadmissible qu’à la suite de ce qui s’apparente à de l’intimidation, les inspecteurs du ministère de l’Environnement et de la lutte aux changements climatiques aient plié et ne se présentent plus sur le site pour faire respecter la loi », a déclaré le député Sylvain Gaudreault, porte-parole du parti en matière d’environnement.

Le Québec a adopté des standards élevés en matière de décontamination des sols et « cela doit s’appliquer partout sur le territoire », a-t-il ajouté.

Robert Gabriel a déclaré au journal mohawk Eastern Door qu’il est préoccupé lui aussi par les risques de dommages à l’environnement et qu’il a essayé de travailler au nettoyage des lieux.

« Bien sûr que c’est une préoccupation. Je ne voudrais pas être responsable de quelque chose qui pourrait arriver à la nappe phréatique », a-t-il déclaré.